(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Judith (1845-1917) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Judith (1845-1917) »

Gautier, Judith (1845-1917)

[Bibliographie]

Le Livre de jade (1867). — Le Dragon impérial (1869). — Lucienne (1877). — Les Cruautés de l’amour (1879). — Les Peuples étranges (1879). — Richard Wagner (1882). — Isoline (1882). — L’Usurpateur (1883). — La Femme de Putiphar (1884). — Iseult (1885). — Poèmes de la libellule (1885). — Iskender (1886). — La Marchande de sourires (1888). — La Conquête du Paradis (1890). — Fleurs d’Orient (1893). — Mémoires d’un éléphant blanc (1893). — Le Vieux de la Montagne (1893). — La Sonate du clair de lune, opéra, un acte (1894). — Khou-n-Atonou (1898). — Les Princesses d’amour (1900).

OPINIONS.

Théodore de Banville

Voyez comme les nobles lignes de ce visage primitif, auquel nos yeux rêvent les bandelettes sacrées, ressemblent à celles des plus purs bas-reliefs d’Égine ! La ligne du nez continue celle du front, comme aux âges heureux où les divinités marchaient sur la terre, car il a été donné au poète que ses filles fussent véritablement créées et modelées à l’image de sa pensée. Les cheveux noirs sont légèrement frisottants et crêpelés, ce qui leur donne l’air ébouriffé ; le teint d’un brun mat, les dents blanches, petites et espacées, les lèvres pourprées d’un rouge de corail, les yeux petits et un peu enfoncés, mais très vifs, et qui prennent l’air malin quand le rire les éclaire, les narines ouvertes, les sourcils fins et droits, l’oreille exquise, le col un peu fort et très bien attaché, sont d’une sphinge tranquille et divine, ou d’une guerrière de Thyatire dont la beauté simple, accomplie et idéalement parfaite ne peut fournir aucun thème d’illustration aux dessinateurs de La Comédie humaine. Telle fut sans doute aussi cette mystérieuse Tahoser, que le poète nous montre coiffée d’un casque formé par une pintade aux ailes déployées, et portant sur la poitrine un pectoral composé de rangs d’émaux, de perles d’or et de grains de cornaline. Judith Walter a écrit, et cette strophe délicieuse et savante évoque son image, bien mieux que je n’ai su le faire : Derrière les treillages de sa fenêtre, une jeune femme qui brode des fleurs brillantes sur une étoffe de soie, écoute les oiseaux s’appeler joyeusement dans les arbres.

[Camées parisiens ().]

Francisque Sarcey

(Sur la Marchande de sourires.) Elle réussit à faire sentir dans son style la préciosité de cette littérature, vieille et raffinée. Elle parle, sans efforts, une langue imagée où éclatent les couleurs de l’Orient ; elle en a surpris le secret au foyer de famille, en écoutant causer son illustre père et aussi en traduisant pour son propre compte tant de récits empruntés aux romanciers et aux poètes de la Chine. Sa langue, qui est parfois un peu molle, est singulièrement rythmique. Sa phrase se déroule presque toujours avec une harmonie charmante ; c’est de la prose merveilleusement cadencée.

[Le Temps (avril ).]

Auguste Vitu

(La Marchande de sourires.) La pièce de Mme Judith Gautier est imitée de plusieurs drames japonais, habilement fondus en une action unique…

J’ai indiqué rapidement les lignes principales de cette œuvre saisissante, où l’églogue et l’élégie se mêlent à l’épopée. C’est un beau triomphe pour Mme Judith Gautier, la vaillante fille d’un père à jamais illustre dans les lettres françaises.

[Le Figaro (avril ).]

Henry Céard

Avec le Livre de jade de Mme Judith Gautier, nous entrons plus profondément dans la connaissance des poètes chinois. Il paraît que le morceau délicieux où l’impératrice de la Chine traîne, parmi les rayons, sur son escalier de jade-diamanté par la lune, les plis de sa robe de satin blanc, est une orchestration très adroite d’une poésie de Li-Taï-Pi et la traduction heureuse d’un morceau parfaitement authentique. Du reste, Mme Judith Gautier avait reçu les leçons et les conseils de Tin-Tong-Liu, un Chinois de pure souche qui lui avait révélé les beautés inconnues des écrivains de son pays.

[L’Événement (30 juin 1900).]

E. J

« Fleurs de luxe, de charme et de beauté, que l’on cultive encore aujourd’hui et qui seront bientôt les seuls vestiges du Japon splendide d’autrefois, … artificielles princesses choisies parmi les beautés les plus rares, élevées dans tous les raffinements du goût aristocratique, instruites des rites et de l’étiquette, savantes, virtuoses en tous les arts, jeunes, passionnées, enivrantes et… accessibles », ces Princesses d’amour, dans la cité d’amour, content et vivent des histoires d’amour évoquant les précieux décamérons et les merveilleuses « Mille et Une nuits ». Et dans ce décor galant se déroule, comme brodée à fils de lune et de soleil sur la pourpre sombre d’un écran impérial, la chaste aventure de Hana-Dori, l’Oiseau-Fleur, la reine du Yosi-Wara.

Délicieusement conté, plutôt qu’il n’est écrit, avec toute la grâce et la gracilité d’un poète japonais qui serait un peintre délicat, ce roman atteste une fois de plus l’exclusive prédilection de Judith Gautier pour le prestigieux et immémorial Orient. Prisonnière de son temps et de son milieu, horrifiée par ce que nous appelons notre civilisation occidentale (agio, machinisme, canons perfectionnés), elle s’en évade pour revenir aux pays chatoyants de son rêve, la Perse antique, l’Égypte, l’Inde, le Céleste-Empire, le Royaume du Soleil-Levant. Mais l’œuvre de Judith Gautier n’est pas tissée que de songe. Nul érudit ne connaît mieux qu’elle, et plus à fond, cet Orient de jadis et d’aujourd’hui : pas un détail de costume, pas un trait de mœurs en ces pages de lumière polychrome qui ne soit conforme à ce qui fut, à ce qui est réellement. Non, certes, elle ne rêve pas seulement : on dirait plutôt qu’elle se ressouvient, et qu’en de successifs avatars, au bord des Ganges et des Peï-hos, elle vécut d’héroïques et voluptueuses et royales existences, dont les réminiscences magiques charment ses nostalgies d’exilée, et les nôtres…

[La Vogue (juillet ).]