I
Je n’ai pas vu les Burgraves, donnés mardi dernier. La salle était pleine d’avance et d’amis. Un spectateur (ou qui voulait l’être, et qui n’a pu obtenir de billet à la porte) a fait incontinent un procès à la Comédie française. Ces incidents burlesques amusent à côté de ces grands vers. Il paraît bien que c’est beau, mais surtout solennel, écrit Janin : en bon français ennuyeux. On écoutait, mais sans aucun plaisir. Ce même Janin, qui a loué par nécessité dans les Débats, disait tout haut en plein foyer à qui voulait l’entendre : « Si j’étais ministre de l’intérieur, je donnerais la croix d’honneur à celui qui sifflerait le premier ». Il y aurait eu quelque courage en effet.
Cela peint nos mœurs littéraires. Il y a deux histoires littéraires : l’une écrite et l’autre parlée. Celle-ci est la vraie.
Dans le journal le Globe, Granier de Cassagnac a loué à tour de bras et a cité.
La carrière poétique de Victor Hugo a été toute une révolution. Granier de Cassagnac s’en est fait finalement le Robespierre ; je me flatte de n’en avoir été que le Vergniaud. Hernani, ç'a été pour moi la fin de l’Assemblée législative.
Au reste, à la façon plus modérée dont on parle de Hugo, et aussi à la façon moins grotesque qu’il a mêlée à ses grands vers de vieillards, on peut déjà s’apercevoir qu’il est d’un Corps (l’Académie) ; on se respecte mutuellement.