Klingsor, Tristan (1874-1966)
[Bibliographie]
Filles-Fleurs (1895). — Squelettes fleuris (1897). — La Jalousie du Vizir, conte (1899). — L’Escarpolette (1899).
OPINIONS.
Jean Lorrain
… Le joli livre de M. Tristan Klingsor, tout rempli de baladins, de fols, de princesses en robes orfévrées, la rose au corsage, Maud, Iseult, et de pages-fées et de pages-fleurs, exhale un parfum musqué et vieillot d’ancien missel. C’est bien le recueil d’un ramageur de ballades à la cour des Papes en Avignon, ou d’un ménestrel du royaume d’Arles, au temps de la comtesse de Die : cela chante, chatoie, frissonne et flamboie comme une étoffe de soie moirée de jadis, avec des cliquetis de joaillerie et une belle envolée d’oriflammes ; cela jase comme un jet d’eau, babille comme une mandoline et embaume comme une fleur : marjolaine et pimprenelle ; c’est à la fois sauvage, élégant et précieux, et c’est bien en mai neigeux d’amandiers ou en juin de flamme qu’il faut feuilleter, à l’heure de la sieste, avec la mer ensoleillée apparue entre les lamelles des persiennes closes, ces jolis lais et virelais qui fleurent la ruine, le thym, le passé et la brise du large…
Henri de Régnier
Poésie singulière, à la fois galante et funèbre, attifée et naïve, qui sent la marjolaine et le cyprès, mêlée de froissements de soie et de cliquetis d’ossements, chansons qui voltigent sur des drames latents, chansons parfumées d’amour et de mort, charmant et délicieux livre que ces Squelettes fleuris où M. Tristan Klingsor se montre un poète délicat et subtil, et, parmi les poètes nouveaux, l’un de ceux qui manient avec le plus de dextérité, d’invention et de bonheur le redoutable et difficile vers libre. Il le fait souple, élégant ; et M. Klingsor possède un métier très personnel qui n’est ni la soierie irisée de M. Vielé-Griffin, ni la bure puissante de M. Verhaeren, ni les mousselines à pois de Jules Laforgue, et qui a ses procédés propres et son secret, C’est pourquoi son livre mérite, après qu’on l’a lu pour le plaisir, pour tout ce qu’il contient de mélancolie et de grâce fébrile, d’être relu et étudié.
Robert de Souza
M. Tristan Klingsor s’efforce d’être, comme son nom l’indique, un enchanteur. Il ressuscite sous quelques notes de vielle, de flageolet ou de cornemuse le souvenir des belles châtelaines et des pages qui hantent toujours les tours, croulantes encore sur la colline, au-dessus des chaumes. — C’est Izel :
Doux musiciens, frôlez les harpes d’argent ;La reine Izel est couchée avec son page ;Doux musiciens, frôlez les harpes d’argent.
C’est Élise aux fuseaux :
Des fuseaux se sont bercés à la croisée :C’est dame Élise aux fuseaux blonds reposée ;On viole une chanson sous la croisée…
Et le voici qui gratte d’un doigt un peu railleur une mandore :
Au jardin joliIl y a des roses,Il y a des lis…Au jardin joli.Est-il un fol qui veuilleFaire la jolie chose,Faire la jolie cueilleDes roses ?
Au jardin d’amourIl y a des lèvres,Beau page ou pastour…Au jardin d’amour.
Est-il un fol qui veuilleFaire le joli rêve,Faire la jolie cueilleDes lèvres ?
Pol Levengard
M. Tristan Klingsor a une sûreté de rythme surprenante. Il aime les contes de fées et, petit Chaperon rouge, ma mère l’Oie, Peau-d’Âne repassent dans ses vers. Il aime aussi les chats et les souris. Et qu’ils lui inspirent de charmantes choses !
Dors, mignon chat blanc, dors ;Reste à ronronner, reste couchéEt ferme un peu tes yeux semés d’or ;Les souris montrent leur nez aux trous du plancher.
Dors mignon chat blanc, mignon chat gris,Avec ton ruban de soie au cou ;Les souris vont venir, les jolies sourisQue tu griffes à petits coups.
Les souris aux yeux vifs d’émeraudeVont danser la ronde dans le buffet ;Dors, mignon chat blanc : les souris rôdentEn minuscules pantoufles de fées.