(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »
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(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Roumanille, Joseph (1818-1891)

[Bibliographie]

Li Margarideto (1847). — La Campano mountado (1857). — Lis Oubreto (1859). — Lou Mège de Cucugnan (1863). — Li entarro chin (1874). — Conte provençau (1884).

OPINIONS.

Armand de Pontmartin

Je connais peu d’existences plus pures et plus nobles que celle de Roumanille. Pendant les années d’agitation et d’angoisses qui suivirent la Révolution de février, et où la fièvre démocratique, chauffée au feu des imaginations méridionales, propageait, dans nos campagnes, sous leurs formes les plus brutales, toutes les théories communistes, Roumanille, fils d’un jardinier et modeste employé dans une imprimerie d’Avignon, renonçant aux douces familiarités de sa muse bien-aimée, se mit à écrire, en provençal, de petits livres populaires qui firent plus, dans nos départements, pour la cause de l’ordre et du bon sens, que toutes les publications. Rien n’égalait la verve, la sève, l’entrain tour à tour sérieux et goguenard de ces écrits de Roumanille : Li Club (les Clubs), Li Partejaire (les Partageux), Quand dévé, fau paga (Quand vous devez, il faut payer), Un rouge et un blanc, La Férigoulo (le Thym)… Aujourd’hui, Roumanille nous offre deux nouveaux poèmes : Li Sounjarello (les Rêveuses) et La Part dau bon Diéu (La Part du bon Dieu).

Rien de plus frais et de plus touchant que Li Sounjarello. C’est fête au village, une fête méridionale, qui a pour orchestre le tambourin, et pour lustre le soleil… La Part dau bon Diéu touche de plus près encore à cette morale domestique et familière où excelle Roumanille, et qui donne à l’ensemble de ses ouvrages le caractère d’un enseignement populaire… Plusieurs de nos illustres, édités à son de trompe par nos plus bruyants journaux, auraient à profiter de son exemple. C’est parce que cet exemple est particulièrement salutaire en un temps de désarroi et de lassitude comme le nôtre, que j’ai cru pouvoir donner à Roumanille une place dans ma modeste galerie, et montrer en lui, non pas le troubadour de légende, d’Opéra-Comique et de vignette, mais l’homme de bien, le poète de talent, se résignant à parler la langue de ceux qu’il veut convertir, et à renfermer sa popularité dans un étroit espace, pour la rendre plus utile et plus solide.

[Causeries littéraires ().]

Saint-René Taillandier

L’honneur de M. Joseph Roumanille est d’avoir senti avec tant de vivacité la douleur et la honte de cette situation. Il a compris que la langue natale était avilie, et il a conçu le dessein de la réhabiliter. Ce dessein est devenu la tâché de toute sa vie ; grande tâche et vraiment patriotique ! Il travaillait pour son père et sa mère, il travaillait aussi pour toutes les familles de la campagne, pour tous les ménages des mas. « Du Rhône aux Alpes et de la Durance à la mer, combien d’amis inconnus, se disait-il, accueilleront ces pages que je vais leur envoyer ! » Voilà comment M. Joseph Roumanille publia son premier recueil de poésies provençales, Li Margarideto. Ces pâquerettes, comme il les appelle, c’étaient des fleurs du jardin de Saint-Remy, fleurs toutes simples, mais toutes fraîches, fleurs de saine pensée comme de gai savoir, offrande et appel adressé du fond du Mas des pommiers à tout le peuple de Provence.

L’offrande fut reçue avec grande joie, et l’appel retentit de tous côtés. En fait de poésie et d’art, il ne faut que réussir une bonne fois pour créer tout un courant d’idées, inspiration chez les uns, imitation chez les autres. M. Roumanille obtint ce succès du premier coup ; et comme, en toute occasion, il continua de chanter, ici un conte joyeux, là une élégie, comme il joignait d’ailleurs à cette œuvre de rénovation poétique un apostolat social et défendait les vieilles mœurs au milieu des fièvres de 1848, il devint bientôt le chef d’un travail d’esprit qui fut un véritable événement, pour la Provence, durant plusieurs années.

[Les Destinées de la nouvelle poésie provençale ().]

Paul Mariéton

Avant Mistral, Joseph Roumanille, son précurseur, se servant de la langue vulgaire pour être compris de son milieu de naissance (1845), trouvait, nouveau Malherbe, des accents littéraires dans un idiome qui ne servait plus qu’à traduire des grossièretés ou des thèmes burlesques. Le premier, il avait osé s’attendrir en provençal, tout en riant parfois.

[La Terre provençale ().]

Charles Maurras

Roumanille était né au pied de ces deux purs chefs-d’œuvre de l’art grec que le peuple et les savants appellent les Antiques. Mais Roumanille ne fut pas un antique : c’était un vivant et presque un réaliste, un réaliste catholique et un légitimiste militant : il correspondait avec Henri V et, dans un journal avignonnais, La Commune, il combattit avec acharnement le fourriérisme et le socialisme qui étaient en vogue vers 1848. L’ironie socratique de ces petits dialogues provençaux ne sera point égalée. Elle eut une grande influence sur les populations du Comtat et des Bouches-du-Rhône. Roumanille était un homme d’action. Ayant combattu les partageux, il fonda le félibrige. C’est lui qui, avec Mistral, rallia les poètes, renouvela la langue et publia L’Armana prouvençau, dont le succès annuel ne s’épuise point. Poète, Roumanille laisse des merveilles : Li Margarideto et Li Sounjarello, qui ravissent les pauvres gens. Pour ses proses, dont Arène et Daudet ont traduit les plus curieuses, elles sont l’expression absolue et parfaite de l’âme de sa race.

[La Plume (1er juillet ).]