(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Heredia, José Maria de (1842-1905)

[Bibliographie]

La Véridique Histoire de la conquête de la Nouvelle-Espagne, traduit de l’espagnol de Bernal Diaz de Castillo (1877-1887). — Les Trophées (1893). — La Nonne Alferez (1894).

OPINIONS.

Théophile Gautier

José-Maria de Heredia que son nom espagnol n’empêche pas de tourner de très beaux sonnets en notre langue.

[Rapport sur le progrès des lettres, par MM. Sylvestre de Sacy, Paul Féval, Th. Gautier et Ed. Thierry ().]

Paul Stapfer

M. José-Maria de Heredia fait des vers presque aussi beaux que ceux de M. Leconte de Lisle, avec je ne sais quoi de plus ample, de plus chaud et de plus flottant ; un assez long fragment de poésie narrative et descriptive, les Conquérants de l’or, inséré dans le tome second du Parnasse contemporain, contient quelques pages splendides.

[Le Temps (28 mars ).]

Jules Lemaître

Tandis que d’autres donnaient dans le mysticisme sensuel de Baudelaire ou dans le bouddhisme de Leconte de Lisle, et tandis que presque tous étaient profondément tristes, le sentiment que M. José-Maria de Heredia exprimait de préférence, c’était je ne sais quelle joie héroïque de vivre par l’imagination à travers la nature et l’histoire magnifiées et glorifiées. En cela, il se rencontrait avec M. Théodore de Banville ; mais ce qui peut être le distinguait entre tous, c’était la recherche de l’extrême précision dans l’extrême splendeur… M. José-Maria de Heredia est un excellent ouvrier en vers, un des plus scrupuleux qu’on ait vus et qui apporte dans son respect de la forme quelque chose de la délicatesse de conscience et du point d’honneur d’un gentilhomme… Je ne lui demande qu’une chose : Qu’il continue de feuilleter le soir, avant de s’endormir, des catalogues d’épées, d’armures et de meubles anciens, rien de mieux ; mais qu’il s’accoude plus souvent sur la roche moussue où rêve Sabinula.

[Les Contemporains (1886-).]

Anatole France

On retrouve, dans ces merveilleux poèmes, la nature ardente et fleurie où s’écoula l’enfance du poète, l’âme des Conquistadors dont il descend, les purs souvenirs de la beauté antique qu’il évoque pieusement. Le sonnet, avant M. José-Maria de Heredia, n’approchait pas de la richesse et de la grandeur que cet ouvrier poète lui a donnée.

[La Vie littéraire (1888-).]

Charles Morice

D’un rêve d’or et de sang, bellement théâtral, M. de Heredia fait des poèmes sans pensées et pleins de mouvements et de couleur, des vers sonores et rudes.

[La Littérature de tout à l’heure ().]

Stuart Merrill

Ces Trophées me semblent valoir moins par leur signification de la noblesse d’une âme que par celle d’une bien stérile victoire sur la seule matière de la poésie. L’or ne vaut pas par lui-même, mais par ce qu’il représente. Or, le trésor dont se sont rendus maîtres les Parnassiens — rimes riches, rythmes complexes, formes fixes — me fait souvent songer à ces anciennes monnaies qui n’ont plus aucune valeur de représentation. Et à toutes ces factices richesses je préférerais quelques vers inestimables de Ronsard, de Racine ou de Verlaine… Les sous-titres des Trophées indiquent assez que son souci fut plutôt celui d’un historien en vers que d’un véritable chanteur : La Grèce et la Sicile, Rome et les Barbares, le Moyen Âge et la Renaissance, l’Orient et les Tropiques. C’est, on le voit, une sorte de Légende des siècles en sonnets.

[L’Ermitage (janvier ).]

Émile Faguet

Fanfares, cymbales, trompettes et buccins ! Voilà les Trophées de M. José-Maria de Heredia qui se dressent, or sur or, flamboyants sur le ciel splendide. Lamartine disait qu’il mettait des lunettes bleues pour lire la prose de Saint-Victor. Qu’eût-il mis pour lire les vers de M. de Heredia ? Ce ne sont que ruissellements de joailleries luisantes et étincelantes et gerbes magnifiques de gemmes somptueuses. Il y a là comme une gageure, et elle est toujours gagnée ; il y a là comme un parti pris de montrer que notre « gueuse fière », c’est à savoir la langue française, est capable, pour qui connaît ses ressources, des richesses de couleur et des richesses de sonorité les plus rares et les plus abondantes que jamais langue colorée et langue sonore ait pu étaler ; et ce parti pris, je suis enchanté que M. de Heredia ait montré par le succès qu’on pouvait le prendre.

Couleurs et sonorités, ce n’est pas tout Heredia, et je crois que je le montrerai, mais c’est bien ses deux qualités essentielles et les deux dons tout particuliers qu’il a reçus. Gautier aurait été enchanté, lui qui aimait tant les « transpositions d’art », de ce poète rival, en un seul volume, du peintre le plus éclatant et du musicien le plus puissant. Et il faut avouer que ce n’est pas peu de chose de voir, avec cette force et cette précision, le relief et l’éclat des objets, et d’entendre et de faire entendre avec l’instrument du vers tous les bruits majestueux, terribles ou caressants de la nature.

[La Revue bleue (1er avril ).]

Lucien Muhlfeld

Un des livres du siècle (Les Trophées) est éclos, ce m’est l’escompte d’une joie historique de m’en sentir contemporain. Comme nous, nous disons : « 1857, l’année de Bovary, des Fleurs du mal, des Poésies barbares, de Fanny », on dira seulement, mais c’est quelque chose : « 1893, l’année des Trophées », et dans un tiers de siècle, j’espère, les nouveaux me permettront de mentir un peu sur ce 1893 et sur cette apparition des Trophées, avec la grâce délicate que les jeunes gens ont tant raison de garder au bon chroniqueur devenu mûr et qui se souvient tout haut.

[Revue blanche (15 avril ).]

Ferdinand Brunetière

Le triomphe de M. de Heredia, c’est la couleur, — si peut-être celui de M. Leconte de Lisle, son maître, serait plutôt la lumière ; — et je ne crois pas que jamais vers aient mieux rendu que les siens la diversité des époques ou le changeant décor des lieux.

[Évolution de la poésie lyrique ().]

Albert Giraud

Qui donc remplacerait, à l’heure actuelle, Leconte de Lisle, si ce n’est le pur et parfait poète des Trophées , M. José-Maria de Heredia ?

[La Plume (21 octobre ).]

Raoul Rosières

Les cent dix-huit sonnets des Trophées ne sont assurément pas tous de la même valeur, n’en est de pâles dont l’idée se révèle avec peine et ne semble pas valoir l’honneur de tant de soins. Il en est qui, faute d’une pensée assez abondante pour les emplir jusqu’au bout, laissent flotter à vide bien des vers. Il en est surtout de rudes, où les mots, trop violemment comprimés, grincent les uns contre les autres et saccadent mal à propos la strophe de rejet convulsif. Mais quelques-uns, alliant avec toute la virtuosité voulue la sûreté du dessin à la vigueur du coloris, sont sans aucun doute, pour la perfection du rendu, les plus beaux qui aient jamais été écrits en français.

[La Revue bleue ().]

Eugène Lintilhac

M. José-Maria de Heredia, le prince de ces sonnettistes qu’a suscités Sainte-Beuve. Il a publié lentement des sonnets sonores, enfin recueillis dans les Trophées, qui, par la fermeté du dessin, l’éclat des tons et la puissance du modèle, suggèrent un plaisir esthétique rival de celui qui est propre aux arts plastiques, et qui donnent souvent par l’accord de l’idée et de la forme le sentiment même de la perfection.

[Précis historique et critique de la littérature française ().]

Gaston Deschamps

José-Maria de Heredia ne me pardonnerait pas si je le louais aux dépens de son illustre maître. Pourtant je suis obligé de dire que ses vers attestent un plus vif souci d’exactitude et serrent davantage la vérité. Que voulez-vous ? Quand on a été chartiste, on reste toujours ami des | textes et des documents. Heredia est un ancien élève de l’École des chartes, tout comme MM. Gaston Paris et Paul Meyer. Il a fréquenté, tout jeune, les archives, les vieilles armures et les églises vénérables. Il s’est habitué à saisir d’une vue directe la figure du passé. Il s’est plu aux doctes dissertations, aux monographies, au recueil de parchemins, aux albums d’armoiries, aux glossaires. Il est demeuré grand lecteur de mémoires érudits, de brochures rares, de commentaires peu connus. Les sociétés savantes des départements lui ont fourni, plusieurs fois, des motifs de poésie : souvent une planche d’archéologie entrevue dans une bibliothèque, un pan de mur, une statue cassée qui git dans l’herbe, un fragment de stèle, une guirlande de palmettes qui court sur une frise, se fixent dans son esprit, l’accompagnent partout, à pied et à cheval, en voiture et en omnibus, au théâtre et dans le monde. Les jours passent, les semaines, les mois, parfois les années. La vision s’enrichit de lectures et de méditations nouvelles ; elle attire des mots colorés et sonores ; elle se vêt de pourpre, d’azur et d’or ; elle se couvre de cristaux et d’aiguilles, comme ces branches de bois mort que l’on jette dans les mines de Harz. Brusquement elle éclate en une magnificence de phrases, en un triomphe de rimes ; elle scintille, elle éblouit, elle émerveille. La poésie française compte un sonnet de plus… Successeur des poètes qui ont introduit l’Espagne en France, héritier d’une longue lignée qui va de Jean Chapelain à Pierre Corneille et d’Abel Hugo à Victor Hugo, l’auteur des Trophées se distingue cependant de tous ses devanciers par des traits qui lui sont personnels. Son chartisme n’a pas nui, tant s’en faut, à son esthétique. Les triomphes de la philologie l’ont émerveillé. Il a vu les profondeurs du passé magnifiquement illuminées par ces sciences très spéciales que le vulgaire ignore ou méprise, et qui sont d’admirables lampes de mineur : l’archéologie, l’épigraphie, la diplomatique. Il a compris que l’office et le bienfait de la littérature consistent surtout à ouvrir au public des trésors cachés et à faire entrer dans le domaine de tous ce qui était auparavant l’exclusive propriété de quelques spécialistes volontiers jaloux. Il a puisé à des sources mystérieuses et nouvelles. Ce Parnassien est un moderne.

[La Vie et les Livres ().]

Joachim Gasquet

M. José-Maria de Heredia, savant comme Ovide, en d’éclatants sonnets nous a donné l’émotion des siècles disparus. Les fêtes de sa mémoire couronnent des travaux pensifs. Il a su réduire l’abondance de ses sensations aux strictes cadences d’où naît la splendeur classique. Comme un sanctuaire il a disposé son livre. Chacun de ses purs autels cache un enseignement ésotérique. Ces vers parfaits sont le corps rythmique d’une divinité. Ainsi qu’une sonate plusieurs fois entendue, ils s’ouvrent soudain à la compréhension. Derrière leur sens précis réside leur beauté symbolique. Lorsqu’on a pénétré leur ordonnance intime, ils vous mettent dans l’état d’harmonie où l’on aime les morts mêlés aux vivants.

[L’Effort (15 janvier ).]