Manuel, Eugène (1823-1901)
[Bibliographie]
Pages intimes, poèmes (1866). — Les Ouvriers, drame en un acte et en vers (1870). — Pendant la guerre, poésies (1871). — L’Absent, drame (1873). — En voyage, poésie (1890). — Poésies de l’école et du foyer (1892).
OPINIONS.
Francisque Sarcey
La Comédie-Française a donné un drame en un acte et en vers qui se nomme : Les Ouvriers. Il est de M. Manuel. M. Manuel s’était déjà fait connaître du public qui aime la poésie par un volume dont le titre indique les tendances et l’esprit : Pages intimes. Il y avait, dans ce recueil, des pièces tout à fait supérieures, d’un sentiment exquis, d’une langue à la fois sévère et doucement colorée, d’un rythme ferme et harmonieux. Où l’auteur avait le mieux réussi, c’était en traduisant les joies intimes et les tristesses discrètes du foyer, les grandeurs et les misères morales de la vie domestique dans notre civilisation bourgeoise. Les Ouvriers continueront cette veine en l’agrandissant.
Paul Stapfer
La langue de M. Manuel a la franchise et la vigueur ; Boileau, qui aimait les antithèses, n’a jamais rien trouvé d’aussi beau comme alliance et opposition de mots que ces deux vers sur une fille de quinze ans que le vice précoce va rendre mère :
Elle portait effrontément
Le poids sacré de cette honte.
Emmanuel Des Essarts
Le dernier ou plutôt le plus récent ouvrage de M. Manuel, En voyage, nous montre le talent du poète sous ses trois aspects : sentimental, populaire, patriotique, avec sa triple puissance d’élégie, de narration et de lyrisme. C’est comme une symphonie du voyage où revient, ainsi qu’un motif principal”, l’évocation de la compagne, de la Muse du foyer. Ce sentiment, comme tous ceux que l’auteur a mis en œuvre, est exprimé toujours avec une rare délicatesse, une véritable finesse de nuances.
E. Caro
M. Manuel n’est pas un réaliste, et je l’en félicite. Il a une secrète horreur pour les vulgarités et les trivialités à la mode. Sa muse n’a rien de commun avec celle qui trône aux carrefours et qui va mendier parmi les foules une popularité détestable, celle des gros mots et des idées basses. Une lumière idéale enveloppe sa poésie et jette son voile d’or sur les réalités de la vie ou de la nature. Il y a comme deux courants distincts, dans la poésie de M. Manuel : l’un vient du fond d’une vie sincère, souvent troublée, mais plus forte que ses troubles, et d’une âme virilement attachée au devoir, défendue, par lui, contre les lâches défaillances ; l’autre vient, non plus de ces profondeurs émues de l’existence humaine, mais des hauteurs de la pensée pure, de ces sommets sacrés où l’esprit se sent plus voisin de l’infini. Bien que l’une de ces inspirations domine, elles se rencontrent, à plusieurs reprises, sans se confondre, dans l’émotion du poète : chacune a son contrecoup distinct dans l’âme du lecteur.