(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Raymond, Louis (1869-1928) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Raymond, Louis (1869-1928) »

Raymond, Louis (1869-1928)

[Bibliographie]

L’Automne du cœur (1894). — Le Livre d’heures du souvenir (1896). — Sur les chemins au crépuscule (1899).

OPINION.

Louis Payen

Après une retraite profitable, Louis Raymond nous donne des poèmes plus parfaits et plus personnels que les précédents. Dans l’Automne du cœur et le Livre d’heures du souvenir qui révélaient l’âme tendre du poète, nous avions aimé une mélancolie douce que paraît la délicatesse du verbe. C’étaient des vers tendres et émus qui chantent encore dans nos mémoires. Aujourd’hui, nous retrouvons dans Sur les chemins au crépuscule les mêmes qualités, mais arrivées à un épanouissement plus complet encore. Parti du vers classique et parnassien, Louis Raymond est arrivé, selon l’évolution normale, au vers libre. Et de l’emploi de ce moule sévère, indispensable au début, il a gardé l’habitude d’enserrer la pensée dans une forme étroite et exacte, de ne point se laisser aller, comme y invite le vers libre, à ajouter au thème principal des ornements inutiles. Il s’est efforcé vers l’idéal de la poésie actuelle : couler sa pensée dans un moule adéquat.

C’est une âme tendre et sentimentale qui se promène sur les chemins au crépuscule, à l’heure ou le jour se fond dans la nuit, où les lointains s’imprécisent, où la mélancolie du silence courbe la pensée. Elle se promène en des paysages d’automne et d’hiver, des paysages attendris où nulle joie trop vive n’éclate, où seul le souvenir des tristesses passées éveille quelque souffrance douce. Elle rencontre des passantes tristes et lasses aussi, et le poète s’arrête quelques instants près de ses sœurs maladives pour leur faire partager sa mélancolie, puis repart sur le chemin triste.

Je cueille au passage :
Et il y a je ne sais quelle cloche
qui tinte obstinément dans le silence,
à bord de quelque navire en partance.
Là-bas, dans le port tout proche,
il y a je ne sais quelle cloche
qui tinte ses notes éteintes,
obstinément, dans le silence.

Voilà une strophe parfaite : les syllabes sourdes s’unissent et s’allongent infiniment ; et s’évoque une ville triste, au ciel de suie, avec des maisons ouatées de brume que déchire sourdement par instants une cloche qui tinte ses notes éteintes.

[Germinal ().]