LARUE, [Charles de] Jésuite, né à Paris en 1643, mort en 1725.
Dès sa jeunesse, les Belles-Lettres & la Poésie Latine & Françoise exercerent ses talens, qui présagerent des succès, & on peut dire qu’il en a eu de propres à le distinguer des Littérateurs & des Poëtes de Collége. Corneille ne crut pas s’abaisser en traduisant en Vers François son Poëme de Louis XIV, & fit l’éloge du jeune Poëte, lorsqu’il présenta sa Traduction au Roi. Le Monarque conçut dès lors la plus grande estime pour ce Jésuite, qui ne professoit encore que les Humanités.
La verve poétique du P. Larue se développa bien davantage dans des Tragédies Latines & Françoises. De ce dernier genre est celle de Sylla, honorée des éloges du grand Corneille. On dit que les Comédiens se préparoient à la jouer, lorsque l’Auteur, qui ne s’étoit jamais proposé de travailler pour eux, obtint un ordre pour en arrêter la représentation. Ses liaisons avec le Comédien Baron ont pu le faire soupçonner d’avoir un goût plus decidé pour le Théatre, que son état ne le permettoit : on étoit même persuadé, de son temps, comme on l’est encore aujourd’hui, que l’Andrienne & l’Homme à bonnes fortunes devoient beaucoup à ses talens. Que cette anecdote soit vraie ou fausse, il est certain que la maturité de l’âge dirigea les talens de ce Jésuite vers leur véritable objet. La carriere de la Chaire lui offrit un champ où il se fit une très-grande réputation, que ses Sermons imprimés justifient, quoiqu’ils aient perdu quantité de traits que l’imagination de l’Auteur enfantoit subitement dans la chaleur du debit.
Sans avoir la force & la solidité de Bourdaloue, le P. Larue a quelquefois plus d’élévation, & sa morale annonce un esprit aussi fin observateur, qu’heureux à trouver des expressions & des tours propres à rendre ses idées, & à les faire saisir par une vive impression. Cet Orateur est sur-tout frappant dans les Discours du Pécheur mourant, du Pécheur mort, & dans celui des Calamités publiques. Il est plus brillant, plus éloquent, plus soutenu dans ses Oraisons funebres. Celle du Maréchal de Luxembourg, celle du Duc & de la Duchesse de Bourgogne, dont le texte est aussi heureux que le sujet en étoit affligeant, seront toujours regardées comme un des plus beaux monumens de l’éloquence de la Chaire.
Nous ne parlons pas du Recueil de ses Poésies fugitives, dont Barbou a donné une édition magnifique, où les Connoisseurs trouvent plus d’esprit, de délicatesse & de sentiment, qu’il n’en faudroit pour faire une grande réputation à quiconque se seroit borné à ce seul genre.