(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 227-229
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 227-229

Batteux, [Charles] Abbé, Professeur de Philosophie au Collége Royal, de l’Académie Françoise & de celle des Inscriptions, né dans le Diocese de Reims, mort à Paris en 1780.

Aristote, dans sa Poétique, avoit réduit le but de la Poésie à l’imitation de la Nature ; M. l’Abbé Batteux, d’après l’Essai sur le Beau du P. André, a développé, étendu ce principe, & l’a appliqué avec beaucoup de justesse à tous les Beaux-Arts. Dans l’Ouvrage estimable qu’il a composé à ce sujet, il en revient continuellement à cette idée primitive, & en tire non-seulement les regles de la Poésie & de l’Eloquence, mais encore celles des autres genres d’imitation.

Il commence par examiner quelle est la nature des Arts, quelles en sont les parties & les différences essentielles ; il fait voir ensuite que leur unique but ne tend qu’à cette imitation nécessaire, & qu’ils ne different entre eux que par les moyens qu’ils emploient pour y arriver. Le sentiment vient à l’appui de son systême, & lui fournit des observations pour prouver que le goût, dans les Arts, ne sauroit subsister sans l’imitation, dont il n’est lui-même qu’une conséquence. Après cela, il entre dans la définition du goût, il en expose les sources, il développe les moyens propres à le former & à l’entretenir, il découvre les vices qui l’affoiblissent & le corrompent ; & de tous ces articles il forme une chaîne de preuves qui le ramenent à son principe général, l’imitation. Enfin, M. l’Abbé Batteux, pour fortifier ses raisonnemens, a recours aux exemples. La pratique des grands Maîtres concourt à la conviction de la bonté du précepte qu’il donne ; &, soit dans l’universalité des Beaux-Arts, soit dans chaque espece particuliere, la justesse de la théorie est toujours démontrée par l’expérience.

Nous ne nous sommes étendus sur l’analyse de son Livre des Beaux-Arts réduits à un même principe, que pour faire sentir à la Jeunesse combien il lui est important de s’attacher à de tels Ouvrages. Dans un temps où toutes les notions sont confondues, toutes les regles enfreintes, presque tous lès genres dénaturés, on ne sauroit trop rappeler les jeunes esprits à la vérité & au bon goût. Ils trouveront encore des ressources puissantes dans le Cours de Belles-Lettres du même Auteur, Ouvrage qui n’est que le développement du premier.

M. l’Abbé Batteux est du petit nombre des Auteurs qui ont rendu de vrais services à la Littérature. Nous désirerions, pour ne pas affoiblir cet éloge, de n’être pas dans le cas de reprocher à son style trop de diffusion, & à ses Traductions trop d’inexactitude ; mais le premier défaut est amplement racheté par le mérite des choses, qui l’emporte de beaucoup sur celui des mots ; & l’on fait grace au second, en faveur de ses bons principes & des excellentes remarques dont il a accompagné sa Traduction des trois Poétiques.