(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pottier, Eugène (1816-1887) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pottier, Eugène (1816-1887) »

Pottier, Eugène (1816-1887)

[Bibliographie]

Quel est le fou ? — Chants révolutionnaires (1898).

OPINION.

Lucien Descaves

Je viens de relire les deux recueils de chansons : Quel est le fou ? et Chants révolutionnaires, publiés, combien tard et avec quelle peine ! par les amis et admirateurs d’Eugène Pottier, à la tête desquels Gustave Nadaud

Ce qu’il chantait en 48, il le chantait encore trente ans plus tard, et son dernier soupir, comme ses premiers cris, fut d’apitoiement sur ceux qui souffrent, dans les bagnes du travail. Cette Propagande des Chansons, à laquelle le reconnaissait Gustave Nadaud, après trente-cinq ans de séparation, et qui faisait dire à Pierre Dupont : « En voilà un qui nous dégote tous ! », cette Propagande des Chansons, Eugène Pottier employa toute sa vie à la réaliser, sans, hélas ! y parvenir.

Tandis que le café-concert abrutissait la masse avec des refrains idiots, Pottier, en exil ou à l’écart, obscur, oublié, jetait aux quatre murs de sa chambre ces chansons de bataille, de revendication et de miséricorde : Jean Misère, Jean Lebras, Don Quichotte, Madeleine et Marie, Ce que dit le pain, Le Chômage, Tu ne sais donc rien, Chacun vit de son métier, Le Jour du terme, L’Insurgé, La Sacoche, Elle n’est pas morte, et cet émouvant Contremaître de fabrique, perdu dans ses œuvres posthumes…

Yvette Guilbert peut convoquer le ban et l’arrière-ban de ses fournisseurs de tragique, reprendre Jules Jouy et faire appel à ses émules, elle aura de la peine à découvrir quelque chose qui atteigne au pathétique du Fils de la fange, des trois simples strophes intitulées : Déjà, ou du refrain, moins ignoré, si douloureux, si poignant, si pareil à un glas dans la bouche de Jean Misère :

        Ah ! mais,
Ça ne finira donc jamais !…

On demandait naguère, pour sa tombe, du bronze… Qu’à cela ne tienne : son œuvre fournit la matière.

[L’Aurore ().]