Rebell, Hugues (1867-1905)
[Bibliographie]
Les Chants de la Pluie et du Soleil (1894). — Le Magasin d’auréoles (1896). — La Clef de Saint-Pierre, ballet (1897). — La Nichina, roman (1897). — La Femme qui a connu l’empereur (1898). — La Câlineuse, roman (1899).
OPINIONS.
Camille Mauclair
M. Hugues Rebell est un esprit délicat et avisé dont je n’aime presque jamais les conclusions, mais dont toutes les manifestations m’intéressent. Il soutient avec une vive intelligence et une finesse habile au paradoxe des causes souvent bizarres, excessives, difficiles, et il voyage de l’audace à la routine, du subtil au violent, du précieux au déréglé, avec autorité parfois, avec grâce souvent, avec talent toujours. Je crois que c’est bien un des esprits qui me sont le plus antipathiques — me fais-je comprendre ? — et pourtant ses argumentations me plaisent toujours, surtout quand elles servent une assertion qui m’irrite. En somme, M. Rebell est quelqu’un et c’est tout ce qu’il faut : l’essentiel n’est peut-être pas de ne point se tromper, mais d’avoir sa façon à soi de se tromper, et quand on est soi, on a raison.
M. Rebell s’est épris de l’individualisme absolu de Nietzsche et est allé vers une aristocratie cruelle, un paganisme esthétique et violent, un matérialisme jouisseur qui l’entraîne de plus en plus. Je pense qu’il se fait exprès plus « grossier » que nature. Les Chants de la Pluie et du Soleil, visiblement inspirés de Whitman quant à leur sentiment de modernité lyrique, renferment des proses vraiment belles, d’une élévation et d’une énergie saine, d’un éclat d’images qui intéresseront les artistes. L’ensemble est un peu trop voulu, littéraire, systématique, et l’on sent que l’écrivain met souvent ses métaphores vives au service de son esprit hésitant. La langue de M. Rebell se porte mieux que sa pensée ; mais c’est un écrivain à considérer et à estimer, dont les défauts mêmes sont savoureux.
Edmond Pilon
Le style impeccable de M. Rebell nous a charmé et nous a donné cette très rare réjouissance
de la Force contemplée. Si, parfois, il se souvient des quelques prosaïsmes de
Walt Whitman (À une locomotive), il rappelle, par contre, la pureté douce de Keats. Une louable parité l’attire vers
Jean Moréas. M. Moréas est un des bons poètes de ce
temps, et celui qui dans ses Chants de la Pluie et du Soleil
fait surgir si splendidement nue de la mer féconde Vénus Anadiomène, celui-là est
plus apte que quiconque à comprendre cet Hellène et à saisir les nuances de celui
qui — s’il fut archaïque — ne se ferma pas entièrement aux voix naturelles de la
vie et aux chants très modestes des pâtres près des sources jonchées d’asphodèle.
M. Rebell doit exagérer
— par dilettantisme logique à ses principes — son insouciance. Que ne laisse-t-il
toujours son cœur souffrir simplement, sincèrement, comme il fit une fois sur la Jolie Morte ? Le rythme suave de cette pièce et de plusieurs
autres nous a retenues longtemps. Quelques-unes des pages où l’auteur oublie tout
à fait les préoccupations étrangères à l’art ont l’exquise fraîcheur d’un bouquet
de violettes qu’une amoureuse aurait tressé, et cela lui fait pardonner sa
violence envers « les hommes » qu’on a élevés « pour la mélancolie et qui
ont arboré le chagrin avec orgueil »
.
René Boylesve
Toutes les fois qu’il sera question de cet élargissement, de cette aération, de cette humanisation de la poésie, on devra se reporter aux magnifiques Chants de la Pluie et du Soleil, de Hugues Rebell, qui me paraissent, en ce sens, le plus fort mouvement initial.