Théophile, [surnommé Viaut,] né à Clérac, dans l'Agénois, en 1590, mort à Paris en 1626.
De la vivacité dans le génie, de la facilité dans l'expression, de la hardiesse dans les pensées, mais très-souvent un défaut de goût & d'exactitude dans le style ; voilà le caractere de ce Poëte, que ses aventures fâcheuses ont rendu aussi célebre que ses Ouvrages. Comme il avoit l'esprit vif, il se laissoit emporter par l'impétuosité de son imagination, qui ne lui donnoit pas le temps de réfléchir sur les Pieces qu'il mettoit au jour. La Religion, sur-tout, n'étoit point respectée dans les saillies qui lui échappoient au milieu des Sociétés ; ce qui ne contribua pas peu à le faire rechercher de la jeune Noblesse de son temps, qui prétendoit allier les excès de la débauche aux agrémens du bel-esprit. Cette liberté de tout penser & de tout dire, attira à Théophile un séjour de deux ans à la Conciergerie de Paris. Ce premier genre de punition fut suivi d'un bannissement, justement mérité par des Vers impies & satiriques qu'il répandit dans le Public. Il se réfugia alors dans l'Hôtel de Montmorency, où il mourut, repentant de ses fautes, entre les bras de Mairet, son ami.
Théophile est Auteur d'une Tragédie▶, intitulée Pyrame & Thisbé, que Pradon, intéressé à louer les mauvais Ouvrages, n'a pas craint de louer sans mesure. Cette Piece n'est, dans le fond, qu'un amas de pensées boursoufflées, d'allusions froides & puériles, telles que celle-ci, où, en parlant du poignard de Pyrame, il dit :
Le voilà, ce poignard, qui du sang de son MaîtreS'est souillé lâchement ; il en rougit, le traître.
Quand on s'exprime ainsi, est-on propre à faire de bonnes ◀Tragédies ? Théophile étoit plus heureux en im-promptus. Il répondit sur le champ à quelqu'un qui lui disoit que tous les Poëtes étoient foux,
Oui, je l'avoue avecque vous,Que tous les Poëtes sont foux,Mais sachant bien ce que vous êtes,Tous les foux ne sont pas Poëtes.
Dans une autre circonstance, une de ces Héroïnes de Société, qui ont toujours des Beaux-Esprits à leurs gages, le pressant de faire une comparaison d'elle avec le Soleil ; Théophile qui n'étoit pas aussi souple & aussi respectueux que nos Poëtes d'aujourd'hui, fit ce Quatrain :
Que me veut donc cette importune ?Que je la compare au Soleil.Il est commun, elle est commune,Voilà ce qu'ils ont de pareil.
La bonhommie de ce temps-là permettoit sans doute de se livrer à de pareilles saillies, qui ne seroient pas goûtées par nos modernes Soleils, qui valent bien ceux du temps de Théophile.