Pailleron, Édouard (1834-1899)
[Bibliographie]
Les Parasites, satires en vers (1860). — Le Parasite, un acte, en vers (1860). — Le Mur mitoyen, deux actes, en vers (1861). — Le Dernier Quartier, deux actes, en vers (1863). — Le Second Mouvement, trois actes, en vers (1865). — Le Monde où l’on s’amuse, trois actes, en prose (1868). — Les Faux Ménages, quatre actes, en vers (1869). — Prière pour la France, poème (1871). — Hélène, trois actes, en vers (1873). — L’Autre Motif, un acte, en prose (1873). — Petite Pluie, un acte (1876). — L’Étincelle, un acte (1879). — L’Age Ingrat, trois actes (1879). — Le Chevalier Trumeau, un acte, en vers (1880). — Pendant le Bal, un acte, en vers (1881). — Le Monde où l’on s’ennuie, trois actes, en prose (1881). — Le Narcotique, un acte, en vers (1883). — La Poupée, recueil de vers (1884). — Discours académiques (1886). — La Souris, trois actes (1887). — Amours et haines, poésies (1888). — Émile Augier (1889). — Cabotins ! quatre actes (1894). — Pièces et morceaux (1897).
OPINIONS.
Jean-Jacques Weiss
Nous possédons de lui un volume de vers, Amours et haines, qu’il a publié en 1869, quand il était déjà lancé en pleine carrière. On y surprend bien sa mollesse de travail. M. Pailleron est poète ; ce ne serait pas la peine de s’occuper de lui s’il ne l’était pas. On peut donc recueillir dans ce volume une demi-douzaine de pièces qui sont inspirées et où l’accent ni le mot ne l’ont défaillance à l’inspiration. Les trois pièces, l’Accusé, la Morte, Celles-là, réunies sous le nom d’Histoires tristes, nous révèlent en M. Pailleron, avec une source première de philosophie qui ne s’est point tarie, une faculté d’ironie, concentrée et pathétique, dont on ne retrouve guère la trace dans son théâtre. Les cruautés indifférentes de la nature et de la société y palpitent. Dans le tableau d’un prétoire de police correctionnelle, tous les détails sont d’une réalité pittoresque et âpre :
Un Christ au-dessus d’eux regardait tout cela ;En face, tout debout, l’homme se tenait là,Son mouchoir à la main pour cacher sa figure ;C’était un pauvre diable à la tâte un peu dure ;Il avait l’air stupide et sombre, il parlait bas ;Il était sous le coup de cet écrasementDe démentir des gens ayant fait leurs études !
Cela est tout ensemble vu, imaginé, exprimé. Je recommande également au lecteur les pièces : Au bal, la Tombe, le Jardin, fusées fébriles de sentiment mondain ou sensations de la vie de tous les jours.
La majeure partie du volume (idylles légères, graves et mélancoliques, écrites en
strophes variées) ne contient que des amours sans flamme et des haines pâles, des
à-peu-près de mélancolie et d’allégresse, des choses presque senties et pas du
tout rendues. Ou est d’abord alléché par le sujet : la Hétrée, les
Brumes, la Belle-Gelée, l’Hirondelle, le Rhône. Ce sont là des moments de
la nature faits pour le poète ! De tels titres, tombant sous nos yeux, dans un de
ces nids d’acide carbonique que nous appelons à Paris un beau troisième sur une
belle avenue, nous communiquent soudain les mêmes élans vers l’être qui agitaient
Charles Bovary, dans sa chambre d’étudiant de Rouen. « … En face, au-delà
des toits, le grand ciel pur s’étendait avec le soleil rouge se couchant. Qu’il
devait faire bon là-bas ! Quelle fraîcheur sous la hétrée ! Et il ouvrait les
narines pour aspirer les bonnes odeurs de la campagne, qui ne venaient pas
jusqu’à lui… »
Hélas ! il nous faut vite refouler nos élans. M. Pailleron non plus ne fait
pas venir jusqu’à nous les bonnes odeurs de la campagne.
Philippe Gille
Pour être homme d’esprit, on n’est pas moins poète.
Ce vers (c’en est un !) m’est inspiré par la vue d’un volume de poésies signées Édouard Pailleron, de l’Académie française. Évidemment, Le Monde où l’on s’ennuie ne semble pas, au premier abord, sortir de la même plume que ce recueil intitulé : Amours et haines, et pourtant, en y regardant bien, on trouvera des tournures d’esprit, une façon de voir, piquante même dans le lyrisme, qui démontrent bien que l’auteur dramatique et le poète ne font qu’un.
Marcel Fouquier
M. Édouard Pailleron se révélait auteur dramatique avec le Parasite et poète avec les Parasites. Dans ce premier volume de vers, le poète fait un peu trop claquer le fouet de Juvénal. Le second volume de vers de M. Pailleron, Amours et haines, paru en 1869, vaut bien mieux, et pour le fonds et par le tour. Plusieurs pièces ont un joli accent ému et personnel (L’Aveu, le Jardin). La série intitulée : Histoires tristes, annonce déjà les Humbles de M. F. Coppée. Et cet amant bourru du naturel, Alceste, aurait peut-être donné tous les sonnets d’Oronte pour cette petite chanson que je vais vous dire :
C’était en avril, un dimanche,Oui, un dimanche,J’étais heureux.Vous aviez une robe blancheEt deux gentils brins de pervenche,Oui, de pervenche,Dans les cheveux…
… À la fin du Théâtre chez Madame, il a publié (depuis) plusieurs sonnets d’une désespérance absolument bouddhique.
Dans un, le poète s’écrie :
Tu n’as qu’un seul moyen d’avoir raison : soit mort.
Un autre a pour titre : Nirvâna. Que nous sommes loin de la blonde Isabelle et de Marton la brune… écrivain de grand talent, d’un intarissable esprit, bien français et bon Français (en 1870 M. Pailleron s’engagea, et les vers de la Prière pour la France, datés de 1871, sont très beaux).