Paris, 8 juillet 1885.
Chronique. Lohengrin et les œuvres de Wagner à Paris ; les opéras et les drames de Wagner
On a annoncé que Lohengrin serait donné, cet hiver, en français, d’abord, à l’Opéra-Comique, puis, en italien, au Théâtre-Italien de l’Opéra. De ces nouvelles, la seconde est, probablement, fausse ; la première paraît, aujourd’hui, assurée : dès le mois de novembre, Lohengrin serait joué, par MM. Talazac et Bouvet, Mmes Calvé et Deschamps, l’orchestre étant dirigé par M. Danbé ; la distribution des rôles, annoncée à l’Opéra-Italien, était celle-ci : MM. Jean de Rezké et Devoyod, Mme Nilsson.
Nous souhaitons que l’Opéra-Comique représente Lohengrin. Les acteurs sont, là, bons chanteurs, et M. Talazac sera un remarquable Lohengrin ; les petits rôles et les choristes sont convenables ; l’orchestre va bien ; le style sera suffisant, car on y travaillera. La mise en scène ne sera pas luxueuse, mais propre ; on ne réclamera pas un ballet. Le public aura, certainement, de la tenue ; sans doute, il voudra comprendre ; donc, il comprendra. Aucun désordre ne sera essayé, les précautions étant données. Ce sera de belles représentations, et heureuses.
Enfin donc, Paris, après les autres villes de l’Europe et de l’Amérique, connaîtra les œuvres de Richard Wagner : les œuvres de Richard Wagner seront jouées a Paris ; Lohengrin, Tannhaeuser, le Vaisseau fantôme, les Maîtres Chanteurs ; et tous ces opéras auront, à l’Opéra-Comique, ou en quelque théâtre subventionné, le bon succès, très mérité. Et l’on y voudra jouer aussi, Tristan et Isolde, la Walkure, le Crépuscule des Dieux ; avant peu de temps, la représentation de Tristan à l’Opéra-Comique sera discutée, comme, aujourd’hui, celle de Lohengrin ; mais elle ne sera pas faite.
Oui, Lohengrin, oui, Tannhaeuser, oui, même, les Maîtres Chanteurs : mais, non, les autres. Et quiconque aura quelque compréhension de l’œuvre Wagnérienne, protestera contre toute introduction, en l’un de nos théâtres d’opéra, de Tristan, ou de la Tétralogie.
Le Vaisseau Fantôme, Tannhaeuser et Lohengrin, sont de sublimes opéras. Il faut, non les mépriser, les voir, ce qu’ils sont. Ils sont des opéras : des ouvrages essentiellement de musique, avec paroles, en forme dialoguée et concertante, et accompagnés de spectacle ; la générale ordonnance des pièces et la spéciale ordonnance de chaque scène est soumise, par principe, à l’ordonnance supérieure de formes purement musicales, airs, duos, chœurs, morceaux d’ensemble, finales ; toutes tendances dramatiques, soucis de l’expression, d’une humaine vérité, faisant ces œuvres des opéras plus dramatiques, plus expressifs, plus vrais, les laissent, encore, des opéras, des festivals de concert perfectionnés, des chefs-d’œuvre musicaux, la continuation d’Alceste, d’Euryanthe, d’énormes essais, tourmentés, des floraisons étranges miraculeusement surgies au dessus des banales forêts connues, d’indécises croissances, vagues enfantements de désir. — Tristan et la Tétralogie sont des drames littéraires, avec musique et plastique : le texte littéraire est fondamental de l’œuvre, il est le commencement, le moyen, et la fin ; la représentation scénique l’éclaire seulement, et la musique, aussi, l’éclaire, par son commentaire, sa psychique explication, prodigieuse glose à la parole et à l’acte.
Théoriquement, la différence est donc telle, absolue : eussent ils été écrits en la même époque, Lohengrin et Tristan seraient, par leur forme, Wagner l’a dit, plus différents que le Barbier et Lohengrin. Et la différence artistique est non moins marquée :
En ses opéras, Wagner reste librettiste d’opéra, content avec une esquisse de poème au lieu d’un poème développé, avec une ébauche littéraire, hâtée, confuse, incorrecte, un récit de fait-divers, au lieu de la précise et complète analyse du roman ; le spectacle est celui de l’opéra, dialogues d’interlocuteurs qui ne se regardent point, brillants défilés ; enfin, musicien d’opéra, Wagner emploie, — génialement, — une forme étriquée, et, — mélancoliquement, — il renonce aux richesses symphoniques de l’étude passionnelle… Mais, en ses drames, il est poète, avec les subtilités, les grandeurs, et les affinements des purement poètes ; son drame existe, littérairement, comme un roman dialogué ; — et il est le musicien révélateur de l’essence musicale, et son orchestre a appris à exprimer, — clairement (pour la première fois), — les ineffables intimités des âmes.
Or, que les théâtres d’opéra représentent des opéras, et qu’ils représentent cette merveille exquise, où est, suprêmement, la dernière puissance expressive de l’opéra, Lohengrin, le plus beau et le dernier des opéras ! même, qu’ils prennent les Maîtres Chanteurs, une fantaisie dramatique, œuvre de récréation et d’enchantement ! — Mais, pour que l’on touche Tristan, ayons un théâtre où soient des acteurs jouant en comédiens le drame réel et réaliste, capables de prononcer les mots selon les valeurs musicales notées, des comédiens déclamant lyriquement ; où chacun, directeurs, musiciens, interprètes, soient persuadés du caractère spécial à l’œuvre représentée ; où le public, libre de faux préjugés, écoute un drame.
Notre Opéra-comique n’est point ce théâtre : il a raison, étant ce qu’il doit être. Et le moment n’est guère proche, où, dans un théâtre parisien, sera ce qui est, par exemple, dans le théâtre royal de Munich : la même troupe jouant, un soir, selon toutes les traditions, Guillaume Tell, et, le lendemain, presque parfaitement, Tristan et Isolde…
Puisqu’il nous faut, aussi, Parisiens, ces œuvres, comprenons qu’un théâtre nouveau leur est nécessaire : lorsqu’un artiste, à l’enthousiasme sûr et sérieux, à la patiente et persévérante énergie, à la profonde maîtrise, aura, en ses mains, uni toutes les forces des bonnes volontés éparses, et créé le théâtre du Drame avec Musique, la Tétralogie et Tristan auront, enfin, leurs représentations à Paris, dignes.
Et le théâtre de l’Opéra, alors, achèvera se pourrir avec les Meyerbeer ; mais, — n’ayons de crainte, soyons assurés ! — jamais (c’est assez, une fois), les œuvres Wagnériennes, lesquelles qu’on choisisse, ne seront souillées en ces splendeurs.
Le Prélude de Lohengrin.
Commentaire-Programme, par Richard
Wagner28
« Le Saint-Graal était la coupe dans laquelle le Sauveur avait bu à la dernière cène et où Joseph d’Arimathie avait reçu le sang du Crucifié. La tradition raconte que le vase sacré avait été une fois déjà retiré aux hommes indignes, mais que Dieu avait décidé de le remettre aux mains de quelques privilégiés qui, par leur pureté d’âme, par la sainteté de leur vie, avaient mérité cet honneur. C’est le retour du Saint-Graal sur la montagne des saints chevaliers, au milieu d’une troupe d’anges, que l’introduction du Lohengrin a tenté d’exprimer.
Dès les premières mesures, l’âme du pieux solitaire qui attend le vase sacré plonge dans les espaces infinis. Il voit se former peu à peu une apparition étrange, qui prend un corps, une figure. Cette apparition se précise davantage, et la troupe miraculeuse des anges, portant au milieu d’eux la coupe sacrée, passe devant lui. Le saint cortège approche ; le cœur de l’élu de Dieu s’exalte, il s’élargit, il se dilate ; d’ineffables aspirations s’éveillent en lui ; il cède à une béatitude croissante, en se trouvant toujours plus rapproché de la lumineuse apparition, et quand enfin Saint-Graal lui-même apparaît au milieu du cortège sacré, il s’abîme dans une adoration extatique, comme si le monde entier eût soudainement disparu.
Cependant, le Saint-Graal répand ses bénédictions sur le saint en prières et le consacre son chevalier. Puis les flammes brûlantes adoucissent progressivement leur éclat ; dans sa sainte allégresse, la troupe des anges, souriant à la terre qu’elle abandonne, regagne les célestes hauteurs. Elle a laissé le Saint-Graal à la garde des hommes purs, dans le cœur desquels la divine liqueur s’est répandue, et l’auguste troupe s’évanouit dans les profondeurs de l’espace, de la même manière qu’elle en était sortie. »
Paraphrase
Par
Franz Liszt29
Wagner a donné à l’ouverture de Tannhaeuser l’étendue d’une grande composition symphonique, et quoique les motifs principaux de l’opéra en forment la substance, cette ouverture peut néanmoins être considérée comme une œuvre à part, qui, détachée du reste, garderait toujours sa valeur intrinsèque, et serait comprise et admirée de ceux mêmes qui ne connaîtraient pas le drame dont elle est le magnifique résumé. Il n’en est pas ainsi du prologue instrumental qui précède Lohengrin. Trop court, — car il n’a que soixante quinze mesures, — pour être exécuté séparément, il n’est qu’une sorte de formule magique, qui, comme une initiation mystérieuse, prépare nos âmes à la vue de choses inaccoutumées et d’un sens plus haut que celles de notre vie terrestre. Cette introduction renferme et révèle l’élément mystique, toujours présent et toujours caché dans la pièce ; secret divin, ressort surnaturel, suprême loi de la destinée des personnages, et de la succession des incidents que nous allons contempler. Pour nous apprendre l’inénarrable puissance de ce secret, Wagner nous montre d’abord la beauté ineffable du sanctuaire, habité par un Dieu qui venge les opprimés, et ne demande qu’amour et foi à ses fidèles. Il nous initie au Saint-Graal ; il fait miroiter à nos yeux ce temple de bois incorruptible, aux murs odorants, aux portes d’or, aux solives d’asbeste, aux colonnes d’opale, aux ogives d’onyx, aux parvis de cymophane, dont les splendides portiques ne sont approchés que de ceux qui ont le cœur élevé et les mains pures. Il ne nous le fait point apercevoir, dans son imposante et réelle structure, mais comme ménageant nos faibles sens, il nous le montre d’abord reflété dans quelque onde azurée, ou reproduit par quelque nuage irisé,
C’est au commencement une large nappe dormante de mélodie, un éther vaporeux qui s’étend, pour que le tableau sacré s’y dessine à nos yeux profanes ; effet exclusivement confié aux violons, qui, après plusieurs mesures de sons harmoniques, continuent dans les plus hautes notes de leurs registres. Le motif est ensuite repris par les instruments à vent les plus doux ; les cors et les bassons en s’y joignant préparent l’entrée des trompettes et des trombones, qui répètent la mélodie pour la quatrième fois, avec un éclat éblouissant de coloris, comme si dans cet instant unique l’édifice saint avait brillé devant nos regards aveuglés, dans toute sa magnificence lumineuse et radiante. Mais le vif étincellement amené par degrés à cette intensité de rayonnement solaire, s’éteint avec rapidité, comme une lueur céleste. La transparente vapeur des nuées se referme, la vision disparaît peu à peu dans le même encens diapré, au milieu duquel elle est apparue, et le morceau se termine par les premières six mesures devenues plus éthérées encore. Son caractère d’idéale mysticité, est surtout rendu sensible par le pianissimo toujours conservé dans l’orchestre, et qu’interrompt à peine le court moment où les cuivres font resplendir les merveilleuses lignes du seul motif de cette introduction. Telle est l’image qui, à l’audition de ce sublime adagio, se présente d’abord à nos sens émus.
Il serait plus difficile de dépeindre les sentiments qu’elle réveille, et qui se rapprochent de ce que notre cœur peut comprendre des plus extatiques ravissements. Si Dante, pour nous faire concevoir les béatitudes des dernières sphères du paradis en même temps que leur beauté, compara les chœurs des âmes bienheureuses groupées et pressées en innombrables multitudes, aux feuilles d’une rose s’inclinant toutes vers le même centre, nous oserons peut-être dire, ne pouvant traduire que par une autre image l’impression laissée par ce chant qu’on croirait descendre des mystérieuses hauteurs de l’Empyrée, qu’elle ressemble à l’ascétique ivresse que produirait sans doute en nous la vue de ces fleurs mystiques des célestes séjours, qui sont tout âme, toute divinité, et répandent un frémissant bonheur autour d’elles. La mélodie s’élève d’abord comme le frêle, long et mince calice d’une fleur monopétale, pour s’épanouir ensuite, de même qu’elles, en un élégant évasement, une large harmonie, sur laquelle se dessinent de fermes arrêtes, dans un tissu d’une si impalpable délicatesse, que la fine gaze paraît ourdie et renflée par les souffles d’en haut ; graduellement ces arrêtes se fondent ; elles disparaissent d’une manière insensible dans un vague amoindrissement, jusqu’à ce qu’elles se métamorphosent en insaisissables parfums qui nous pénètrent, comme des senteurs venues de la demeure des justes.
Interprétation par Baudelaire30 bk
M’est-il permis de raconter, de traduire avec des paroles la traduction inévitable que mon imagination fit de ce morceau, lorsque je l’entendis la première fois, les yeux fermés, et que je me sentis pour ainsi dire enlevé de terre ?…
Je me souviens que, dès les premières mesures, je subis une de ces impressions heureuses que presque tous les hommes imaginatifs ont connues, par le rêve, dans le sommeil. Je me sentis délivré des liens de la pesanteur, et je retrouvai par le souvenir l’extraordinaire volupté qui circule dans les lieux hauts. Ensuite je me peignis involontairement l’état délicieux d’un homme en proie à une grande rêverie dans une solitude absolue, mais une solitude avec un immense horizon et une large lumière diffuse ; l’immensité sans autre décor qu’elle-même. Bientôt j’éprouvai la sensation d’une clarté plus vive, d’une intensité de lumière croissant avec une telle rapidité, que les nuances fournies par le dictionnaire ne suffiraient pas à exprimer ce surcroît toujours renaissant d’ardeur et de blancheur. Alors je connus pleinement l’idée d’une âme se mouvant dans un milieu lumineux, d’une extase faite de volupté et de connaissance, et planant au-dessus et bien loin du monde naturel.
Le Pessimisme de Richard Wagner
La mystérieuse inconnue sise au fond des choses, n’est-elle point seulement, l’inconnue cachée au fond de nous-même ?
Kant.
Notre littérature française, qui, depuis cent ans, a demeuré toujours, si étrangement, la même, s’est, en revanche, divertie à vêtir, sans cesse, les plus contraires appellations. Elle a été le Romantisme, et le Réalisme, et le Naturalisme, et le Dilettantisme ; elle semble devenir, aujourd’hui, décidément, le Pessimisme. Elle nous donne des romans pessimistes, des drames pessimistes, des poèmes pessimistes, des œuvres de critique pessimiste ; et déjà M. Sarcey, qui a, successivement, maudit toutes les littératures précédentes, lui a octroyé la définitive consécration de ses anathèmes.
Quel changement de la matière artistique est recouvert par ce changement des formes et des noms ? Être plus pessimiste que les romantiques et les naturalistes, la nouvelle littérature ne pourrait : elle l’est, seulement, d’autre façon. Ces jeunes hommes ont pris, du mal universel, une science plus nette, et l’habitude, plus affinée, de leurs âmes, fait qu’ils ont ressenti maintes douleurs plus fines.
À cet affinement sont des causes multiples, évidentes : la lecture de Schopenhauer, donné aux Français en des recueils bizarres de morceaux choisis ; la faillite dernière des aspirations romanesques ; le spectacle désolant de la démocratie, accélérant encore l’évolution fatale vers l’hétérogène ; et ce livre d’Amiel, peu lu, fort admiré. Mais plus active fut, sans doute, aux écrivains, l’influence de Richard Wagner, pour éclairer en eux, dernièrement, ce pessimisme congénital.
Les littérateurs, par une tradition, dédaignent la musique. Combien ont ouï, dans nos concerts, pieusement, les morceaux de l’œuvre wagnérienne ? Combien connaissent un drame entier du Maître : où est l’écrivain qui a lu Ses écrits théoriques ? Mais les œuvres, pour qu’elles transforment une race, n’ont pas le besoin de ce qu’elles soient connues. Et, ainsi, malgré notre ignorance, nous avons subi tous, puissamment, l’effet de cet art nouveau ; nous avons, tous, éprouvé à souffrir une joie plus aiguë, parce qu’il a plu à Wagner de suivre la voie pessimiste de Schopenhauer, de dresser le gigantesque autel de ses œuvres à l’Idole du Cesser-Vivre.
Renoncer à la Volonté de Vivre était la conclusion de Schopenhauer ; c’est encore le sens philosophique de Parsifal. Tristan signifie l’appel de l’Amour à la Mort. Wotan, la béatitude de l’Être Divin parvenant à l’ataraxie.
Dans les écrits théoriques, le pessimisme du Maître apparaît davantage. Schopenhauer est l’auteur toujours invoqué, et les formules de ce penseur, ses termes incorrects, ses théories métaphysiques, sont admirés et cités. L’œuvre de Wagner est une scolie de Schopenhauer, méditent les Allemands.
Cependant, si nous approchons à l’œuvre, mainte chose nous étonne, en ce pessimisme. Parsifal renonce à vouloir, mais ce n’est point au profit de l’anéantissement bouddhiste ; il renonce à l’égoïste plaisir, pour fondre sa vie, plus joyeusement, avec l’universelle vie. L’écrit philosophique « Art et Religion »bl dit le mal de l’existence individuelle, morcelant et opposant nos intérêts ; mais il exalte le retour à l’unité universelle, pleinement bonne, pleinement sainte, — et naturelle, — et bien heureuse. La méchante Volonté première de Schopenhauer, cette âme essentielle des réalités, est ici le Bien suprême. L’écrit sur Beethoven nous surprend, entre tous. Le Mage Divin est sourd, niais, méprisé ; alors il Voit, sous les apparences, l’Être, et cette Vision, qui désolerait un pessimiste, lui est tellement radieuse et prestigieuse qu’il évoque, en lui-même, désormais, une extraordinaire Joie. L’essence des choses se révèle à lui, apparaissant dans la splendeur sereine de sa Beauté. Quel est donc ce pessimisme où la Nature véritable s’élargit, ainsi glorieuse ? Quelle est pour Wagner, cette Nature, cette Réalité, cette Volonté première, cet Être immanent, si prodigieusement bienheureux ?
Cet Être n’est point la ridicule Volonté, absolue et inveuillante de Schopenhauer ; cet Être est l’Homme, c’est Moi, c’est la Volonté individuelle, créant le Monde des phénomènes-. Au fond des Apparences est l’Esprit, qui les connaît, et qui pour les connaître, les produit. L’Univers où nous vivons est Un Rêve, un Rêve que, volontairement, nous rêvons. Il n’y a point de choses, point d’hommes, point de monde ; ou, plutôt, il y a tout cela, mais parce que l’Être se doit, nécessairement, projeter en des apparences. Et notre douleur, aussi, est le volontaire effet de notre Âme.
Seul vit le Moi, et seule est sa tâche éternelle : créer. Mais la création résulte des idées actuelles ; nous projetons au Néant extérieur l’image de notre essence intime ; puis, la croyant véritable, nous continuons à la créer pareille ; et nous souffrons de ses incohérences, tandis qu’elles sont ouvrage de notre plaisir. Enchaîné dans la caverne, le prisonnier se lamente et s’effraye, parce que d’épouvantables fantômes se heurtent sur le mur, devant ses yeux.
Mais le prisonnier, sous l’influence d’idées nouvelles, voit ses chaînes tomber ; il se retourne, cherche derrière lui la cause terrifiante des fantômes ; et c’est toujours les fantômes qu’il aperçoit. Alors il comprend les raisons du cauchemar : il regarde en soi-même, se connaît la seule cause ; il est libre, et le Prisonnier de la Caverne devient le Mage Divin.
Le Mage a vu son pouvoir : il l’emploie. L’incohérence des fantômes, la diversité des intérêts et des choses, naguère, l’angoissait ; mais c’était la résistance du Néant à l’Idée créatrice ; et le Mage la brise. Il renonce à l’égoïsme, comme à une limite cruelle : il va, maintenant, mettre en ses œuvres l’Unité, ayant acquis le Charme de la vraie Science. Il va purifier son âme, la mêler à ce Non-Moi, qui est son âme, encore. Il laissera vivre les Cygnes, dans les grands lacs ; se blesser, n’est-ce point souffrir ? Il guérira le malade Amfortas ; se guérir, n’est-ce point jouir ? Et, par la Compassion sur le Monde, — sur lui-même, — il donnera, pleinement, à sa Création l’harmonie qui finira la Souffrance volontaire. Et le Mage sera Parsifal ; et le Gral divin, par lui regagné, sera la bienheureuse joie de l’Orgueil, l’Apparence enfin recréée.
Mais le Mage charmeur fera plus. Il peut toute chose, et, cherche, sans arrêt, l’agrandissement de soi-même. Il renoncera au Monde des Apparences actuelles, même revêtues de l’Unité parfaite. Il changera son habitude de créer, et, au dessus de l’Univers présent, il bâtira un Univers nouveau, jouissant ainsi, plus éperdument, puisqu’il se connaîtra, sans limites, l’auteur unique de cet Univers. Et ce sera l’artiste, l’extraordinaire Ménétrier, qui retient et gouverne la danse idéale des choses, et reste sous elles, ferme et fier, tout entier, dans la complète science de son pouvoir complet. Et le Mage sera Beethoven, éclairant son tableau de l’Apparence à la Lumière intérieure de son Univers, univers profond où gît l’Être réel des choses : Beethoven créant, en pleine conscience, les forêts et les couples, et le torrentueux Océan des émotions humaines ; Beethoven, pénétré d’un indicible Contentement, à la vue de sa puissance, souriant à l’Illusion qu’il a créée, reprenant, pour se jouer, en charmeur, avec elle, toute la Douleur de l’Etre. Il est Beethoven, et le Vinci, et Racine, et Tolstoï, et Wagner, il les est, le Mage Divin.
Fichte, sinon Schopenhauer, dira-t-on ? — Le Moi créateur est le moi réel, individuel, non l’Absolu Noumêne du grand poète Kantien. — Non Fichte, mais Platon, identifiant le νοῦς à l’Idée créatrice. Mais plus encore : la Vérité même, nécessaire, directe et merveilleuse.
Ainsi le Maître, partant de Schopenhauer, s’élève, par la réflexion bénie, à un optimisme philosophique radieux. Cette ascension fut-elle par lui nettement perçue, et l’explication que nous en donnons, l’aurait-il approuvée ? Cela n’importe, en vérité. Et si Wagner a cru, plus modeste que son maître, reprendre seulement la doctrine de Schopenhauer, qui de nous le pourra blâmer de n’avoir point compris les Parerga ?
Il a dit, le Révélateur, il a dit la Réalité des choses. Si les personnages de ses drames sont des souffrants, c’est qu’il était, aussi, le contemporain affiné de nos pessimisme* ; il a, joyeusement, créé le monde nouveau de l’émotion artistique ; et il a créé l’émotion douloureuse, parce qu’il la trouvait plus réelle, et vivait, la créant, plus joyeux. Il nous a donné le moyen de réaliser le plus grand bonheur, par la Compassion, si nous conservons l’Apparence actuelle ; et, si nous lui renonçons, par l’Apparence supérieure de la Production artistique.
En 1830, lorsque Chopin, et Berlioz, et Hugo, clamaient la douleur de vivre et la vanité d’agir, un Révélateur prodigieux, Stendhal, offrit aux âmes la salutaire vérité de son optimisme. Il montra le plaisir de l’énergie, de la lutte à sa nature, de l’orgueilleuse récréation de soi-même. Ainsi Wagner, aujourd’hui, dans ce pessimisme de tous les esprits « différents » nous apporte le Saint-Gral splendide de la consolante Vérité. Il nous incite à refaire, sans cesse, activement, notre création intérieure ; à compâtir, à mettre en ce monde l’unité, et notre vie dans un monde nouveau ; et il nous incite, le Maître Vénéré, à souffrir, à constater de cruelles énigmes, à courir vers la mort, puisqu’en ces tourments est, plus intense et plus divine, notre Joie.
Teodor de Wyzewa.
À propos de Sigurdbm
Depuis quelque temps, le courant de l’opinion, dans le monde musical, change et se transforme sensiblement. On a pu en voir déjà des signes caractéristiques aux concerts du dimanche, particulièrement aux concerts Lamoureux, où le public, de plus en plus assidu, a réellement progressé. Il serait, je le sais, peu conforme à la vérité d’en dire autant de celui de l’Académie Nationale de Musique, et cependant, il vient d’accueillir favorablement Sigurd, fait qui mérite bien une mention. À la répétition générale, la partition a été simplement allégée de son ouverture, de quelques passages importants, et l’on a, cela va de soi, conservé le ballet ; l’ouvrage se trouve ainsi mieux accommodé au goût parisien, et beaucoup d’habitués de la salle Garnier sont persuadés que Sigurd sera un grand succès. Plusieurs ont même cru devoir, en la circonstance, opposer le nom de M. Reyer à celui de Wagner, probablement dans le but d’être agréable au musicien français. Quoi qu’il en soit, si le succès de l’œuvre devait se confirmer à Paris, avec le même éclat qu’à Bruxelles, on ne pourrait qu’en féliciter les auteurs, car elle sort incontestablement de la moyenne habituelle. Mais que prouve le mot « succès » ? Manque-t-il d’ouvrages ayant eu du succès, et beaucoup, qu’on a définitivement oubliés ? d’autres ne se jouant jamais, vivant▶ pourtant toujours ? Que Sigurd fût classé dans cette catégorie, il ne se trouverait pas, je pense, en mauvaise compagnie ?
Et de fait, si nous voulions savoir la signification du mot dans l’acception très haute, très vaste, il nous suffirait de considérer la destinée des sublimes conceptions du Maître, écloses depuis Lohengrin, qui, seul, aux yeux de bien des gens, passe pour avoir « réussi ». Il est pourtant facile de se rendre compte de l’admiration, de l’enthousiasme toujours croissant que causent, depuis bientôt vingt ans, les œuvres naguère les plus discutées, même en Allemagne : on les y joue de plus en plus, et elles triomphent non seulement à Vienne, à Munich, à Berlin, mais encore dans quantité de petites villes possédant de vrais théâtres d’opéras, où elles sont aujourd’hui interprétées dans la perfection. On peut également s’assurer des progrès accomplis dans ce sens, en Angleterre, en Amérique, en Russie : le mois Wàgnérien nous a déjà édifiés sur ce point, et tout nous autorise à croire que notre dire, par la suite, se trouvera beaucoup plus amplement confirmé.
Tel n’est pas l’avis des propagateurs de nouvelles souvent trop fantaisistes. Que n’a-t-on pas dit contre les Maîtres Chanteurs, à Bruxelles ? Il est cependant avéré qu’ils y ont produit une sensation assez profonde pour que des milliers de personnes, n’ayant pu assister à l’une des seize représentations, données à une fin de saison, attendent la reprise de l’œuvre, l’année prochaine. Ceci ne nous empêche nullement de reconnaître que Sigurd a déjà parcouru une brillante carrière, et nous admettons même volontiers que c’est là un ouvrage de réel mérite. C’est précisément à ce titre que nous regrettons de le voir représenter aujourd’hui dans une salle si défectueuse, où il n’est possible de bien entendre de nulle part, l’acoustique laissant fort à désirer ; où beaucoup de places sont mauvaises ; où les premières sont spécialement affectées aux exhibitions de toilettes et aux conversations mondaines ; où l’orchestre, enfin, manque d’ensemble… et d’un chef pour le conduire. On peut s’en consoler. D’abord, il n’est nullement question de monter quelque chef-d’œuvre, comme Alceste, ou Fidelio, dans un milieu si défavorable, ces partitions passant, d’ailleurs, pour trop « assommantes ». Il est vrai qu’on se rattrappera encore de temps en temps en dénaturant, toujours avec le même cynisme, Don Juan et le Freyschutz. Mais les abonnés seront satisfaits ; ce qui est l’essentiel.
Je sais bien que ces vérités sont méconnues par quelques-uns. Raison de plus pour y insister. Et, puisque Sigurd nous en fournit l’occasion, rappelons encore que M. Reyer, « admirateur de Wagner », n’a pas craint de se mesurer avec un sujet que l’Auteur de la Tétralogie avait traité longtemps avant lui, ce que Victor Wilder a établi, une fois pour toutes et d’une façon irréfutable. Nous ne reviendrions pas sur ce fait si les adversaires de Richard Wagner n’avaient, pour un instant, attiré notre attention par leur enthousiasme tant soit peu factice ; car les voilà applaudissant les auteurs de Sigurd, et trouvant même le sujet « empoignant ». Il faudrait donc bien se garder de leur dire que les librettistes ont amoindri le Poëme de l’Anneau de Nibelung, au point d’en faire, à certains endroits, une véritable berquinade. C’est pourtant la stricte vérité : ainsi que l’on considère le réveil de Brunnhilde, l’une des meilleures scènes de la partition française, comme musique et comme livret, et celle sur laquelle elle semble avoir été calquée, c’est-à-dire cette resplendissante scène dernière de Siegfried ! Nous citerons encore si l’on veut, le duo, vanté avec raison, entre Brünnhilde et Gunther. Mais, là, surtout, évitons d’évoquer le souvenir écrasant du second acte du Crépuscule des Dieux, d’une beauté si sublime, si terrifiante ! Ces comparaisons sont fâcheuses, je le sais, mais le livret dont s’est servi M. Reyer, ne les provoque-t-il pas ? C’est pour cela que j’eusse préféré, je l’avoue, que Sigurd eût été traité en opérette-bouffe, ce qui au moins eût rendu inutile tout rapprochement.
Car, si l’on y songe, les auteurs de Sigurd ont pris une responsabilité assez lourde pour que le succès auquel ils s’attendent ne parvienne pas à les justifier. À cet égard, d’ailleurs, bien des critiques sérieuses leur avaient été faites depuis longtemps. On pouvait lire dans la Revue et Gazette Musicale, numéro du 6 avril 1873, au sujet du final du second acte de Sigurd, exécuté dans un concert : « D’après ce fragment, le poème nous paraît calqué sur celui de la Walkyrie de Richard Wagner, quoique l’épisode qui termine ce final, celui de la nacelle traînée par des cygnes, où se placent Brünnhilde, la Walkyrie, victime d’un enchantement, et son libérateur Sigurd, appartienne à Lohengrin. » Récemment, un compositeur tenant une plume de critique, trouvait, comme pour accentuer encore cette remarque, que certains passages rappelaient, même musicalement, Lohengrin. On ne pourrait dire, toutefois, que M. Reyer se soit positivement inspiré du Maître. C’est déjà trop que les librettistes aient semblé copier leur livret sur les scènes principales de la Tétralogie, du commencement au dénoument. Et dans ce dénoument de Sigurd, combien paraît froide la situation, en dépit de quelques paroles bien déclamées, comme celles de la Walkyrie : « Terre, engloutis-moi ! » auprès du monologue grandiose de Brünnhilde, dans la Tétralogie, alors que le drame à son apogée, éclate en une intensité pleine d’allégresse, et évoque, comme la fin de Tristan, la vision d’une transfiguration radieuse, produite par cet optimisme pur qui s’appelle foi et amour, et surgie des profondeurs même de l’âme humaine ! Mais ce sont de telles conceptions qu’on se plaît le plus à attaquer. Et c’est pour cela, peut-être aussi, qu’il convient de replacer, au rang élevé qui lui appartient, un sublime chef-d’œuvre. Ne comparaît-on pas, dernièrement encore, le Poème de la Tétralogie, à la Biche au Bois ? Sans doute ; et l’on peut trouver aussi quelque analogie entre l’Iliade et les paroles de l’air de Malbrough. Mais pour les détracteurs du Maître, toute arme paraît bonne. Lorsqu’ils font des réserves sur Sigurd, c’est plus Richard Wagner que M. Reyer qu’elles visent ; il n’en faut pas douter. On trouve un nouvel exemple dans les leitmotive qui, pour eux, sont admissibles, — mais seulement dans Sigurd. Dans un autre ordre d’idées, les jets de vapeur sont considérés comme un effet pitoyable, alors qu’ils fonctionnent admirablement et sans bruit, comme on l’a pu voir depuis 1869 à Munich. Si, au contraire, cet effet de scène produit un bruissement désagréable, ce qui a lieu dans Sigurd, l’impression est « saisissante. »
Qu’importe, après tout ! Ces détails sont insignifiants, et il est préférable de prendre les choses de plus haut. En résumé, pourquoi ne pas voir, dans les représentations de Sigurd, un signe précurseur ? au fond, une sorte d’hommage inconscient au Maître immortel ? J’insiste sur ce fait : ne peut-on distinguer déjà le travail de transformation qui, avec l’aide du temps, ce justicier par excellence, s’opère chez les esprits les plus rebelles ? Tout porte à croire que, dans ce sens, une ère nouvelle se prépare.
Parsifal, « le miracle », comme l’appelle éloquemment l’illustre compositeur Franz Liszt, ne doit être représenté qu’à Bayreuth, dans le Temple même de l’Art. Mais, après Lohengrin et les Maîtres, Tristan, l’Or du Rhin, la Walkyrie, Siegfried et le Crépuscule des Dieux, seront représentés à Paris. Et avec quel sentiment de profonde reconnaissance ne faut-il pas envisager cet avenir, fût-il encore lointain, puisque ces œuvres sublimes ne seront, ne pourront jamais être données au grand opéra ; car de telles représentations n’auront lieu qu’avec une interprétation digne d’elles ; devant un public enfin éclairé ; dans une salle et dans un cadre vraiment à leur hauteur.
J. de Brayer.
Le symbole de Lohengrin
« Lorsque j’entrepris la composition de Lohengrin, dit Wagner dans une Communication a mes amis31, j’étais devenu conscient de ma solitude, à tel point que le sentiment que j’en avais, pouvait seul m’exciter à me communiquer et m’en donner le pouvoir. » Pour que la certitude de ne pouvoir faire comprendre ses œuvres, le déterminât à en composer une nouvelle, il fallait en vérité qu’il fût dans une disposition d’esprit étrangement romanesque. Il en était ainsi. Quand il avait conçu Tannhaeuser il était mû par le désir de s’élever aussi haut que possible, au-dessus de la réalité, qui, dans le monde où il vivait, ne lui apparaissait que sous un aspect frivole et rebutant. L’idéal vers lequel il avait tendu était la pureté, la chasteté absolue. Ainsi, il était parvenu dans des sphères éthérées, où il avait éprouvé d’abord une jouissance analogue à celle qu’on ressent, lorsque, sur une haute cime alpestre, seul, au milieu de l’étendue azurée, on contemple les monts et les vallées. Le penseur peut rester à de telles hauteurs, il peut s’y condenser en une « monumentale statue de glace », et juger, en philosophe et en critique, le monde qui est bien au-dessous de lui, mais qui est chaud, et vit. Il n’en pouvait être, ainsi pour Wagner, car il était artiste, c’est-à-dire le plus homme des hommes. Ce qui l’avait poussé à fuir le monde, ce n’était certainement pas l’horreur de la réalité, l’horreur de la vie. Non ; c’était le dégoût d’une réalité faussée, d’une vie corrompue et artificielle. Au fond c’était le besoin d’aimer dont son âme était remplie. Ne pouvant trouver un objet digne de lui en un cloaque, instinctivement il avait tendu vers la lumière. Mais quelque azurées, quelque radieuses que fussent les sphères où il était ainsi parvenu, du moment qu’elles étaient désertes, il ne pouvait pas s’y complaire. À peine en eut-il joui, qu’un désir s’éveilla en lui, indiciblement pressant : « celui d’échapper à l’éclat éblouissant de la pureté absolue » et de descendre là où habitent les hommes pour chercher « l’ombre intime d’une étreinte amoureuse. » Son œil anxieux, dit-il, avait encore découvert la femme : « la femme à laquelle du gouffre de sa mer de souffrance aspirait le Hollandais32 » ; la femme, étoile du ciel, dont le rayonnement, parvenant jusque dans la grotte du Venusberg, avait enseigné à Tannhaeuser le chemin des sphères éthérées, et qui, maintenant, des hauteurs radieuses, attirait Lohengrin sur le sein chaud de la terre.
« Lohengrin cherchait la femme qui crut en lui : qui ne lui demandât pas qui il était, ni d’où il venait, mais qui l’aimât comme il était, et parce qu’il était tel qu’il lui paraissait. Il cherchait la femme, près de laquelle il n’eût pas besoin de s’expliquer, ni de se justifier, mais qui l’aimat sans condition. Pour cela, il fallait qu’il cachât la supériorité de sa nature, ou pour parler plus exactement, la supériorité à laquelle elle était parvenue ; car là était pour lui la seule garantie, qu’il n’était point un objet de surprise et d’admiration, un être auquel on rend hommage et qu’on adore parce qu’on ne le comprend pas, mais qu’il avait obtenu la seule chose qui pût le délivrer de son isolement : qu’il était aimé et compris par amour. Avec son sens supérieur, sa conscience clairvoyante et tout son savoir il ne voulait être rien autre chose que pleinement et complètement un homme, un homme capable de sentir et d’éveiller des impressions chaleureuses. Oh oui, il ne voulait être qu’un homme, pas un Dieu. Ainsi, il désirait la femme. Quand au-dessous de lui, au milieu de l’humanité il entend le cri de détresse de cette femme, il descend donc de sa solitude délicieuse, mais déserte. Malheureusement la supériorité qu’il a acquise l’a marqué d’un trait indélébile ; il ne peut pas ne pas paraître merveilleux. L’étonnement de la multitude, le venin de l’envie jettent leurs ombres jusque dans le cœur de la femme aimante ; le doute et la jalousie lui prouvent qu’il ne peut pas être compris, mais seulement adoré, alors il avoue sa divinité, et retourne anéanti dans sa solitude. »
Wagner allait entreprendre l’exécution définitive de Lohengrin, quand des doutes lui furent suggérés sur cette conception qui le passionnait. Il avait soumis son scénario à un ami, dont il mettait très haut, dit-il, l’esprit et les connaissances. Celui-ci, après avoir réfléchi pendant quelques jours, lui dit : « Vous voulez avoir mon sentiment : eh bien, en toute franchise votre Lohengrin me paraît un personnage très peu sympathique. Il est venu jeter le trouble dans le cœur d’une jeune fille, et parce que celle-ci, avant de s’abandonner, veut savoir à qui elle se donne, il lui tourne le dos pour retourner jouir tranquillement de sa divinité ! Mais c’est un froid égoïste, qui ne peut que blesser le sentiment et inspirer de l’aversion. » Wagner fut bouleversé de cette critique. Il se décida à modifier son poëme, de telle façon que Lohengrin, au lieu d’abandonner Elsa, renonçât pour l’amour d’elle à sa divinité. Mais c’était à contre cœur qu’il adoptait cette conclusion nouvelle. À la fin jetant sa plume, il s’écria : « Eh bien, non ! il n’en peut pas être ainsi. Du moment qu’Elsa exige que Lohengrin lui explique sa nature, il ne peut pas rester près d’elle. À partir de ce moment il en est séparé par une nécessité inéluctable : celle qui rend impossible l’union d’un être divin avec une simple femme, dès que celle-ci cesse d’obéir à l’impulsion de son cœur, qui seule peut l’élever jusqu’à lui. Si l’on déclare Lohengrin égoïste, cela montre simplement qu’on ne le comprend pas. On donne de sa conduite une explication que rien n’autorise. On dit qu’il abandonne Elsa parce qu’il tient à sa divinité et ne veut pas la perdre. Cela est inexact : il s’en va parce que, du moment que la jeune fille a échappé à l’enchantement de sa personne, en réalité il n’existe plus pour elle ! » S’étant ainsi confirmé dans son propre sentiment, Wagner se remit à discuter avec son ami, et avec plusieurs autres qui avaient également condamné Lohengrin. Non seulement il les convainquit, mais il put leur démontrer que leurs critiques mêmes étaient une preuve en faveur de sa conception première. Ce qui lui valut ce triomphe, c’est que ses amis lui avouèrent que tout d’abord Lohengrin les avait charmés, et que c’était ensuite, en y réfléchissant, qu’ils étaient arrivés à le juger d’une façon défavorable. « Ainsi, leur dit Wagner, le sens de mon poëme s’est évanoui à vos yeux, dès que, cessant de vous abandonner à l’impression première, vous l’avez critiqué. Vous voyez donc bien que Lohengrin doit disparaître dès qu’Elsa lui demande « qui es-tu ? d’où viens-tu ? » En vérité, il est comme l’œuvre d’art elle-même qui ne peut pas être comprise avec la tête, mais seulement avec la sensibilité, avec le cœur. »
Lohengrin n’est donc au fond rien autre chose que la protestation du sentiment artistique contre un monde sans naïveté, qui à force de vouloir expliquer tout, arrive à ne pas pouvoir comprendre ce qu’il y a de meilleur dans la vie. L’intelligence est certainement un instrument merveilleux, mais c’est seulement un instrument, qui ne fonctionnerait pas, si la partie sensitive, c’est-à-dire vraiment ◀vivante▶ de notre être, ne lui fournissait pas le mouvement et les matériaux. En vérité, l’intelligencebn ne peut que comparer et ranger par catégories, les objets perçus par la sensibilité. Comment jugerait-elle un fait nouveau ! Elle ne peut que le placer dans une des catégories, qu’elle a formées avec les données résultant des impressions ressenties antérieurement, et déclarer qu’il s’y adapte mal. Cela ne prouve aucunement que cet objet sans antécédent, ne soit pas digne d’inaugurer une catégorie nouvelle. Un fait absolument nouveau ne peut donc être jugé que par la sensibilité elle-même, qui seule prononce sans intermédiaire, sous l’action immédiate de l’impression bonne ou mauvaise, c’est-à-dire des gradations et des nuances du plaisir et de la douleur. Quiconque ne s’en tiendra pas là n’y comprendra rien. Ainsi, quiconque voudra juger Lohengrin avec son intelligence devra le ranger dans la catégorie des poëmes romantico-chrétiens. C’est dire qu’il n’en saisira que le côté extérieur et accessoire, mais point certainement le fond, puisque, tant que Wagner n’y avait vu qu’un sujet de cette nature, il s’en était senti éloigné. « En vérité, dit-il, Lohengrin est une apparition entièrement nouvelle ; elle ne pouvait surgir en aucun autre temps que celui-ci, et seulement des dispositions d’esprit et de l’intuition que pouvait avoir de la vie, un artiste, qui, s’étant trouvé précisément dans ma position, en fût arrivé au point de son développement où j’en étais du mien, quand ce sujet m’apparut, comme la tâche nécessaire qui s’imposait à moi ». En effet, il conçut Lohengrin au moment même, où, après avoir cruellement souffert de n’être pas aimé, de n’être pas compris, il se rendit compte qu’il en était ainsi, parce que ses œuvres étaient nouvelles, parce qu’elles ne rentraient pas dans la catégorie des opéras, et que le public, les y plaçant bon gré mal gré, y cherchait des airs, des duos, des trios, au lieu de se laisser aller aux impressions qui lui eût certainement fait éprouver la fusion intime de la musique et de la poésie si une idée préconçue ne s’y fût opposée.
Si plus que nul autre, Wagner avait senti ce qu’il y a de tragique dans la situation de Lohengrin, tous les artistes de génie, qui vivent et ont vécu dans une société aussi peu naïve que la nôtre, en ont souffert plus ou moins. L’œuvre d’art originale n’est autre chose que le contre-coup de ce qu’il y a de nouveau dans le présent, sur une organisation particulièrement délicate. C’est donc toujours avec la sensibilité pure qu’elle doit être jugée. Voilà pourquoi Wagner se croit en droit d’affirmer que la donnée ce Lohengrin repose sur ce qu’il y a de vraiment tragique dans la situation de l’artiste, à une époque comme celle-ci, où tout est régi par la mode et l’esprit critique. Quand on considère l’attitude du public envers lui, envers Berlioz, envers tous les grands artistes enfin, il est difficile de ne pas lui donner raison sur ce point. Mais il ne s’en tient pas là, il va jusqu’à dire que Lohengrin a une signification comparable pour nous, à celle qu’avait pour les Grecs Antigone, au moment où le génie de Sophocle conçut cette tragédie. Ceci revient à dire que Lohengrin n’est pas seulement la tragédie de l’artiste, mais qu’elle est aussi celle de l’homme moderne en général. En effet l’artiste n’est rien autre chose que l’homme en qui les conflits, dont le champ est l’humanité toute entière, se manifestent avec le plus de force. On peut le comparer aux endroits élevés qui commandent une vaste contrée, où se déploient deux armées. C’est là que le combat sera le plus vif, car là est la clé de la victoire. Eh bien, tout le monde sait qu’après un long développement purement intellectuel, pendant lequel l’homme a travaillé sans relâche à se construire un monde artificiel, il a fini par en sentir la sécheresse et la fausseté. De là la réaction qui a commencé à se produire au siècle dernier : de là Rousseau : de là l’aspiration à la nature et le débordement de la sensibilité si longtemps contenue ; de là le grand essor de la musique, cette expression pure du sentiment, cette langue naturelle de l’homme ; de là enfin la révolution et la crise de la morale, ou plutôt d’une morale imaginaire et fausse. Mais ce n’est pas en un jour, ni même en un siècle, que s’établit une conception nouvelle de la vie. Nous sommes donc dans une période de transition et deux mondes sont aujourd’hui en présence : le monde ancien, qui repose sur nos traditions, sur nos habitudes et en vérité sur ce que nous avons appris ; le monde nouveau qui naît spontanément de notre intuition particulière. Mais le premier est encore le plus fort, car il s’appuie sur des bases connues et par conséquent certaines, tandis que le second n’est encore qu’une apparition lumineuse qui n’a, pour nous convaincre, que le charme qu’elle exerce sur notre âme. Elle vivrait pourtant si nous nous y abandonnions. Mais, nous sommes gens avisés, nous voulons la juger avec notre intelligence. Alors, elle s’évanouit à nos yeux, comme une vaine chimère. Voilà pourquoi Lohengrin, ce héraut de l’avenir, qui veut être deviné par le sentiment, est aussi peu compris de nous que ne le fut des Grecs Antigone, quand, aux lois de leur cité, elle opposait celles du cœur humain.
Georges Noufflard
Bayreuth33 (Suite)
3° Les Cercles Wagneriens. — Le 1er juin 1871, un fervent ami de Richard Wagner, M. Carl Heckel, de Mannheim, avait réuni, dans sa ville, une société de Wagnéristes, qui s’appela « Wagner-Verein », et fut le premier cercle Wagnérien.
L’exemple fut assidûment suivi. Le pianiste Tausig, avec M. Carl Heckel, se signala dans ce mouvement. Munich, dès 1871, et, en 1872, Mayence, Dresde, Buda-Pesth, Bruxelles, Bayreuth, Cologne, Darmstadt, Ratisbonne, New-York, Prague, Vienne, Berlin eurent leurs cercles Wagnériens ; puis, successivement, toutes les principales villes, et jusque des bourgades. Quelques villes, même, comme Vienne et Berlin, en eurent plusieurs, des Sociétés Académiques Wagner, des Unions Wagnériennes.
Les cercles Wagnériens restèrent indépendants les uns des autres ; leur influence n’en fut pas moins grande : ils aidèrent à la diffusion des idées Wagnériennes, et, par l’agitation qu’ils instituèrent, ils contribuèrent, puissamment, à exalter le nom de Richard Wagner, et, suivant ses projets, ils servirent, efficacement, au succès de l’entreprise de Bayreuth.
C’est encore aux cercles Wagnériens, qui existent toujours, isolément, dans leurs villes, qu’on dut, en 1883, l’établissement définitif de l’Association Wagnérienne Universelle.
4° L’Association. — L’Assemblée générale de Nuremberg décida, en effet, qu’en une seule grande association seraient réunies toutes les forces isolées de la famille Wagnérienne. Les statuts furent élaborés selon le projet des délégués Viennois, dont le rôle fut important, en cette Assemblée : ce fut la cohésion et l’élargissement des institutions Wagnériennes, depuis 1871, une sorte de nouveau patronat, plus large, plus complet. Les trois assemblées générales, tenues, depuis lors, le 29 juillet 1883 et le 22 juillet 1884, à Bayreuth, et, le 10 avril 1885, à Munich, fixèrent, — définitivement, — le caractère de cette association qui, aujourd’hui, est en pleine vigueur.
L’Association Wagnérienne a pour objet, premièrement, réunir en une œuvre commune tous les Wagnéristes ; secondement, propager et développer les idées Wagnériennes ; enfin, assurer le maintien perpétuel des Représentations-modèles de Bayreuth.
L’Association, d’abord, est largement ouverte ; les conditions d’admission ont été rendues aussi faciles que possible ; les membres de l’association paient une cotisation annuelle de cinq francs. Des ressources pécuniaires étant nécessaires à l’Association, elle a préféré les obtenir du concours d’un grand nombre d’adhérents, donnant chacun, une somme minime, à laquelle ils peuvent joindre, d’ailleurs, des donations particulières.
Ensuite, la propagation des idées Wagnériennes est faite, en tous pays, par les membres de l’Association, encouragés par l’Association, avec une égale libéralité. Des cercles Wagnériens, et des publications Wagnériennes, puis des exécutions fragmentaires ou totales des œuvres du Maître, des conférences sont organisées pour répandre cette agitation, grâce à laquelle le nom du Maître est mieux connu, et son œuvre mieux étudiée, mieux comprise.
Enfin, si l’union spirituelle des Wagnéristes est par le fait même de l’Association, et si, à la propagande Wagnérienne, de notables efforts sont consacrés, l’objet le plus marqué de l’Association est le maintien des Représentations de Fête. L’appui de l’Association à l’entreprise de Bayreuth est, d’abord, un appui moral, considérable : mais il sera, aussi, un appui matériel. En effet, l’Association vient d’établir, le 10 avril 1885, le premier essai d’une institution spéciale, et qui sera, plus tard, nécessairement, agrandie et perfectionnée, le Richard Wagner Stiftung, — la Fondation Richard Wagner. La Fondation, exclusivement consacrée au maintien de l’œuvre de Bayreuth, est composée d’un capital dû, en partie, aux revenus de l’Association (60 % des revenus totaux annuels), et, en partie, à des donations particulières. Les revenus de la Fondation sont répartis, deux cinquièmes à l’acquisition de places aux Représentations, devant être données, un cinquième à des bourses de voyages à Bayreuth, et le reste à un fonds de réserve. La Fondation est administrée par un comité, comprenant le représentant de la famille Wagner, le maire de Bayreuth, le président de l’Association, et quelques délégués. Déjà, d’ailleurs, des bourses de voyages et des places aux Représentations de Bayreuth, ont été données, en 1883 et en 1884, spécialement par l’Association, à des artistes et amateurs, de toutes les nations.
C’est donc, toujours, Bayreuth qui est le centre du Wagnérisme, et l’œuvre de Bayreuth, faite la plus large et la plus universelle, — le but dernier de tous les efforts.
L’Association, pour la facilité des relations, se subdivise en agences locales et en comités locaux, et tient, comme il a été dit, des assemblées générales, annuelles. Elle est dirigée par un comité central de neuf membres, élus par l’assemblée générale. Son siège est, actuellement, à Munich ; le président honoraire est Liszt ; et les membres du Comité sont : le baron d’Ostini et le comte de Sporck, présidents ; MM. Sachs et Porges, secrétaires ; Schmid, trésorier ; et H. Lévi, chef d’orchestre de Munich, Merz, le baron de Wolzogen, Fischer, de Schmaedel, et Seitz. Le représentant à Paris est M. H. S. Chamberlain, à Bruxelles M. H. La Fontaine, à Londres M. B. L. Mosely.
En Décembre 1884, après un an et demi d’existence, l’Association Wagnérienne était représentée dans quatre cents villes, et avait, environ, cinq mille membres disséminés par toutes les parties de la terre.
5° 1883-1886. — Les Fêtes de Bayreuth ont été continuées, après la mort du Maître, selon le vœu de la famille, grâce à l’énergie et au dévoument de leur administrateur, M. Adolphe Gross, l’exécuteur testamentaire de Wagner, qui, après avoir été pour lui l’ami pratique, indispensable et sûr, a su, après sa mort, vaincre toutes difficultés, et a rendu les Représentations de 1883 et de 1884 plus parfaites encore que celles de 1882.
Parsifal fut représenté douze fois, du 18 au 30 juillet 1883, et dix fois, du 21 juillet au 8 août 1884. L’interprétation était, à peu près, la même ; mais les principaux rôles n’étaient plus distribués qu’en double. La mise en scène avait été très améliorée. Le prix des places fut diminué de trente marks à vingt. Quant au succès, il fut chaque année, plus marqué.
Ces Représentations seront suivies, en l’été de 1886, par la reprise des Représentations de Parsifal et l’inauguration, au Théâtre de Fête, des Représentations de Tristan et Isolde.
L’histoire résumée de l’œuvre de Bayreuth étant arrivée à sa fin, il reste à rapprocher de l’œuvre exécutée, l’œuvre rêvée par Richard Wagner ; à examiner ce qui a et ce qui n’a pas été fait, et ce qui pouvait ou ne pouvait pas l’être ; — à voir comment l’œuvre actuelle réalise l’idée du Maître.
Beethoven par Richard Wagner (Suite)
Si nous revoyons en arrière le progrès artistique que la musique a fait par Beethoven, nous pourrons faire surtout consister ce progrès en ce que Beethoven a donné à la musique une propriété que l’on croyait devoir, auparavant, lui refuser ; et cette propriété, acquise, a conduit la musique bien loin au-dessus du pur service de la beauté esthétique, jusque dans la sphère du Très-Haut ; et dans cette sphère, l’art des sons devait être, enfin, délivré de tout enchaînement sous les formes traditionnelles ou conventionnelles, délivré au moyen d’une pénétration et animation complète de ces formes par le génie le plus intime de la musique.
Ce gain se manifeste, aussitôt, pour toute âme humaine, dans le caractère spécial donné par Beethoven à la forme essentielle de toute musique : la Mélodie. À la mélodie, il regagne la plus haute simplicité naturelle ; il lui rend la source où, en toute époque et toute tentative, elle se pourra renouveler et approcher au type de l’expression humaine le plus pur et le plus riche. Et nous pouvons expliquer ce progrès par une notion claire à tous : Beethoven a arraché la musique à l’influence de la mode et du goût changeants, pour l’élever à un type d’éternelle valeur, purement humainbo. Aussi la musique de Beethoven sera-t-elle comprise en toutes les époques, tandis que la musique de ses prédécesseurs nous demeurera, pour la plupart, compréhensible, seulement, par l’intermédiaire d’une réflexion historique.
Beethoven a encore, délivré la musique en rendant aux compositions chorales religieuses leur caractère élevé, que Sébastien Bach avait apporté, et qui avait disparu, bientôt, sous l’universelle invasion, dans l’Art, de la mélodie italienne. Cependant la plus insigne création religieuse de Beethoven, la Messe Solennelle, n’est, encore, qu’une magnifique symphonie. Les voix y jouent le rôle d’instruments humains, le texte sert, seulement, à revêtir les morceaux d’un caractère religieux plus défini. Toujours ce défaut général, l’indépendance de la musique par rapport au texte parlé ; elle supprime, en réalité, la valeur de ce texte, dans ces œuvres de chant, mais, surtout dans l’Opéra.
Les considérations précédentes nous ont rendu assez familier le tempérament spécial de Beethoven pour que nous comprenions aisément ses goûts au sujet de l’opéra, et cette aversion qui le portait à refuser, avant tout, la composition d’un opéra sur un livret de tendances frivoles. Ballets, parades, feux d’artifice, chaudes intrigues amoureuses, etc, faire, pour ces choses, une musique, il détournait de lui une telle idée, avec horreur. Sa musique était à exprimer, pleinement, une action entière, pénétrée de noble émotion et de hautes douleurs. Mais quel poète, en une telle tâche, eut pu lui donner aide ? Il tenta l’œuvre, cependant, une fois. Il se trouva en contact avec une situation dramatique qui, du moins, ne contenait point cette frivolité, tant haïe, et qui, aussi, par le triomphe de la fidélité féminine, répondait bien au dogme principal du Maître sur l’Humanité. Et, pourtant, dans ce sujet d’opéra, tant de choses étaient, étrangères à la musique, incapables d’y être assimilées, que, vraiment, la grande Ouverture de Léonore nous peut, seule, clairement, faire voir comment Beethoven comprenait le drame. Qui pourrait entendre cette œuvre musicale admirable sans être, persuadé de ce que la musique de l’Ouverture enferme, déjà, le drame entier ? Et toute l’action dramatique que tient le livret de l’opéra Léonore, qu’est-elle, sinon une répétition affaiblie du Drame vécu dans l’Ouverture, quelque chose pareille à l’interminable commentaire explicatif d’un Gervinus sur une scène de Shakespeare ?
La vérité qui résulte, pour nous, de ce sentiment, ne nous sera complètement et clairement évidente, que si nous revenons à l’explication philosophique de la Musique même.
La Musique qui ne représente pas les Idées contenues dans l’Apparence du Monde, mais qui, au contraire, est, elle-même, une Idée du Monde, et une Idée toute générale, enferme en elle, déjà, le Drame entier, de même que le Drame à son tour, peut, seul, exprimer l’Idée du Monde adéquate à la Musique. Le Drame dépasse les limites de la Poésie, de la même façon dont la Musique dépasse celles de tous les autres arts, notamment des arts plastiques : tous deux ont leur action, seulement, dans les régions très élevées de l’âme. Ainsi que le Drame ne cherche pas à peindre, par une description, le caractère humain, mais laisse ce caractère se représenter, immédiatement, lui-même, devant nous ; ainsi la Musique, au moyen de ses motifs, nous donne le Caractère de toutes les Apparences de l’Univers, dans leur essence et leur Moi le plus intime. Et non seulement la formation, la direction, et la modification de ces motifs est comparable à la création du Drame, mais encore le Drame qui représente les Idées, ne peut, en vérité, être clairement compris sans le secours de ces motifs musicaux, ainsi formés, dirigés, modifiés. Nous pouvons donc dire — et ne point craindre une erreur, — que la musique exprime, avant toute chose, une tendance à priori de l’homme à créer le Drame, de même que nous construisons le Monde de l’Apparence en appliquant aux phénomènes les lois à priori de l’Espace et du Temps, dont nous avons, en notre cerveau, le germe inné. De même encore, cette représentation consciente de l’Idée du Monde dans le Drame semble être faite au moyen de cette loi intérieure de Musique, qui agit, mais inconsciente, chez le Dramaturge, à la façon de cette loi, d’ailleurs inconsciente, de la Causalité, qui nous sert à l’Aperception du Monde de l’Apparence.
Tous les auteurs dramatiques ont, souvent sans une pleine conscience, compris ainsi le drame ; mais, au-dessus de tous, le plus extraordinaire, Shakespeare, qui n’a aucune ressemblante à ses devanciers, et qui nous donne, non le drame poétique ou une œuvre d’art, mais la représentation immédiate du monde.
Ainsi Shakespeare restait unique dans l’Art, et à tous autres incomparable, jusque ce que le génie allemand produisit, en Beethoven, un être qui ne pouvait être compris que, précisément, dans une comparaison avec Shakespeare. Si nous considérons, dans son impression totale la plus profonde, le monde si complexe des formes créées par Shakespeare, avec l’extraordinaire relief des caractères que ce monde contient et qui s’y meuvent ; puis si nous comparons à ce monde le monde, également complexe, des motifs de Beethoven, avec leur expression si poignante et leur extraordinaire précision ; nous sentirons, alors, que chacun de ces mondes recouvre l’autre, entièrement, de telle sorte que nous verrons chacun d’eux contenu dans l’autre, bien qu’ils paraissent se mouvoir en des sphères absolument différentes.
Pour éclaircir cette représentation, prenons, comme un exemple, l’ouverture de Coriolan, où Beethoven s’est trouvé, quant au sujet, en contact avec Shakespeare. Réunissons nos souvenirs sur l’impression que nous a produite ce personnage de Coriolan dans le Drame de Shakespeare ; et pour cela, dans tout le détail de l’action si complexe, prenons d’abord, seulement, ce qui nous a fait impression par rapport à ce personnage principal. Une seule chose nous restera dans l’esprit, dominant le tumulte du Drame : la figure de ce farouche Coriolan dont la fierté est en lutte avec la voix intérieure de sa conscience, voix qu’appuie, plus haut encore et plus puissamment, la propre Mère de Coriolan ; et, de tout le développement dramatique, une seule vision nous restera, la victoire de cette voix sur la fierté du héros, le brisement de la résistance d’une âme forte surnaturellement. Beethoven choisit, pour son drame, uniquement, ces deux motifs principaux qui, plus précisément que toute représentation par des concepts définis, nous fait sentir l’essence intérieure de ces deux caractères. Maintenant, si nous suivons avec attention la direction et le développement de ces motifs dans leur opposition mutuelle et dans leur caractère musical ; si nous laissons agir sur nous, pleinement, les détails purement musicaux constitués par les rapprochements, les séparations et les élévations de ces deux motifs ; nous suivrons, en même temps, un drame qui, dans son expression propre, contient tout ce que l’œuvre du dramaturge a pu nous donner seulement par le moyen d’une action complexe, et l’addition de personnages moins importants. Ce qui, dans le drame, nous apparut, immédiatement, au travers de l’action ◀vivante, nous le saisissons ici, et comme le fond très-intime de cette action : et les émotions sont également précises que nous produisent, dans le drame, la force naturelle des caractères, ici, les motifs du musicien recréant l’être profond agissant en ces caractères. Les sphères seules, diffèrent, où se meuvent, élargis, les héros, et les lois de leur mouvement.
Nous avons nommé la musique une Révélation du rêve rêvant l’essence du monde ; et Shakespeare nous semble, maintenant, vivre, dans la Veille, le Rêve de Beethoven. La différence des deux sphères où ils demeurent résulte, formellement, de la différence entre les lois de leur Aperception. Aussi, l’œuvre d’Art complet devrait s’élever sur le terrain de limite où ces lois se peuvent toucher. Shakespeare, d’inexplicable et incomparable manière, a fait ceci : les formes du drame, que les pièces du grand Caldéron, déjà, avaient données comme un art spécial, mais bien rude et grossier encore, il les a pénétrées d’une vie si profonde qu’elles nous apparaissent traduire, immédiatement, la Nature : il a placé devant nous des hommes réels, non plus des créations de l’art : et, cependant, ces hommes nous sont lointains, tellement que tout contact avec eux nous paraît impossible, impossible comme un contact avec les visions de fantômes. Or, Beethoven, au point de vue des lois formelles de son art, et de la pénétration libératrice qu’il leur a imprimée, est, entièrement, l’égal de Shakespeare.
Wagner expose la Théorie du Rêve ; il compare Shakespeare au Voyeur de Fantômes : mais Beethoven au Somnambule clairvoyant, qui, perçoit, sous les fantômes, le fond réel les produisant. Et il montre, ainsi, l’insuffisance de ces deux visions séparées, In nécessité de les joindre dans la formule définitive d’un Art complet.
Nous assistons à un véritable réveil, dans cette évolution de la musique instrumentale à la musique vocale, dans ce fait si mémorable, si précieux pour la théorie générale esthétique, et dont l’explication, au propos de la Neuvième symphonie de Beethoven, nous a conduit jusque cette recherche Ce que cette évolution nous signifie, maintenant, c’est une certaine surabondance, une tendance nécessaire et impérieuse pour s’épandre au dehors, comparable, entièrement, à l’effort pour s’éveiller d’un rêve angoissant et cruel : et la signification suprême pour le génie artistique de l’Humanité est que cet effort appelle, ici, une nouvelle forme d’activité artistique, donnant à ce génie une puissance nouvelle, l’aptitude à réaliser l’œuvre d’art dernière.
Et cette œuvre d’art, enfin, doit être, suivant nous, le Drame Complet, s’étendant bien au-delà du domaine de la pure Poésie. Ayant reconnu l’identité du drame chez Beethoven et Shakespeare, nous pouvons dire, encore, que ce drame complet devra être, par rapport à l’Opéra, ce qu’est à un Drame littéraire une pièce de Shakespeare, et une symphonie de Beethoven à une Musique d’Opéra.
Beethoven, dans le cours de sa Neuvième symphonie, est, simplement, revenu au formel Choral avec Chœurs et Orchestre : et cela ne nous a point trompé, dans notre jugement de cette mémorable évolution musicale : nous avons mesuré la signification de cette partie chorale de la symphonie, et nous avons reconnu qu’elle appartenait, exclusivement, au champ de la Musique ; sauf cet anoblissement — déjà exposé — de la Mélodie, l’œuvre de Beethoven ne nous offre, ici, nulle nouveauté formelle : elle est une Cantate avec un texte de paroles, et son rapport à la musique est le même que celui de tout autre texte chanté. Mais nous savons que jamais les vers d’un poète, pas même de Schiller et de Goethe, ne pourraient donner à la musique cette précision qu’elle demande ; seul peut la donner le Drame, et non point, certes, le poème dramatique, mais le Drame se mouvant réellement devant nos yeux, l’image devenue visible, de la Musique, où les mots et les discours appartiennent, seulement, à l’Action, non point à la Pensée poétique.
Ce n’est donc point l’œuvre réalisée de Beethoven, mais l’activité extraordinaire du musicien contenue en cette œuvre, qui doit être pour nous le point suprême du développement de son génie. Car nous avons vu que, pour être réalisée complètement, l’œuvre d’art formée par cette activité exigeait, aussi, la forme artistique complète, cette forme dans laquelle disparaissent, complètement, et pour le Drame, et pour la Musique, surtout, toutes les conventions adoptées. Ce serait assurément la seule forme artistique répondant à ce génie allemand si fortement individualisé en notre grand Beethoven, ce créateur d’une si générale humanité, et cependant si original ; ce serait cette forme nouvelle de l’art qu’avait, jadis, le monde ancien, et qui manque, jusque maintenant, au Monde nouveau.
(À finir)
Complément au Mois wagnérien de mai
CARLSRUHE
- Festival de musique sous la présidence de F. Liszt.
- 27 Mai Opéra : la Walküre (dit. F. Mottl ; MM. Oberlænder et Plank ; Mlles Belce et Mailhac).
- 28 Mai Concert : Marche impériale.
- 31 Mai Concert : Sc. fin. de Gœtterdæmmerung (Mlle Mailhac.)
- 3 Mai Opéra : La Walküre.
DESSAU
- 3 Mai Concert : Prél. de Parsifal ; Marche impériale.
GRATZ
- 6 Mai Cercle Wagnérien : 2e acte de Siegfried.
- 26 Mai Cercle Wagnérien : Confér. et concert Wagnérien.
KIEL
- 26 Mai Concert : Prél. des Maîtres ; le Vendredi-Saint ; Albumblatt.
HAMBOURG
- 31 Mai Opéra : 400e représent. de Lohengrin (clôture de la saison).
MARBOURG
- 23 Mai Soc. Académ. Wagn. : Confér. et Concert Wagnérien.
NAPLES
- Mai Concert : Prél. de Tristan.
RIGA
- 15 Mai Opéra : Le Hollandais Volant.
STUTTGART
- 14 Mai Opéra : Le Hollandais Volant.
- 17 Mai Opéra : La Walküre.
VIENNE
- 29 Mai Opéra : Lohengrin (M. Vogl et mad. Sucher).
- 31 Mai Opéra : Tannhæuser. (M. Vogl et mad. Sucher).
WARNSDORF
- 31 Mai Concert : 1er acte de Lohengrin.
WEIMAR
- 24 Mai Opéra : Tannhaeuser.
WIESBADEN
- 22 Mai Opéra : Lohengrin.
Mois wagnérien de juin
BADEN-BADEN
- 10 Juin Concert (dir. F. Mottl) : Ouv. de Faust ; prél. et fin. de Tristan ; Marche d’hommage ; air de concours des Maîtres, et Lieder (M. Oberlaender).
BERLIN
- 8 Juin Opéra : Les Maîtres Chanteurs.
- 10 Juin Opéra : Lohengrin.
DRESDE
- 6, 20 Juin Opéra : Le Rheingold.
- 7, 11, 21 Juin Opéra : La Walküre.
ÉDIMBOURG
- 2 Juin Concert des élèves de M. Waddel : Prière d’Elisabeth de Tannhaeuser (Mlle Noble).
GENÈVE
- 17 Juin Concert de l’Harm. naut. : Marche de Tannhæuser.
- 18 Juin Concert de l’Union instrum. : Fant. sur Lohengrin.
LEIPZIG
- 7 Juin Opéra : Tristan et Isolde.
- 21 Juin Concert de l’Orch. Philharm. de Berlin : Morceaux symphon. du prologue de Gœtterdæmmerung ; ouv. de Tannhæuser.
- 22 Juin Concert de l’Orch. Philharm. de Berlin : Ouv. des Maîtres Chanteurs.
- 23 Juin Concert de l’Orch. Philharm. de Berlin : Ouv. de Rienzi.
LONDRES
- 1erJuin Concert Richter : Duo du 1er acte de la Walküre (Mme Valleria et M. Lloyd).
- 3 Juin Concert Strauss : Duo du Hollandais.
- 5 Juin Cercle Wagnérien : Confér. sur Parsifal, par M. C. Dowdeswell.
- 8 Juin Concert Richter : Ouv. de Tannhæuser.
- 12 Juin Cercle Wagnérien : Confér. sur Wagner, par M. F. Praeger.
- 15 Juin Concert Richter : Sc. fin. de la Walküre ; discours de Pogner (M. Henschel).
- 22 Juin Concert Richter : Ouv. du Hollandais ; airs des Maitres Chanteurs (M. Lloyd).
- 23 Juin Cercle Wagnérien : Confér. sur Tristan et Isolde, par M. H. F. Frost, avec illustrations par M. J. S. Shedlock.
MILAN
- 21 Juin Concert : Introd. au 3e acte de Lohengrin.
- MUNICH
- 4 Juin Opéra : Lohengrin.
TROPPAU
- 17 Juin Concert (direct. Jahn) : 1er acte de la Walküre (M. Winkelmann ; Mme Kupfer-Berger.
VIENNE
- 5 Juin Opéra : Le Rheingold (M. Vogl).
- 7 Juin Opéra : La Walküre (M. Vogl ; Mme Sucher).
- 10 Juin Opéra : Siegfried (M. Vogl et Klafsky).
- 12 Juin Opéra : Gœtterdæmmerung (M. Vogl et Mme Sucher)
- (le 15 juin clôture de la saison).
Les concerts étant arrêtés, à Paris et en France, durant tout l’été, aucune audition wagnérienne ne paraît pouvoir être notée ; les œuvres de Wagner sont, pourtant, encore exécutées à Paris, et les deux faits Wagnériens suivants, montreront l’expansion sans cesse plus grande, parmi nous, de l’œuvre Wagnérienne :
- 21 juin : Inauguration du cabaret du Chat Noir : Romance de l’Etoile, par M. Landesque.
- 25 juin : Concert du Jardin d’Acclimatation : Andante et marche Nuptiale de Lohengrin.
Nouvelle publication
Les Lettres de Richard Wagner, bibliographie par M. Emerich Kastner34.
En attendant un recueil des lettres de Richard Wagner, M. Emerich Kastner en a publié la bibliographie ; comme la plupart d’entre elles ont été imprimées en des journaux ou en des revues, il est facile, maintenant, avec l’aide de cette bibliographie, de les retrouver : c’était, d’ailleurs, un indispensable travail qu’il ne fallait point reculer, sous peine de perdre avec le temps quelques-uns des renseignements que nous avons encore aujourd’hui.
Chacune des lettres de Richard Wagner (1830-1883) est, dans cette bibliographie de M. Kastner, rangée chronologiquement, avec l’indication des sources, le lieu et la date où elles ont été imprimées, et un sommaire des sujets qu’elles traitent. À la fin du volume se trouve une table alphabétique des correspondants du Maître, enrichie de quelques détails sur leur biographie et spécialement des dates de leur naissance, et — quelquefois — de leur mort…
Cette publication forme le premier fascicule du Wagneriana de M. Kastner ; le savant musicologue Wagnérien publiera incessamment une série de travaux bibliographiques sur l’œuvre de Richard Wagner. Les lettres de Rîchard Wagner, par le soin minutieux, la scrupuleuse exactitude avec laquelle elles ont été réunies, font apprécier, dès maintenant, quelle sera la haute valeur de cet ouvrage.
Correspondances
Bruxelles. — On annonce que le nouveau directeur du théâtre de la Monnaie n’a pas l’intention de reprendre, à la saison prochaine, les représentations des Maîtres, chanteurs. En revanche, il est question de monter la Valkyrie, traduite en français par M. Victor Wilder ; quelques personnes, bien informées, déclarent même la nouvelle certaine… Il serait bizarre alors que les Maîtres chanteurs, dont le succès a été considérable, fussent oubliés.
Munich. — Après les cycles Wagnériens qui ont été donnés, ce printemps, à Hambourg, à Brême, à Mannheim, et, tout récemment encore, à Vienne, la Tétralogie de l’Anneau du Nibelung sera représentée au théâtre de Munich pendant le mois de septembre, en même temps que quelques autres œuvres classiques et Wagnériennes. Les dates seront prochainement fixées.
L’analyse de la Revue de Bayreuth (Bayreuther-Blætter) sera publiée dans le numéro suivant.
FÉVRIER-JUILLET 1885
Revue Wagnérienne
Sommaires des six premiers numeros
I — 8 Février
1° Chronique de Janvier (Drame musical ou Opéra ; les Concerts ; le mouvement Wagnérien)35
2° Wagnérisme, par Fourcaud.
3° Tristan et Isolde, et la critique en 1860 et en 1865.
4° La Légende de Tristan, d’après les romans du Moyen-Age.
5° Mois Wagnérien ; la Revue de Bayreuth ; correspondances.
II — 14 Mars
1° Chronique (Tristan et lsolde ; les Maîtres Chanteurs).
2° Notes sur la théorie et l’œuvre Wagnériennes, par Catulle Mendes.
3° Les Maîtres Chanteurs, par Fourcàud.
4° Le Rituel des Maîtres Chanteurs (Wagner et Wagenseil), par Victor Wilder.
5° Mois Wagnérien ; la Revue de Bayreuth ; correspondances.
III — 8 Avril
1° Chronique (les Wagnéristes).
2° L’Ouverture de Tannhaeuser, paraphrase par J.K. Huysmans.
3° Les Œuvres théoriques de Richard Wagner, par Edouard Dujardin.
4° La Musique descriptive, par Teodor de Wyzewa.
5° Mois Wagnérien ; articles des journaux ; publications nouvelles ; la Revue de Bayreuth ; correspondances.
IV — 8 MAI
1° Chronique (Richard Wagner et le public ; l’œuvre de Bayreuth ; l’Association Wagnérienne).
2° La légende de Bayreuth, par le comte de Villiers de L’Isle Adam.
3° Beethoven, par Richard Wagner, (analysé et traduit par Teodor de Wysewa).
4 L’Evocation d’Erda, de Richard Wagner, traduite par Edouard Dujardin.
5° Mois Wagnérien ; articles de journaux ; publications nouvelles ; correspondances. L’Evocation d’Erda, lithographie de FANTIN-LATOUR.
V — 8 Juin
1° Chronique (Richard Wagner et Victor Hugo).
2° Le jeune prix de Rome et le vieux Wagnériste, entretien familier, par Catulle Mendès.
3° Bayreuth (histoire du théâtre de Richard Wagner à Bayreuth), par Edouard Dujardin, avec la vue intérieure du théâtre de Bayreuth.
4° Beethoven, par Richard Wagner (suite).
5° Peinture Wagnérienne : le Salon, par Teodor de Wyzewa.
6° Mois Wagnérien ; la Revue de Bayreuth ; Correspondances.
VI — 8 Juillet
1° Chronique (Lohengrin et les œuvres de Wagner à Paris ; les opéras et les drames de Wagner), par Édouard Dujardin.
2° Le Prélude de Lohengrin, paraphrase par Liszt, avec le Commentaire-Programme de Wagner, et l’Interprétation de Baudelaire.
3° Le Pessimisme de Richard Wagner, par Teodor de Wyzewa.
4° À propos de Sigurd. par J. de Brayer.
5° Le Symbole de Lohengrin, par Georges Noufflard.
6° Bayreuth (suite), l’Association Wagnérienne.
7° Beethoven, par Richard Wagner (suite).
8° Mois Wagnérien ; publications nouvelles ; correspondances.