XXVII
accident au tréport. — voyage de la reine d’angleterre. — réponse d’edgar quinet a l’archevêque de paris.
Il a failli arriver un bien immense accident au Tréport. Le roi et toute la famille, y compris le petit comte de Paris (il n’y avait d’absents que la duchesse d’Orléans et Madame Adélaïde) ont manqué être renversés de la voiture où ils étaient, dans l’écluse. Les chevaux, effrayés des salves de canon qu’on tirait par honneur, et aussi du bruit des eaux de l’écluse, se sont emportés. Deux ont brisé la chaîne qui fait garde-fou au pont et sont tombés ; sans la présence d’esprit, l’adresse et la vigueur extrême du postillon qui a su faire porter à temps le timon contre un pilier ou poteau, la voiture était immanquablement précipitée. Quelles bizarreries dans ces accidents où la Providence fait comme jouer pour nous le hasard ! Le duc d’Orléans, l’autre année, se tue là où il n’y avait aucun danger, ce semble : une route unie, des chevaux qui, deux minutes après, allaient s’apaiser d’eux-mêmes. Ici toute une famille échappe à la chance la plus contraire. — On n’ose se figurer les conséquences. Qu'on ne vienne pas parler des conquêtes de l’homme, de ses assurances contre les événements ; nous ne sommes rien.
— On attend la reine d’Angleterre pour aujourd’hui samedi au châtean d’Eu. Viendra-t-elle faire une pointe jusqu’à Paris ? Grande question ; des paris sont engagés pour et contre. Dans tous les cas, cette visite de la reine d’Angleterre, qui n’est qu’un caprice de jeune femme, devient et sera un grand événement politique. Cette jeune reine s’est prise d’une très-vive amitié pour la princesse Clémentine, et de là son premier projet qu’elle a mûri dans sa petite tête et qui éclot aujourd’hui en dépit de toutes les diplomaties. Les rois avaient jusqu’ici affecté d’être personnellement peu polis envers Louis-Philippe, de ne pas lui rendre les visites qu’il leur avait fait faire par ses fils. L'an dernier, le roi de Prusse s’est arrangé et même gêné dans sa route vers l’Angleterre pour ne point passer par la France. Eh bien, voilà que brusquement la plus grosse et en même temps la plus mignonne de ces tètes couronnées arrive sans qu’à peine on l’invite, et se jette au cou du roi citoyen. Il y a de quoi faire enrager le Nord. Gare au coup de sang de l’empereur Nicolas ! Il en aura, disait une femme d’esprit, une attaque de knout. — En attendant, la diplomatie a une mine longue d’une aune.
Les journaux vous diront les suites pour ce voyage, sur lequel il y a encore toute chance ouverte.
— Quinet a répondu à l’archevêque de Paris dans la Revue des Deux Mondes ; vous aurez pu remarquer que quand il discute les rapports de l’Église et de l’État, sa logique n’est pas forte. Quoi ! on en sera venu à ce qu’il faut que tout le monde passe par les écoles éclectiques de l’État, pour éviter qu’il y ait trop de petites sectes ? C'est pitoyable ..
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La reine d’Angleterre est arrivée au Tréport et à Eu samedi, comme on l’attendait (voyez les Débats et le récit de M. Cuvillier-Fleury, l’historiographe). Le prince de Joinville était son pilote ; le roi est allé au-devant, est monté à bord du yacht royal, puis a ramené dans son canot la petite reine qui s’est remise à lui. Quand on lui a parlé de Paris, elle a répondu que ce n’était pas une visite de curiosité qu’elle faisait, mais une visite d’affection. Je ne sais si on la décidera, et si on la pressera beaucoup. On n’a pas l’air de l’attendre ici. — Suivez cela dans les Débats. C'est le grand événement de la chronique. — Je vous le répète, elle a pris cela toute seule sous son bonnet : elle est très-liée avec la reine des Belges (fille de Louis-Philippe), elle s’est très-prise depuis, et d’un goût très-vif, pour la princesse Clémentine (duchesse de Cobourg) ; elle lui avait dit depuis déjà assez longtemps : « Je médite d’aller voir vos parents à Eu, laissez-moi arranger cela, et gardez-moi le secret. » La visite récente du prince de Joinville et du duc d’Aumale à Londres n’était pas pour l’inviter, comme on l’a cru. Le prince de Joinville allait étudier quelque invention de bateau à vapeur dont il s’occupe pour son métier de marin, et, une fois dans les eaux de la Tamise, ils ont été faire visite à la reine. Voilà l’exacte chronique de cette visite qui renoue les traditions du Champ du drap d’or. — Cela fera sourire vos républicains et, si vous le voulez, prévenez-les, en souriant vous-même, du récit que vous ferez. Nous avons été un peuple courtisan : il en reste toujours quelque chose.
— Les Mystères de Paris, clos sous forme de roman, vont reprendre au boulevard sous forme de mélodrame ; l’auteur s’occupe déjà à les tailler dans ce nouveau pli : industrie, industrie sur toutes les coutures.