Villeroy, Auguste
[Bibliographie]
Hérakléa, drame en trois actes, en vers (1896).
OPINIONS.
Francisque Sarcey
Nous n’avons pas de chance décidément cette année avec le théâtre à côté… Hérakléa est une des œuvres les plus authentiquement médiocres et les plus mortellement ennuyeuses que j’aie entendues depuis longtemps.
A.-Ferdinand Hérold
Il sied de louer M. Auguste Villeroy du noble effort qu’il a tenté. Son drame, grave et austère, doit lui concilier la sympathie de ceux qui tendent à faire du théâtre un exemple d’actions hautaines et morales. M. Villeroy connaît la tragédie antique, et, bien qu’il n’emploie pas le chœur, sa pièce est construite un peu comme celles que la Grèce nous a léguées ; et même, à en juger par certaine indication qui suit, dans la pièce imprimée, la liste des personnages, il semble que M. Villeroy estime possible la représentation d’Hérakléa sur une scène bâtie à la manière des scènes antiques. M. Villeroy connaît encore les classiques français, et nous serions étonné si, parmi eux, Corneille n’avait pas sa prédilection. Ceux de ses héros qu’il donne, en exemple s’asservissent à ce qu’ils pensent leur devoir, et ils aiment à formuler, en des alexandrins abstraits, des maximes morales. Aussi ne faut-il pas s’étonner que le drame de M. Auguste Villeroy soit, au début, assez froid ; mais, dans la suite, il est des scènes où il s’anime et éveille, chez les spectateurs, une émotion sereine.
L’action d’Hérakléa est des plus simples. Chrysopolis, capitale de l’empire du Couchant, est, depuis de longs jours, assiégée par les Barbares ; le peuple demande qu’on se rende, et peut-être l’empereur Héklésias, affaibli par l’âge et les travaux, aurait-il cédé, si sa fille Hérakléa n’était là, sans cesse, pour le rappeler à l’effort et à la résistance. Tandis que, des fils de l’empereur, l’un, Chéréas, toujours indécis, essaye d’oublier, en faisant des vers, la chute qui menace Chrysopolis, et l’autre Théodore, insouciant et léger, oublie les malheurs de la patrie en courant au cirque et en fréquentant chez les courtisanes, Hérakléa, fière et pure, prie les Dieux, honore les vertus anciennes et pousse à la lutte acharnée. C’est elle que l’empereur écoute, et il déclare qu’il résistera aux Barbares. Priscus, prince du Sénat, l’invite à se rendre ; Xéniclès, préfet des légions, lui annonce que l’armée refuse de sortir ; Chrysès, le grand-prêtre, vient proclamer que les Dieux ordonnent d’ouvrir aux Barbares : Hérakléa renie les Dieux, qui conseillent la lâcheté, et l’empereur, après un moment de défaillance, repousse ceux qui veulent la reddition. Le peuple alors se rebelle, et Théodore lui-même, pour l’apaiser, le mène ouvrir aux Barbares les portes de Chrysopolis. Et tandis que tous, peuple, Sénat, armée, se précipitent avec joie vers les vainqueurs, l’empereur et sa fille se frappent et meurent, libres encore, et léguant aux Barbares l’exemple d’êtres qui, jusqu’au bout, ont eu foi en une idée, et qui n’ont voulu se soumettre à aucun esclavage.
Telle est l’action d’Hérakléa. M. Villeroy n’a point essayé de parer son drame d’ornements superflus. Aucune intrigue secondaire ne vient l’embarrasser ; il n’y a jamais que peu d’acteurs en scène, et l’auteur n’a point cherché à séduire le spectateur par le pittoresque des détails. Le défaut d’une œuvre dramatique ainsi conçue peut-être de manquer de mouvement : quand, dans un drame, on néglige le mouvement extérieur, il faut, nous semble-t-il, montrer, presque à chaque réplique, que croissent ou diminuent les passions des personnages ; ainsi le drame reste vivant, d’un mouvement passionnel. Peut-être la pièce de M. Villeroy languit-elle à certains moments ; la gradation des sentiments n’est pas toujours assez marquée ; mais il est des scènes bien animées et vraiment dramatiques : celle, par exemple, qui termine le second acte, où Hérakléa cesse de croire aux Dieux, et, bravant le grand-prêtre Chrysès, décide l’empereur à agir contre la volonté de tous.