(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 162-165
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 162-165

Rozoi, [N.ABCD] Correspondant de l'Académie des Sciences de Toulouse, né à Paris en 1745 ; Poëte qui, avec des talens au dessous du médiocre, n'a pas craint de s'attacher à ce qu'il y a de plus difficile. La Morale, la Méthaphysique, l'Histoire, la Tragédie, n'ont point effrayé sa plume, ou, pour mieux dire, il a traité tous ces genres avec les derniers excès du mauvais goût. Son Poëme, intitulé les Sens, est un Recueil de bévues, où la Poésie & la Philosophie sont également profanées. Son autre Poëme sur le Génie, le Goût & l'Esprit, fait connoître qu'il ne possede aucune de ces trois qualités qu'il a voulu célébrer.

Ceux qui nous ont reproché de lui avoir redonné l'existence, en le tirant de l'obscurité pour laquelle ils le croyoient fait, ne prévoyoient pas sans doute que sa Prose étoit à la veille de recevoir, dans la Capitale d'une de nos Provinces Méridionales, des honneurs à peu près semblables à ceux que la Grece rendoit aux grands Ecrivains. Il est vrai qu'une Histoire dans le goût des nouvelles Annales de Toulouse n'eût certainement pas obtenu à son Auteur, de la part des Archontes, des Lettres de Citoyen, & le titre d'Homme de génie. Il est vrai que les Journalistes d'Athenes n'auroient point applaudi à un pareil triomphe, ni célébré, comme un excellent Ouvrage, une Compilation des plus minces Annalistes, bigarrée de différens styles, farcie de réflexions parasites constamment exprimées avec une emphase ridicule & une mortelle pesanteur. Il est vrai que les Etudians du Lycée n'eussent pas couronné sur le Théatre une Tragédie comme celle de Richard III. Mais enfin la Cité* Palladienne a cru n'en pouvoir trop faire pour M. du Rozoi.

Un tel enthousiasme ne prouve-t-il pas que le mauvais goût & les mauvaises Pieces ont souvent des partisans & des couronnes qui les attendent ; comme les bons Ouvrages & le bon goût ont des Adversaires à craindre & des persécutions à éprouver ? Qu'on se plaigne que nous parlions des Auteurs ignorés, & que nous nous élevions contre les usurpations des mauvais, tandis qu'on les voit tous les jours obtenir des succès éclatans ! Le moyen, après cela, de ne pas craindre la chute entiere de la Littérature, & le découragement du vrai talent !

On ignore néanmoins dans quel pays on eût pu couronner ce morceau, tiré d'une certaine Dissertation sur Corneille & Racine, où celui-ci est traité comme le dernier des Auteurs. Elle est attribuée à M. du Rozoi. « Quant à cette Athalie , dit-il, vantée comme le chef-d'œuvre du Théatre ; quel sujet affreux, épouvantable, fait pour révolter les hommes de tous les Siecles, depuis la houlette jusqu'au sceptre ! Comment, par exemple, a t-on choisi une telle Piece pour la représenter dans le jour solennel, où le fils de Louis le bien aimé épousa la fille de cette Marie-Thérese, dont les fideles Hongrois ont dit : Rex noster ? Quelles scenes horribles à offrir à des François, à de jeunes Princes, &c » ?

Nous ne ferons point de réflexions sur ce morceau : nous dirons seulement que le reste de la Dissertation est aussi sagement pensé & aussi richement écrit.

La derniere des Productions connues de cet Auteur, est une espece de Comédie en trois actes & en prose, avec des Ariettes, intitulée Henri IV ou la Bataille d'Ivry, qui, à la faveur du Héros que tout le monde chérit, & de la Musique de M. Martini que le Public a trouvée agréable, s'est soutenue assez long-temps sur le Théatre, quoiqu'elle manque par le plan, par l'intrigue, & par les caracteres.