(1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375
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(1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

M. Léon Aubineau.
La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre

I

Le livre dont je vais vous parler doit être d’un intérêt puissant pour tout le monde, — sans exception, pour tout le monde. C’est la vie d’un Saint, — et d’un Saint tout neuf, canonisé d’hier. Mais il n’y a pas que les chrétiens fervents qui puissent s’intéresser à la vie prodigieuse de ce Saint. Tout homme qui pense, — tout moraliste, — tout physiologiste, — se sentira saisi d‘une ardente curiosité devant le phénomène de cette existence mise en dehors de l’humanité par l’énergique volonté et la passion religieuse d’un homme, et voudra la scruter et s’en rendre compte philosophiquement… Voilà pour la science et pour la pensée ! Mais l’imagination reste encore…

Le livre de M. Aubineau, le rédacteur de l’Univers, qui n’est, certes ! pas écrit par un poète, ni même par quelqu’un qui ait le génie de l’hagiographie nécessaire pour traiter un pareil sujet, n’en donnera pas moins à l’imagination une de, ces fortes secousses qu’elle aime… Qu’est-ce, en effet, qu’Obermann, René, le Lépreux de la cité d’Aoste, ces trois fameux héros de roman dont on peut dire que l’âme du xixe  siècle en est encore pleine, en comparaison de Benoît-Joseph Labre, ce solitaire comme eux, qui, comme eux, s’était arraché des voies du monde, — pour des raisons plus hautes que les leurs : car, eux, c’était, en ce qui regarde Obermann et René, le dégoût égoïste et hautain d’âmes plus grandes, — ou, du moins, qui se croyaient plus grandes que ce que la vie sociale avait à leur donner, — et, en ce qui regarde le lépreux, la honte d’une affreuse misère ? Benoît Labre est un solitaire d’un autre ordre. Il ne s’est pas isolé du monde parce qu’il avait la lèpre du corps comme le lépreux, ou la lèpre de l’orgueil comme Obermann et comme René. Lui, il s’est isolé du monde pour vivre davantage en Dieu, et parce qu’il aimait exclusivement Dieu.

Il est vrai que l’amour de Dieu est l’amour que nous comprenons le moins de tous les amours mystérieux du cœur de l’homme… Mais voyons, messieurs les penseurs ! n’est-ce pas là une raison de plus pour l’étudier ?…

II

Et d’abord, quoique M. Léon Aubineau, dans sa Vie de Benoît-Joseph Labre, ne soit pas un écrivain selon mon cœur, mais un glaçon du xviie  siècle, assez incorrectement taillé, je luisais gré pourtant d’avoir eu la hardiesse d’aborder ce sujet, qui aurait fait peur à un catholique moins convaincu que lui. En s’occupant avec respect d’un Saint à qui on a fait une petite popularité moqueuse, et, disons-le, presque ridicule, M. Aubineau a montré le courage le plus rare en France : le courage de marcher sur le ridicule, ce fantôme qui, du reste, s’évanouit toujours, le lâche ! quand on marche dessus.

Benoît Labre est pour les Voltairiens un thème à bouffonneries. Rien d’étonnant à ce que les partisans de la philosophie du Mondain tombent à bras raccourci sur les guenilles du pauvre Benoît Labre, ce mendiant qui ne soupait pas ou qui ne voulait pas souper, comme cet autre mendiant de Voltaire, chez les Pompadour de son temps. Mais que de bonnes âmes, pas du tout voltairiennes, lui aient été dures et aient eu la sottise de faire de ce Saint je ne sais quel symbole de la paresse et de l’ignavie, voilà ce qui peut étonner. J’ai vu, dans mon enfance, encore, des statues de jardin représentant un grand dadais en manches de chemise, appuyé sur sa bêche, au-dessous duquel on avait écrit : « Saint Labre, patron des paresseux. » Stupidité immense de la frivolité française ! Tout le monde s’était donc donné le mot contre un Saint antipathique à nos mœurs légères, élégantes et voluptueuses, et qui déconcertait nos sensualités… Et cela continue toujours. Tenez ! dans ce temps de démocratie où les Saints du peuple devraient être au moins respectés par tous ceux qui n’ont la bouche ou la plume pleine que de ce nom de peuple, parions que Benoit Labre, né d’ouvriers (ces rois actuels qui ont détrôné les autres), fera rire le siècle de toutes ses vilaines dents, et que ce nom même de Labre, d’assez piètre physionomie, j’en conviens ! sera un sujet de jolies plaisanteries impertinentes pour ce grand seigneur en fait de grands noms, qui prendra des airs de marquis avec le pauvre Labre et ne lui dira peut-être pas : « Tarte à la crème ! » comme le marquis de la Critique de l’École des femmes, mais : « Va te décrasser ! » Assurément, je ne sais pas si cet imbécile mépris a été une raison de plus pour M. Aubineau de replacer le grand mendiant chrétien dans sa véritable lumière, mais je sais bien que c’est là une raison pour moi d’en parler aux Habits noirs de l’Impiété, aux messieurs de la Libre Pensée, qui admirent Diogène pour peu qu’il soit païen, cynique et porc (mais pas d’Épicure), et qu’il crache sur les tapis d’Aristippe, mais qui ne veulent plus d’un Diogène chrétien doux et pur, et qui s’agenouille noblement devant un autel.

C’est le Diogène chrétien, en effet, que Benoît-Joseph Labre, non plus avec le cynisme du philosophe antique, mais avec des sentiments inconnus à toute l’Antiquité : l’humilité, la simplicité du cœur, et l’amour du Dieu qui a enseigné aux hommes la mortification et la pauvreté. Diogène, avec le manteau d’Antisthène qu’il avait ramassé à la borne et à travers les trous duquel passait l’orgueil qui crevait les yeux de Platon, Diogène ne buvait dans sa main et ne roulait devant lui son tonneau que pour se passer des hommes et être, tout à son aise, outrageusement insolent avec eux ; mais Benoît Labre, qui s’était fait le pauvre errant dont la main n’avait pas honte de se tendre à l’aumône, ressuscitait, par le spectacle de sa misère, la pitié et la charité dans les cœurs… Ce pauvre volontaire de Jésus-Christ, comme il s’appelait lui-même, fut, à ses risques et périls, tout le temps qu’il vécut, une prédication silencieuse, autrement éloquente que la parole des plus éloquents… C’était, continuée, vivante et incessante, la prédication du sublime sermon sur la montagne, — qu’admirait Rousseau, messieurs les philosophes ! et dans lequel il est dit aux hommes que les bienheureux sont ceux qui souffrent et qui pleurent. Prêché sur le Thabor, dans la lumière d’une Transfiguration prochaine, Benoit-Joseph Labre l’a repris, et, par son exemple, l’a prêché dans toutes les obscurités des mauvais chemins d’une vie dénuée et vagabonde. Et encore ne l’a-t-il pas prêché seul. Il y a ajouté l’amour de celui qui le prononça sur le Thabor, et montré ce que cet amour pouvait devenir dans un cœur d’homme, aux hommes, qui l’avaient oublié !

III

C’était dans ce temps-là un terrible temps… Louis XV régnait sous Voltaire. La catholique France du roi très chrétien était devenue, ma foi ! aussi païenne que le monde antique l’était du temps de Diogène, Mais ses Diogènes, à elle, étaient d’une autre espèce. Ils ne roulaient plus leurs tonneaux dans les rues. Une de leurs femelles, car ils avaient des femelles, la marquise du Deffant, avait fait ouater et capitonner le sien, planté en plein salon, et du fond duquel elle aboyait, de sa vieille bouche vide, contre Dieu. Les cyniques d’alors n’avaient pas cassé leur écuelle pour boire dans le fond de leur main ; ils buvaient dans des verres à champagne. Et leurs manteaux d’Antisthène, à eux, étaient les vitchouras et les fourrures envoyées à leurs épaules par les impératrices. S’ils crachaient sur les tapis du baron d’Holbach, après boire, c’était, parbleu ! bien contre Dieu, et cela lavait tout. Il n’y avait plus de mœurs, ni publiques, ni privées ; ni enseignement, que celui du plaisir ; et la religion de la Vénus commode, en attendant le Néant commode. Sous la Mère Régence, on avait fait tout, excepté pénitence ; mais sous Louis XV, on faisait pis que tout… On avait roulé, la tête en bas, le reste en haut, d’Aspasie-Pompadour à Phryné-Du Barry. C’était la fin de la grande orgie. On était sous la table. La France f… ichait son camp, comme le café du maître. Le sang allait venir… Mais, avant qu’il vint, il naquit, de deux pauvres gens, au fond d’une province, — précisément celle-là qui nous a donné plus tard cet athée tremblotant de Sainte-Beuve, qui fait l’effet d’un magot d’athéisme après les grands athées intrépides et impudents du xviiie  siècle. Et cet enfant était la perle qui devait rouler sur le fumier du siècle, sans que le fumier s’en aperçut ; et celui de ce temps-ci ne s’en apercevrait pas davantage, si l’Église, de sa main maternelle, ne l’eût pas ramassée, cette perle, et ne l’eût mise à sa couronne.

Chose frappante ! Singularité providentielle ! Ils croyaient tous, les Sardanapale et les Héliogabale de ce temps-là, que la mortification, cette duperie des chrétiens, cette bête de mortification, était radicalement finie ; que la pauvreté, pire qu’un vice, qui est toujours bon, était bafouée et honnie à jamais. Ils avaient même inventé des Économistes qui faisaient de la richesse, et qui devaient donner à tout le monde plus que les quarante écus de l’Homme aux quarante qu’exigeait Voltaire. Et la mortification, la pauvreté, le mépris de la richesse allaient reparaître, plus éclatants que jamais, avec ce misérable Labre, qu’ils auraient sifflé, s’ils l’avaient connu, avec les clefs de leurs petites maisons, et qui devait — pour les penseurs — faire dans l’histoire du xviiie  siècle un vis-à-vis étrange et expressif à la Du Barry, — par exemple, — ou au maréchal de Richelieu !

Il était né, ce Benoît Labre, dans l’obscurité la plus profonde, et il allait y vivre jusqu’au jour où l’Église l’en tirerait. Pieux dès qu’il respira et comme il respirait, élevé par son oncle, un pauvre curé de campagne, qui lui apprit assez de latin pour entendre le bréviaire, Benoît-Joseph, dès qu’il fut en âge de choisir sa fonction parmi les hommes, sentit tressaillir en lui la vocation religieuse, qui y tressaillit longtemps, mais sans l’éclairer. Il alla d’un couvent à un autre, qui se le renvoyèrent. Ses aspirations le portaient (croyait-il) vers la Trappe, mais il en fut doucement repoussé par les supérieurs, qui voyaient peut-être qu’il était réservé à autre chose ; car ces hommes, accoutumés à regarder dans les âmes, y discernent souvent les germes de leur avenir. Benoît-Joseph Labre n’était pas fait, probablement, pour la règle sur place la vie en communauté. Il avait une autre destination providentielle. Il y a de tout, dans les légions du ciel. Lui devait y être un humble soldat, — un solitaire, — un vagabond, — un pauvre, — un pauvre plus dénué et plus pauvre que saint François d’Assise lui-même, le père de la pauvreté ; car saint François a fondé un Ordre qui est sa gloire et sa richesse, tandis que Labre devait y être uniquement le pauvre, dans toute l’abjection de la pauvreté et son néant. Il devait être, et je me servirai de ce mot mondain pour être mieux compris des gens du monde : il devait être le Lépreux de la cité d’Aoste de la pauvreté.

IV

Il l’embrassa, cette pauvreté, et il la pratiqua avec cette ardeur surnaturelle qui est l’enthousiasme des Saints. Il y a dans la pauvreté, qui est redoutée à présent de toutes les âmes amollies par ce qu’on appelle le confort de la vie, il y a cependant dans la pauvreté une poésie profonde et si d’accord avec l’âme du genre humain, que c’est peut-être la plus impressionnante et la plus touchante de ses poésies. Depuis Homère l’aveugle, errant au bord des flots sur l’arène glissante, jusqu’au dernier porte-besace qui doit mourir dans les ornières du Cotentin, les pauvresses mendiants, les vagabonds font une race éternellement poétique, qui s’est toujours emparée de l’imagination — chez ceux qui en ont — avec une incroyable puissance. Et les poètes, et les romanciers, et tous les inventeurs littéraires l’ont compris ! Ils ont toujours, sans l’épuiser, fouillé dans ce type du mendiant, dans cette profonde poésie de l’errance et de la pauvreté. Rappelez-vous Irus dans Homère ! Seulement dans la littérature moderne la plus rapprochée de nous, rappelez-vous le vieil Edie Ochiltrie de Walter Scott, le vieux pauvre de Cumberland de Wordsworth, et jusqu’au vieux vagabond de Béranger, qui, lui, le bourgeois et le voltairien, le grand poète des épiciers, n’a été réellement poète que quand il a chanté les Bohémiens, les Gueux, enfin les pauvres, exécrés par Voltaire ! Dans l’art plastique et purement pittoresque, n’oubliez pas non plus les adorables mendiants de Callot, tous ces magnifiques stropiats de la guerre de Trente ans, avec lesquels, dans sa vie errante comme la leur, il avait vécu, et demandez-vous pourquoi la pauvreté est une si grande poésie ? Vous ne vous répondrez peut-être pas, mais vous aurez constaté le phénomène dans cette humanité qui doit mourir, mais qui, en attendant qu’elle meure, goûte un charme amer dans le spectacle de sa misère, et trouve dans la contemplation d’un vieux pauvre ou d’une vieille pauvresse la plus longue de ses rêveries… Cette fascination de la pauvreté qui agit sur nous tous, pas de doute que Benoît Labre ne l’ait ressentie ; mais si vous ajoutez à cette poésie naturelle la poésie de l’amour de Dieu, du Dieu né dans l’étable de Bethléem et qui a enseigné le renoncement aux joies matérielles de la vie, vous aurez une vie très particulière et très belle, et qui, même sans la foi chrétienne qui seule peut l’expliquer, doit couper le rire sur les lèvres superficielles et sottes des moqueurs.

Et telle fut celle de Benoît Labre, de ce paresseux, comme on a osé l’appeler, ce laborieux de la misère ! dont l’existence entière s’écoula dans des pèlerinages aux églises les plus lointaines, et qui alla je ne sais combien de fois, à pied, son bréviaire pendu au cou, la besace au dos, les jambes ouvertes par ses marches forcées et les pieds saignants, de Notre-Dame-de-Lorette à Rome, et de Rome à Notre-Dame-de-Lorette. Pour vivre de cette vie révoltante aux sens, mais que je maintiens poétique pour l’esprit, et pour l’âme croyante abondante en joies supernaturelles et célestes, il avait quitté de bonne heure des parents pieux qui l’adoraient. Il n’avait pas marché sur le corps de sa mère, comme le fit le beau Saint d’Érin, l’héroïque Colomban, pour aller à la solitude. Tout était plus humble et d’un geste plus doux dans Benoît Labre. Il se déroba pour Dieu à sa mère. Il partit, sans dire qu’il reviendrait. Mais il ne dit pas non plus qu’il ne reviendrait point. Seulement, il ne revint pas. Ô mélancolie ! il partit pour l’errance éternelle, — pour ne plus s’arrêter qu’en Paradis, dont le seuil pour lui était les Églises qu’il trouvait sur les routes et qu’il visitait. Ce vagabond sublime, dont les pieds saignaient sur les cailloux et dans la boue des chemins, marchait la tête dans la lumière, voyant Dieu nettement dans le bleu du ciel, et répandant de ses lèvres infatigables des torrents de prières. Rien de plus beau pour ceux qui le voyaient ! Tout en marchant, il secouait ce tison enflammé de la prière, dont les étincelles allumaient, du feu de la Charité et de la Foi, les âmes près desquelles il passait. Cet homme, à peine vivant sous ses haillons quelquefois sanglants, le plus souvent pourris, fulgurait d’une vie surnaturelle. Quand il s’arrêtait aux Églises, il s’y reposait de ses longs chemins sur les genoux devant le sanctuaire, les bras en croix, insensible à tout, aux plus affreuses fatigues, à la douleur, à la faim, imperméable à la création tout entière, lui qui n’était plus qu’une âme et qu’on eût pu appeler, dans nos langages de la terre : le cataleptique de l’amour de Dieu ! Le pain qui le soutenait n’était pas celui qu’on lui rompait aux portes et qu’il partageait avec les pauvres qu’il rencontrait : c’était le pain eucharistique, qui, pour ceux qui croient à ce dont il est fait, donne plus de force à un homme que s’il lui versait des fleuves de vie et de sang pourpre dans les veines.

Existence merveilleuse, — pour n’importe qui ! — et qui stupéfiait les mondains de ce temps, quand ils rencontraient ce Lépreux de la cité d’Aoste de la pauvreté, comme je l’ai nommé déjà. Il les stupéfiait et il les dégoûtait, ces délicats, sous ces haillons qui étaient sa lèpre ; car son corps (paraît-il), incorruptible comme le cèdre du Liban, éclatait, de là-dessous, de blancheur et de fermeté, comme une noble statue d’ivoire. Il semblait que la pureté de son âme eût revêtu ce corps, et gardé des saletés de la terre cette chair qui s’y exposait et se trempait aux fanges avec la soif de l’abjection !

Une vie pareille — vue de par-dehors — ne se raconte pas ; car l’incomparable beauté en est tout intérieure. Seulement, si on avait de l’âme et du génie, on pourrait la pressentir et en deviner quelque chose. M. Léon Aubineau est incapable de cette pénétration Il raconte de par-dehors et glose. Assurément, il n’y a pas à faire ici de critique littéraire ; ce serait même ridicule dans un sujet pareil. Mais ce que j’aurais voulu, c’est un reflet du feu de l’âme du Saint. Rien que cela !

V

Il n’y est point. Eh bien, c’est un regret ! Supposez la plume inspirée qui a écrit, sans avoir la vérité pour elle, Séraphita, Séraphita, se plongeait dans la magnifique vie du mendiant mystique que voici ? Quel chef-d’œuvre !· et quelle édification infinie ! et aussi quelle revanche de la vie mystique sur la vie réelle ! Et quel porte-respect pour ce pauvre abject, plus incompréhensible peut-être que tous les autres Saints, à la tourbe des esprits bas et vulgaires ! Et quelle canonisation pour messieurs de l’insolente et libre pensée, qui ne croient pas à la canonisation du Pape ! Pour eux, Balzac remplacerait Pie IX dans la justice tardive à rendre à ce grand Indigent volontaire et obscur, — lumineux seulement devant Dieu, — qui vécut dans la palpitation prolongée de l’amour sans bornes, et dont l’âme emporta le corps, émacié dans une étisie sublime, et le répandit devant Dieu comme une fumée d’encens…

Au lieu de cela, ils continueront de ricaner, et peut-être le livre de M. Léon Aubineau, qui n’est pas un lion, augmentera-t-il leur gaieté idiote. Le bienheureux Labre continuera d’être pour eux le patron des paresseux et des malpropres, ce qui est aussi bête que de dire qu’il est le patron d’un vice et le Saint d’un péché mortel…

« Ah ! qui me débarrassera de cet évêque ! » disait un jour Henri II à ses nobles, et tout de suite, il s’en trouva un qui l’en débarrassa. Le pauvre Labre, aussi pauvre après sa mort que durant sa vie, ne trouvera donc pas parmi les catholiques quelque poignet solide pour le débarrasser des benêts qui font un masque ignoble d’un visage digne de l’auréole !

Il y avait pourtant un bon bâton à nœuds derrière la porte de l’Univers. Mais Veuillot ne le prêtait pas !