(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 113
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 113

Abelle,[Gaspard] Prieur de Notre-Dame de la Merci ; de l’Académie Françoise, né à Riez en Provence, en 1648, mort à Paris en 1718.

On ne sauroit peut-être pas qu’il a fait des Pieces de Théatre, sans ce Vers :

Vous souvient-il, ma sœur, du feu Roi notre pere ?

auquel un plaisant du Parterre répondit :

Ma foi s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guere.

ce qui fit tomber la Piece, qui seroit tout aussi bien tombée sans cela.

Ses autres Ouvrages, tous médiocres, & même au dessous du médiocre, sont restés dans l’oubli, & l’on a eu raison de dire dans son épitaphe :

Ci-gît un Auteur peu fêté,
Qui crut aller tout droit à l’immortalité ;
Mais sa gloire & son corps n’ont qu’une même biere ;
Et lorsqu’Abeille on nommera,
Dame Postérité dira :
Ma foi s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guere.

On n’avoit pas attendu sa mort pour faire des Epigrammes contre lui. En voici une qui n’a point été imprimée, & qu’on attribue à l’Auteur d’Athalie. Elle mérite d’être connue par l’originalité de ses rimes féminines, propres à donner une idée de la pesanteur de l’Auteur, & à prouver que l’Académie a été de tout temps un objet de plaisanterie.

Abeille, arrivant à Paris,
D’abord pour vivre vous chantâtes
Quelques Messes à juste prix ;
Puis au Théatre vous lassâtes
Les sifflets par vous renchéris ;
Quelque temps après, fatigâtes
De Mars l’un des grands* favoris,
Chez qui pourtant vous engraissâtes :
Enfin, digne Aspirant, entrâtes
Chez les quarante Beaux-Esprits,
Et sur eux-mêmes l’emportâtes
A forger d’ennuyeux Ecrits.