(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 431-433
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 431-433

Campistron, [Jean Galbert de] Secrétaire des Commandemens de M. le Duc de Vendôme, de l’Académie Françoise & de celle des Jeux Floraux, né à Toulouse en 1656, mort dans la même ville en 1723 ; Poëte tragique, inférieur à ceux qui tiennent le premier rang parmi nous, mais supérieur à beaucoup d’autres qui prétendent en occuper un sur notre Théatre. Ses Tragédies ne valent pas l’Alzire, la Mérope, &c. de M. de Voltaire ; il n’en a aucune de comparable à la Didon de M. le Franc ; mais elles sont préférables à celles des Marmontels, des Lemiere, des la Harpe, & de tous les Auteurs vivans. Arminius, Andronic, Alcibiade, Tiridate sont restées au Théatre, & ont toujours été reprises avec succès.

Le plus grand défaut qu’on puisse reprocher à la premiere, est de n’offrir pas des caracteres assez bien soutenus.

La seconde est foible de versification ; mais l’intérêt en est si touchant, qu’on l’a toujours revue avec plaisir. Le succès qu’elle eut dans sa nouveauté fut si prodigieux, que les Comédiens firent payer le double aux vingt premiers représentations, & que l’ayant remise au simple, l’affluence des Spectateurs devint si grande, qu’ils furent obligés de la remettre au double.

La Tragédie d’Alcibiade ne fut pas moins accueillie. L’Auteur dit dans sa Préface, que la quarantieme représentation fut aussi suivie que la premiere.

Celle de Tiridate en eut vingt-cinq de suite, & s’est toujours soutenue.

Tant de succès dans un temps où le goût subsistoit dans toute sa pureté, ne font que mettre plus en évidence le tort des Comédiens qui s’obstinent à répéter jusqu’à la satiété certaines Pieces, sans songer à faire paroître celles-ci. Si c’est leur proposer un nouveau travail, ils ne doivent pas ignorer que le Public est en droit d’en exiger de leur part ; que c’est leur fournir un moyen d’augmenter le nombre des Spectateurs, & de cultiver leur talent dans un genre plus propre à toucher le cœur, que les maximes philosophiques qu’ils se tuent de débiter avec emphase.

Au reste, si la versification de Campistron est foible, elle est du moins pure, naturelle & d’une douceur qui tient de celle de Racine, qu’il avoit pris pour modele, & à l’exemple duquel il a fait une Comédie en vers. Cette Piece, restée au Théatre & intitulée le Jaloux désabusé est bien conduite & d’un comique agréable.