2. Aubert, [Jean-Louis] Abbé, Professeur de Langue Françoise au Collége Royal, né à Paris en 1731.
On a pu regarder pendant quelque temps Lamotte & Henri Richer, comme les imitateurs de la Fontaine, en laissant toujours une distance très-grande entre le Maître & les Disciples. M. l’Abbé Aubert a su diminuer considérablement cet intervalle. Sans s’éloigner du naturel & de la simplicité, il a eu l’art d’élever le ton de l’Apologue, & de lui donner un air de philosophie qui ne dépare point la Fable, quand il est sobrement dispensé. On peut orner la raison, des charmes de l’imagination & de l’esprit ; on peut donner à la morale une tournure piquante, en développer les maximes d’une maniere ingénieuse, sans déroger au génie fabuliste, qui est la simplicité ; on se rend même par-là plus intéressant, sur-tout quand il n’est pas possible d’atteindre un modele inimitable par lui-même. M. l’Abbé Aubert a fait ces tentatives avec un succès qui le distinguera toujours. Tout homme de goût sera de l’avis de M. de Voltaire, au sujet de ses Fables du Merle, du Patriarche, des Fourmis, en y reconnoissant le sublime & la naïveté fondus ensemble. Ce ne sont pas les seules qui méritent cet éloge ; plusieurs ont droit chacune dans leur genre, à un tribut de louange particulier.
Ses autres Poésies décelent un Auteur quelquefois élégant & facile. Dans le Poëme de Psyché, l’agrément & la variété des peintures ; le choix, l’imagination, & la finesse des expressions, se disputent l’avantage de captiver le Lecteur & de l’amuser. C’est ainsi qu’il faut écrire dans les sujets d’agrément. L’esprit ne plaît que quand il brille dans son vrai genre, & la chaleur fantastique de quelques-uns de nos Poëtes ne supplée point au défaut de naturel & de fécondité qu’on a raison de leur reprocher.
Pendant tout le temps que M. l’Abbé Aubert a été chargé de la continuation du Journal de Trévoux, il a eu le courage de parler avec impartialité de tous les Ouvrages, &, ce qui est plus courageux encore, de tous les Auteurs. Nous userons de la même liberté à son égard, & nous ne craindrons pas de dire qu’il auroit dû laisser aux autres Ecrivains le soin de parler de lui. Cet égoïsme, si fort à la mode parmi les Journalistes & les Auteurs critiques de ce siecle, est d’autant plus déplacé & plus ridicule, qu’il blesse l’amour-propre des Lecteurs, sans tourner au profit de celui des Ecrivains qui se le permettent, puisqu’il ne décele en eux qu’une vanité capable d’affoiblir le mérite de leurs bonnes qualités.