Pilon, Edmond (1874-1945)
[Bibliographie]
Les Poèmes de mes soirs (1896). — La Maison d’exil (1898).
OPINIONS.
Albert Arnay
Il y a dans ses poèmes d’étranges sonorités et des accords d’intimité berceuse comme des voix d’amante, de sœur on de mère au crépuscule des chambres. Il a des trouvailles d’expressions, des oppositions de tons dénotant. Il est précis et contourné. Il suggère avec des grâces prudentes ou inquiètes. Il se tient au bord de la douleur, au seuil de la joie. Il incline vers l’eau morte du souvenir le songe mélancolique de ses yeux ; mais parfois, levant vers les horizons prochains sa jeune tète volontaire, il éperd des mots d’espoir, de matin et de soleil.
Parmi les Poèmes de mes soirs, nous citerons les Élégies, dédiées à Stuart Merrill. Il me paraît que M. Edmond Pilon y a plus particulièrement accordé au diapason des heures extérieures le dessin puéril ou altier d’une naissante destinée.
Henri de Régnier
M. Edmond Pilon a publié des vers d’une complication ingénieuse et d’une belle arabesque décorative et sentimentale.
Gustave Kahn
M. Edmond Pilon est un poète qui sait ordonner un beau luxe et qui sait faire agir en peu de gestes ses personnages. Il excelle évidemment à composer un décor. Celui de son livre meut des attributs païens, néo-grecs, néo-alexandrins, si l’on veut, que Puvis de Chavannes a créés autour de certaines de ses figures silencieuses, cette atmosphère de bois sacré qu’il a su transcrire sans en effriter la brume religieuse. C’est non loin d’un bois semblable que sont la maison de bois noir, la maison dans la forêt et la maison en fleurs, d’où M. Pilon a vu venir vers lui, graves et souriants, les anges, les saintes femmes, l’enfant des flèches et ses vendangeurs d’automne. Mais je m’attarde à ces Poèmes de mes soirs, et déjà dans de jeunes revues Edmond Pilon publie les premiers vers de sa Maison d’exil, plus libres, plus francs encore et plus aimables que ceux des Poèmes de mes soirs, et qui détruisent les légères critiques qu’on pourrait adresser à son premier livre, puisque dépassées.
Lionel des Rieux
S’il vous plaît de voir un appareillage vraiment miraculeux, je vous ouvrirai le livre (Les Poèmes de mes soirs) à la première page :
Appareillons vers l’horizon clair des étoiles,Parmi les boucliers qui jonchent les galères,Carguons la vergue autour du mât, carguons les voiles.
Je vous assure qu’il y a, non point larguons, mais carguons. Le navire marche donc avec des voiles repliées. Et vous trouvez ce miracle très poétique. Mais quelques vers plus loin, M. Pilon parle de
Toutes ces voiles qui s’étalent sur l’eau brune.
Les voiles n’étaient donc pas carguées ? Ce n’était donc pas un miracle ? Et (peut-être) vous ne comprenez plus.
Mais ne vous inquiétez pas de toutes ces erreurs. Elles ne sont pas de M. Pilon. Car, sans doute, M. Pilon a des humanités. Tournez plutôt quelques pages, vous rencontrerez parfois un joli vers, parfois même une strophe heureusement rythmée. Et ce sont là des beautés qui appartiennent bien à M. Pilon. Je regrette simplement qu’elles soient aussi rares.
Yves Berthou
M. Pilon possède une exquise sensibilité. Sa poésie est douce ou tiède ; elle est comme parfumée. On en est pénétré comme de la bonté du soleil par un après-midi de printemps dans les champs de colzas en fleur. Mais nous sera-t-il permis de déclarer à ce bon poète que nous préférons à ses vers libres — à sa prose rythmée, si l’on veut — les beaux vers larges, si pleins, que nous connaissons de lui ; car M. Pilon est l’un des poètes, de plus en plus rares, qui gardent au vers la plénitude qui contribue pour beaucoup à sa beauté… La voix de M. Edmond Pilon est une caresse continuelle pour la petite fée qui embellit sa Maison d’exil.
Maurice Perrès
Le vers libre pour donner au lecteur l’impression musicale et le frisson du grand art doit être manié avec une dextérité rare et une haute conscience d’artiste. M. Edmond Pilon n’y a point failli.
Sa Maison d’exil est celle où l’on voudrait vivre, où on aimerait s’isoler avec ses espoirs, ses souvenirs, réalisés dans l’éternelle fiancée. Le monde extérieur et banal n’existerait plus et on vivrait une vie de rêve, d’idéal… et de poète.
Stéphane Mallarmé
Merci pour la lecture de la Maison d’exil : j’y trouve des accords exquis d’âme et de forme, dans tant de sérénité. Vous ne mettez jamais pour rien le doigt sur plusieurs touches successives.
Francis Jammes
Vous êtes de ceux qui marchent sous la lueur mystérieuse de la vérité. Et vous
savez, Keats l’a dit :
« La vérité c’est la beauté »
. Dès la dédicace : Tous les baisers, etc…, j’ai vu ce qu’était votre livre et mon cœur a
reconnu la poésie et, tendrement, à vous lire, il fleurissait. Il y a, dans ce
livre, plusieurs poésies qui m’ont ému comme une feuille ; il y a la
Petite fiancée, qui est un chef-d’œuvre de grâce, de simple émotion, de
vérité, Voici la lampe sainte, Fiançailles, Réveil et tant
d’autres.