Cailhava, [Jean-François] né à Toulouse en 17.. Sans parler des Canevas & des Opéra Comiques qu’il a donnés aux Italiens, où ces bagatelles ont été accueillies du Public, trois de ses Comédies, le Tuteur dupé, le Mariage interrompu, & les Etrennes de l’Amour, ont eu du succès sur le Théatre de la Nation. La derniere n’est qu’un joli divertissement ; mais les deux autres respirent le goût de la bonne Comédie ; & quoiqu’elles ne soient pas exemptes de défauts, elles n’en offrent pas moins une infinité de traits qui annoncent de vrais talens. Il y regne de la gaieté, du comique de situation, du naturel & de la vivacité dans le dialogue ; l’intrigue en est bien conduite, & le style éloigné de toute affectation. Il y a, sur-tout dans la premiere, un Valet intrigant qui fait le plus grand plaisir. Ce personnage est le principal mobile de l’action ; & sans agir pour lui-même, sans affoiblir l’intérêt qui roule sur les Amans, ni emprunter aucun secours étranger, il parvient à faire sortir le dénouement du fond du sujet ; ce qui est très-rare dans un Valet intrigant, & peut-être même sans exemple chez nos meilleurs Comiques anciens & modernes. Dave, il est vrai, fait tout dans l’Andrienne de Térence, il est l’ame de la Piece jusqu’au cinquieme acte : mais n’est-on pas forcé de convenir que ses démarches & ses ruses ne servent à rien, puisqu’il faut faire venir à grands frais d’Andros, un nouvel Acteur pour dénouer l’intrigue ?
Le Mariage interrompu n’est pas, à beaucoup près, aussi bien terminé ; il y a trop de précipitation dans le dénouement. D’ailleurs, il est amené par un personnage qui n’a eu aucune part à l’action. A ce défaut près, qui est pourtant essentiel, cette Piece fait honneur à M. Cailhava, & donne de lui les plus grandes espérances : les scenes y sont filées avec art, la versification en est simple & facile ; l’on y remarque, comme dans le Tuteur dupé, le ton de la bonne Comédie. Quand l’Auteur n’auroit eu que le courage de résister au goût dominant du siecle pour le langoureux ou philosophique, ce qui est la même chose ; d’avoir su mépriser ce genre bâtard, quoique plus facile & plus applaudi par la multitude, & de s’être uniquement attaché aux bons modeles ; cette preuve de jugement suffiroit seule pour lui mériter des applaudissemens capables de l’encourager. On désire seulement qu’il s’attache, à l’avenir, à mettre des caracteres dans ses Pieces, s’il veut atteindre à la véritable gloire. C’est un mérite de faire rire ; c’en est un bien plus grand d’instruire & de corriger en amusant. Sa Comédie de l’Egoïste, en cinq actes & en vers, prouve qu’il a les talens nécessaires pour réussir dans les Pieces de caractere. Si celle-ci n’a pas eu un grand succès, elle ne laisse pas d’être supérieure à la plupart des Comédies de nos jours que le Public a accueillies.
Au reste, le sujet du Tuteur dupé est tiré du Fanfaron de Plaute, & la meilleure scene du Mariage interrompu est une imitation des Bacchides du même Poëte Latin. Est-ce un reproche qu’on prétend faire à M. Cailhava ? Non, sans doute : il vaut beaucoup mieux marcher d’après les bons modeles, que de s’obstiner à créer des monstres bizarres qui ne sauroient jamais plaire qu’à des esprits frivoles, triste jouet du premier Auteur médiocre qui veut les séduire.
Il a publié depuis une espece de Poétique de la Comédie, dont les principes sont justes, les observations fines ; mais où les citations sont trop multipliées, trop abondantes, & le style trop négligé.