(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 256-257
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 256-257

Sautel, [Pierre-Juste] Jésuite, né à Valence en Dauphiné, en 1613, mort à Tournon en 1662.

De tous les Poëtes Latins modernes, il est celui dont la versification approche le plus de celle d'Ovide. Le seul défaut qu'on puisse lui reprocher, est d'être encore plus diffus que son modele. Son génie heureux & facile, qui savoit se plier à tout, le rendit trop indulgent à lui-même ; il auroit dû se défier de la grande facilité, qui l'entraîne sans lui permettre ni le choix ni la correction ; de l'intempérance d'idées, qui s'appesantit sur un sujet & ne le quitte qu'après l'avoir épuisé. Il est un art de tout dire sans tout exprimer ; cet art est le grand moyen de plaire & d'attacher : le P. Sautel ne le connoissoit pas. L'Année sacrée n'est qu'un Recueil de pieuses Epigrammes sur toutes les Fêtes de l'année, où le Poëte ennuie le Lecteur par une fécondité à laquelle on préféreroit plus volontiers la sécheresse. Il en est de même de l'étonnant volume de Vers qu'il a eu le courage de composer sur la Madeleine.

Il s'en faut bien que son Recueil, connu sous le titre de Jeux poétiques, mérite les mêmes reproches ; aussi est-ce son meilleur Ouvrage. L'invention des sujets, les graces de la narration, la douceur du coloris, le choix des termes, l'aisance de la versification, forment de ces petits Poëmes autant de chef-d'œuvres. Dans le premier, dont le sujet est une Mouche qui se noye dans du lait, on est étonné de trouver réunis, sous un argument aussi mince, la variété des détails à la fraîcheur des peintures & à la délicatesse de la morale. Celui où il représente un essaim d'Abeilles distillant du miel dans le carquois de l'Amour, offre une des plus jolies allégories qu'on puisse opposer aux Anciens. On est en droit d'en dire autant de presque toutes les autres Pieces, & de reconnoître dans le Pere Sautel toutes les parties du Poëte agréable, si on en excepte la précision. Les jeunes gens peuvent le lire pour féconder leur imagination. Des idées riantes, des pensées délicates, des expressions pleines d'aisance & de douceur, sont propres à faire naître dans leur esprit cette aménité qui fait le charme du style. Ils doivent chercher ailleurs des modeles de goût & d'une sage sobriété.