(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbey d’Aurevilly, Jules (1808-1889) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbey d’Aurevilly, Jules (1808-1889) »

Barbey d’Aurevilly, Jules (1808-1889)

[Bibliographie]

Aux héros des Thermopyles [élégie dédiée à C Delavigne] (1825). — L’Amour impossible, roman (1841). — La Bague d’Annibal (1843). — Du Dandysme et de Georges Brummel (1845). — Une vieille maîtresse (1851). — Les Prophètes du passé (1851). — L’Ensorcelée, roman (1854). — Une plaquette, sans titre, renfermant 12 pièces de vers (Caen, 1854). — Mémorandum (1856). — Deux rythmes oubliés (1858). — Les Œuvres et les Hommes, 1re édition (4 vol., 1861-1865). — Les Misérables de Victor Hugo (1862). — Les Quarante Médaillons de l’Académie (1863). — Le Chevalier des Touches (1864). — Un prêtre marié (1864). — Les Diaboliques (1874). — Les Bas-Bleus (1877). — Goethe et Diderot (1880). — Une histoire sans nom (1882). — Ce qui ne meurt pas (1884). — Les Vieilles Actrices, le Musée des Antiques (1884). — Les Ridicules du temps (1884). — Les Critiques ou les Juges jugés (1885). — Sensations d’art (1886). — Memoranda (1887). — Les Philosophes et les Écrivains religieux (1887). — Les Œuvres et les Hommes, seconde édition (1889 et années suivantes).

OPINIONS.

Alcide Dusolier

M. Barbey d’Aurevilly est un écrivain. Rejetez-le en arrière, jusque dans le xviie  siècle, son style aura les mêmes caractères. Je ne sais personne à qui la définition « le style, c’est l’homme » puisse plus justement s’appliquer. Pour qui connaît M. d’Aurevilly, cela saute aux yeux — ou plutôt aux oreilles. Écoutez un moment cette conversation de tant d’éclat et de vivacité, abondant en traits et en aperçus, en images neuves et toujours merveilleusement appropriées ; où l’emphase et la familiarité, la subtilité et la violence se mêlent et s’entrelacent si originalement. Et vous reconnaîtrez tout de suite, dans celui qui parle, celui que vous aurez lu. Mais… « la justice du peuple » est souvent tardive, surtout en matière littéraire, et je ne l’attendrai certes pas pour saluer en M. Barbey d’Aurevilly un critique convaincu et sérieux sous une forme spirituelle et — pourquoi ne pas le dire ? — amusante, un psychologue hardi et pénétrant ; un de nos romanciers les plus dramatiques, un écrivain très original, et enfin, ce qu’il ne faut pas négliger, un des rares caractères de cette époque.

[Étude sur Jules Barbey d’Aurevilly, avec un portrait gravé à l’eau-forte de Legros ().]

Émile Zola

Il me semble que Cyrano de Bergerac, que Théophile Gautier a mis dans ses Grotesques, est un ancêtre de M. Barbey d’Aurevilly. Ce dernier aussi restera un grotesque de notre littérature ; je prends ce mot dans le bon sens, un profil singulier et à part, une gargouille de sculpture, grimaçante et très travaillée, sans humanité aucune d’ailleurs, perdue dans un coin de cathédrale.

[Documents littéraires ().]

Charles Buet

Lamartine a caractérisé d’un mot l’écrivain dont nous inscrivons le nom glorieux en tête de cette étude : il a appelé M. Jules Barbey d’Aurevilly le Duc de Guise de la littérature .

C’est en effet un jouteur et un lutteur. C’est un soldat de la plume, ayant flamberge au vent et feutre sur l’oreille. C’est une des intelligences les plus profondes, les plus complètes et les plus complexes de ce temps-ci, que cet homme qui aurait pu être, à son gré, un condottiere comme Carmagnola, un politique comme César Borgia, un rêveur à la Machiavel, un corsaire comme Lara, et qui s’est contenté d’être un solitaire, écrivant des histoires pour lui-même et pour ses amis, faisant bon marché de l’argent et de la gloire, et, prodigue éperdu, semant à tous les vents assez de génie pour laisser croire qu’il en a le mépris…

En M. Barbey d’Aurevilly, on ne connaît guère le poète, qui cependant est éblouissant. Le volume de vers, qu’il défend avec un soin jaloux contre les tentatives des éditeurs, et qui s’appellera Poussière ! — titre digne de ce hautain, indifférent et méprisant, — ce volume, dis-je, étonnera bien des lettrés, qui n’ont jamais lu les Premières poésies publiées à Caen, chez Hardel, par les soins de G. S. Trébutien, l’ami intime du poète, qui lui écrivit — le croira-t-on ? — dix-sept volumes de lettres !…

[Médaillons et camées ().]

Ferdinand Brunetière

Depuis Rivarol et le prince de Ligne, personne n’a causé comme M. d’Aurevilly ; car il n’a pas seulement le mot, comme tant d’autres, il a le style dans le mot, et la métaphore, et la poésie. Mais c’est que toutes les facultés de ce rare talent se font équilibre et se tiennent d’une étroite manière ; et, même à l’occasion de ces feuilles légères des Memoranda, c’est ce talent tout entier qu’il convient d’évoquer… Quoi qu’il en soit des causes dont ces habitudes ont été l’effet visible, il est certain que, pareil à ce lord Byron qu’il aime tant, M. d’Aurevilly aura vécu dans notre dix-neuvième siècle à l’état de révolte permanente et de protestation continue… M. d’Aurevilly est, au plus beau et au plus exact sens de ce mot, un poète, — un créateur ; même sa poésie est aussi voisine de celle des Anglais que sa Normandie est voisine de l’Angleterre.

[Préface aux Memoranda ().]