Hervilly, Ernest d’ (1839-1911)
[Bibliographie]
La Lanterne en verres de couleurs (1868). — Les Baisers (1872). — Jeph Affagard (1873). — Le Harem (1874). — La Belle Saïnara, comédie en un acte et en vers (1876). — Le Bonhomme Misère, comédie en trois actes et en vers (1878). — Le Grand Saint-Antoine-de-Padoue (1883). — Les Bêtes à Paris (1886). — Héros légendaires (1889). — Aventures du Prince Frangipane (1890). — L’Ïle des Parapluies (1890). — Trop grande (1890). — La Vision de l’écolier puni (1890). — En bouteille (1893). — Seule à treize ans (1893). — Les Chasseurs d’édredons (1895). — L’Hommage à Flipote (1896). — Au bout du monde ! (1897). — Notre ami Drolichon (1898). — À Cocagne ! (1898).
OPINIONS.
Jean Prouvaire
Tout Yeddo est à l’Odéon. C’est que le poète Kami est l’un des plus aimés parmi les poètes japonais, et l’on eut été navré si le succès n’avait pas épousé la Belle Saïnara. Il l’a épousée, sans hésitations ! Ç’a été un vrai coup de foudre, comme on dit dans l’Empire du soleil levant ; et il l’épousera tous les soirs aussi longtemps que l’on voudra. Vous raconter la comédie d’Ernest d’Hervilly, si pimpante, si subtile, si japonaise, c’est-à-dire si parisienne, et qu’une mise en scène adorablement exotique pimente si vivement ? À quoi bon ? Vous irez la voir. Écoutez plutôt ces vers que Kami récite en jouant de l’éventail :
Lorsque tu baignes ton pied tendreDans ta rivière aux frais cailloux,Les beaux lys rosés font entendreUn long murmure de jaloux.
Tes mains planent, sveltes et blanches,Sur les cordes des instruments,Comme un couple d’oiseaux charmantsQui se becquètent sur les branches.
Et puis, les ongles de tes doigts,Chères et délicates choses,Ce sont les fins pétales rosesDe la fleur du pommier des bois.
Alphonse Lemerre
Au théâtre, La Belle Saïnara, comédie en un acte et en vers, joint, comme certains de nos plus charmants tableaux de genre, la couleur locale japonaise à la couleur locale parisienne. C’est une figurine du boulevard sculptée sur jade. Le Bonhomme Misère, trois actes en vers, montre, dans un cadre de légende du moyen âge, que ce poète est aussi un philosophe à ses heures, mais qu’en somme c’est, chez lui, la poésie qui l’emporte.
Antony Valabrègue
M. Ernest d’Hervilly est un esprit complexe, un humoriste, un railleur et un excentrique. Il procède par bonds prestigieux, préoccupé de charmer et d’étonner, et il ne craint pas d’imiter le clown lyrique de M. Théodore de Banville, qui va rouler dans les étoiles. Cette diversité de caractère, ces bizarreries se mêlent à de vives qualités, à une verve intarissable, à de nombreuses saillies. Aucun ennui n’est à redouter avec M. d’Hervilly ; il ne traverse pas de solitude desséchante ; il nous conduit au hasard, c’est vrai : on a chance d’arriver, si on l’accompagne, dans quelque champ de foire peuplé de femmes sauvages et de créatures monstrueuses… Le poète n’a pas de préférences ; il passe de l’Algérie à la Chine et du Sénégal au Groenland. Il a porté un jour ses rêves dans les polders de la Hollande… Après avoir applaudi la Belle Saïnara, nous aurions un extrême plaisir à écouter au Théâtre-Français cette autre comédie à l’affabulation ingénieuse, la Fontaine des Beni-Menad.
Charles Le Goffic
Poète, il est l’auteur de la Lanterne en verres de couleurs ; des Baisers ; du Harem ; du Grand Saint-Antoine-de-Padoue ; des Bêtes à Paris. Ses vers ont du sens et de la grâce.
Pierre et Paul
D’Hervilly, dont le côté humoristique répondait à certaines exigences du public, a collaboré successivement à soixante-quinze journaux ; il fut notamment l’homme aux gros souliers du Diogène et le cousin Jacques de la Lune, de l’Éclipse et du Paris-Caprice. Il a été pendant huit ans le Passant du Rappel.
Tout en fréquentant les sombres bureaux de rédaction et en vivant de la vie enfumée, poussiéreuse et énervante de Paris, il laissait son imagination s’envoler vers les pays lointains : amour boréal, amour africain, idylles chinoises et coloniales, tout le captivait, et son Harem n’est autre chose qu’un Tour du Monde en vingt-cinq parties. Ses strophes ont souvent la vaste allure de celles de Leconte de Lisle, mais leur majesté d’éléphant est tempérée par un humour très relevé.
Regardons sa négresse, par exemple :
Ses seins noirs et luisants dressés sur sa poitrineOnt l’air de deux moitiés d’un boulet de canon ;Aux coins de son nez plat, passé dans la narine.Pendille — et c’est ma joie — un fragment de chaînon.
Ses cheveux courts, tressés, ont l’aspect de la laine ;Sa prunelle se meut, noire sur un fond blancHumide, transparent comme la porcelaine,Et son regard vous suit, placide, doux et lent.
Les membres sont ornés de bracelets de grainesÉclatantes ; elle a des joyaux plus coquets ;Pour lui faire un manteau comme en portent les reines,J’ai tué dans les bois plus de cent perroquets.