Autran, Joseph (1813-1877)
[Bibliographie]
La Mer, poésies (1835). — Ludibria ventis (1838). — Italie et Semaine sainte à Rome, souvenirs (1841). — Milianah, poème (1842). — La Fille d’Eschyle, tragédie▶ (1848). — Les Poèmes de la mer (1852). — Laboureurs et soldats (1854). — La Vie rurale (1856). — Épîtres rustiques (1861). — Le poème des beaux jours (1862). — Le Cyclope (1863).
OPINION.
Armand de Pontmartin
On commençait à être las des drames de M. Hugo, qui étaient fous quand ils s’appelaient Ruy Blas et ennuyeux quand ils s’appelaient les Burgraves. Le moment était bien choisi pour se donner le plaisir d’une réaction, et l’on sait que dans tous les genres, les plus sérieux comme les plus frivoles, la France se refuse rarement ce plaisir-là. La réaction eut lieu ; M. Ponsard en fut le héros et Lucrèce le signal… J’eus, vers cette époque, l’honneur de rencontrer M. Autran. Préoccupé, comme moi, du succès de M. Ponsard, de la vogue de Mademoiselle Rachel, de cette vieille route longtemps abandonnée, qui semblait tout à coup se rouvrir, et dont le poteau indicateur était glorieusement relevé par un poète de talent et une actrice de génie, il m’avoua qu’il venait d’écrire, sous cette impression nouvelle, une ◀tragédie, moins que cela, une étude empruntée à un autre temps et à un autre ordre d’idées que Lucrèce, mais également inspirée par ce retour aux sources antiques, un moment taries ou troublées sous le souffle du romantisme. Cette confidence de M. Autran me causa, j’en conviens, quelque appréhension. Je ne croyais pas à celle réaction néo-classique, qui ne répondait à aucun instinct, à aucun besoin de notre siècle, et qui me paraissait tout simplement un caprice de lettrés. Je voyais avec peine un jeune poète, dont je pressentais le magnifique avenir, entrer dans cette voie où la première place était prise, et je me disais tout bas qu’il serait dur de ne s’appeler que Thomas Ponsard. La Fille d’Eschyle parut, et jamais doutes ne furent dissipés d’une façon plus victorieuse…
Alphonse de Lamartine
Autran, qui chante la mer comme un Phocéen et la campagne comme Hésiode.
Jules Barbey d’Aurevilly
Toute l’œuvre poétique de M. Autran n’est pas dans les deux volumes que nous signalons aujourd’hui : Laboureurs et soldats et Milianah ; elle est encore ailleurs. Il a écrit la Fille d’Eschyle, étude antique qui a été couronnée par l’Académie française, et les Poèmes de la mer, dans lesquels il a cru un peu trop l’avoir inventée. Qu’il nous permette de lui affirmer, sur l’honneur, que la mer est dans Homère et dans , et que lui, M. Autran, n’en est pas uniquement l’Archimède… M. Autran est, en poésie, ce qu’on pourrait appeler un rude travailleur, et, s’il ne l’est pas, si, en fait, nous nous trompons, il en a l’air, et c’est la même chose. Rappelez-vous un mot terrible ! « Je n’ai que trente-cinq ans et pas un cheveu blanc » disait un homme amoureux à une femme trop aimée. « Vous avez l’air d’en avoir », lui répondit-elle. Eh bien, la poésie de M. Autran a cet air de cheveux blancs, et ils lui semblent venus dans la peine du labeur et des veilles de l’étude. Elle a peut-être très bien dormi, mais elle est alors naturellement fatiguée. On dirait qu’elle s’efforce, sue d’ahan, porte des fardeaux. Poésie gênée, mortifiée, qui fait souffrir plus encore qu’elle ne souffre. Elle n’enlève pas légèrement sur son front limpide tout un monde d’idées ou de sentiments, comme les Cariatides de Jean Goujon enlèvent leurs corbeilles. Elle est une cariatide froncée, écrasée, et bien ennuyée de porter son lourd entablement ; et le pis de tout cela, c’est qu’on est de son avis et qu’on partage sa sensation, à cette cariatide !
Victorien Sardou
Ce qu’il décrit surtout, c’est le travail, les souffrances des pauvres gens, marins ou pêcheurs, toujours en lutte avec les flots. Cette préoccupation des petits, des humbles, domine toute son œuvre… Son hexamètre est sonore et bien rythmé ; sa phrase, toujours musicale, se déroule largement avec une noblesse de contours qui fait penser aux volutes antiques.