Pioch, Georges (1874-1953)
[Bibliographie]
La Légende blasphémée (1897). — Toi (1897). — Le Jour qu’on aime (1898). — Instants de ville (1898).
OPINIONS.
Charles Max
Il nous est rare de trouver une œuvre en vers où s’affirme le souffle de pureté d’une idée créatrice.
M. Georges Pioch vient d’exaucer notre désir, et j’affirmerai ici, en toute sincérité de cœur et d’esprit, que mon plaisir fut grand à la lecture de ces œuvres : Toi ; la Légende blasphémée.
J’ai ressenti une joie d’âme, une beauté de cœur, une sincérité de gestes, d’actes, de grâce devant ce petit livre qu’est Toi, de beauté et de bonté si pure, douce et grave…
Si nous passons à la Légende blasphémée, le chant du poète se change en un cri d’orgueil et de gloire, en une force et une vaillance de son être rebelle aux codes, aux lois, aux disciplines. C’est l’Amoureux des « libres devenirs », c’est l’Amant de la Liberté, c’est le compagnon qui, dans le geste et l’ampleur de sa voix, de son chant, clame son dédain des vaines rhétoriques, des vaines formules de Vie. C’est l’amoureux splendide des sincères éternités, c’est le chantre des gueux, des vierges, des amantes, des poètes et des martyrs. C’est le Génie qui se fait Verbe, et dans son vers l’on sent une force d’airain, l’on sent le glaive qu’accompagne une lyre d’or, son flamboiement qui s’écarlate, qui devient rouge de sang, rouge de Vie, et le poète passe, la tête altière, la gloire dans les yeux, splendide, à la conquête des Paradis futurs où viendront se rafraîchir de pureté et se baigner de beauté les souffrants, les esclaves, ceux qui demain seront les Hommes !
Ce livre est beau, c’est un cri d’amour, c’est un cœur qui vibre d’immensité, c’est une âme éprise de la musique des êtres et des choses, c’est l’œuvre véritable, l’œuvre d’un poète, l’œuvre d’un Homme, et nous remercions M. Georges Pioch des heures de lyrisme et de beauté qu’il nous a données par ses deux œuvres.
Roger Le Brun
Ce ne sont donc pas les mièvres loisirs du boulevardier, les frivolités des « Fives o’clock tea » que M. Georges Pioch a voulu célébrer en ces Instants de ville ; ce sont, au contraire, les visions austères et tristes de la ville du peuple de l’ouvrier — et c’est avec des traits ordinairement exacts et souvent profonds que le poète évoque les aspects et les états des milieux ouvriers : tantôt c’est la rue, tandis que
Le matin, morne et clair, sonne comme une enclume.
Tantôt c’est l’atelier avec ses rangs pressés d’ouvrières actives à chiffonner les soies :
Ô leur rêve de luxe et de femmes paréesMusant parmi la fièvre amante des éloges !Il envenime d’impossible.Leurs souhaits d’air fleuri tendus vers les dimanches…Leurs fronts lourds et pâles se penchent,Et leurs regards, résignés, poursuiventLeur jeunesse qui s’effiloqueAvec les Orients découpés par leurs doigts.
On voit par ces citations que M. Pioch n’est pas un banal poète ; bientôt, sans doute, il sera quelqu’un.
Pierre Quillard
Si M. Georges Pioch ne satisfait pas entièrement en son nouveau livre : Instants de ville, c’est qu’il n’a pas toujours évité avec assez de soin le fait divers, y joignît-il des considérations morales qui l’élèvent tout au plus au rang de chronique. Je voudrais pouvoir effacer à tout le moins deux « suicides » et quelques « dialogues ».
Il lui resterait alors d’avoir tenté de fixer en enluminures symboliques la beauté latente des usines, des gares et des arbres captifs agonisant dans les murailles urbaines. Une grande et fraternelle pitié l’émeut pour les hommes et pour les choses, dont l’inconscience est presque égale et qui périraient sans jamais dévoiler leurs mystérieuses splendeurs, si les poètes ne savaient pas les paroles révélatrices.
La surprise verbale contribue au plaisir esthétique à condition de n’être pas trop violente, et je ferai, après tout, moins reproche à M. Georges Pioch de quelques façons de dire presque banales que de barbares et inutiles néologismes. À quoi il objecterait à bon droit que, parmi ces mots nouveaux, un survivra peut-être et que personne ne peut présumer sans témérité quelle est l’aptitude des vocables à ne pas succomber dans la lutte pour l’existence.