Delarue-Mardrus, Lucie (1874-1945)
[Bibliographie]
Occident, poèmes (1900).
OPINIONS.
Tristan Klingsor
Voici d’une femme, chose rare, un livre de beaux vers. Le titre en fut inspiré sans doute par l’antithèse qu’il fait avec ces merveilleuses Mille et Une nuits d’Orient que nous donne le docteur Mardrus. Les poèmes en sont simples, d’une pensée douce et un peu grave, d’une forme et d’un rythme sûrs… Mme Lucie Mardrus peut être rangée au nombre des meilleurs poètes.
Pierre Quillard
Sans doute, Mme Lucie Delarue-Mardrus fit sienne quelquefois la règle des Stoïques, ἀπέχου ϰαί ἀνέχου, et elle en put épigraphier l’un de ses poèmes. Mais il ne faut point chercher en son livre seulement de fières paroles selon Épictète, et elle ne s’est pas enfermée en une doctrine immuable, mais au cours des saisons et des heures — les saisons et les heures de toute une jeunesse — elle a chanté son émotion immédiate, tout en demeurant maîtresse absolue de sa volonté en présence du monde ; elle sait qu’une âme humaine, dans la fiction qu’elle se crée des êtres et des formes, est la principale collaboratrice, et que le véritable mystère est en elle, non dans les choses…
Si elle se laisse attrister par les présages de mort épars dans les bois et dans le ciel d’automne, c’est qu’elle y aura consenti, et elle ne sera point l’esclave même du Beau, ayant écrit ce vers doré :
Tâche d’aimer le Beau sans être son amant.
La seule domination qu’elle tolère est l’impérieux appel de son génie :
C’est un dieu qu’on ignore et qui me survivra.
Le dieu, donc, a emprunté sa voix grave et forte, et elle a dit les spectacles variés des choses et des hommes, toujours avec un accent presque mâle.
Mais comme les dieux sont faillibles, à l’image des simples mortels et des poètes qui les inventèrent, il advient que, parfois, Mme Delarue-Mardrus soit égarée par celui qui l’inspire et qui lui conseilla quelques afféteries peu dignes d’elle.
… Ce sont gentillesses qu’il faut dédaigner quand on a le droit, comme Mme L. Delarue-Mardrus, de saluer, à travers les siècles, la grande Sapphô.