MÉHÉGAN, [Guillaume-Alexandre de] né à la Salle en Cevennes, en 1721, mort en 1766.
Qu’on réunisse à la fois l’esprit, l’étendue des connoissances, la facilité pour écrire, un style guindé & précieux, un goût peu sûr, & quelquefois mauvais ; on se fera une juste idée des Productions de cet Auteur. Il n’a pas craint, dans ses Considérations sur les Révolutions des Arts, de donner la préférence au Siecle de Louis XV, sur celui de Louis XIV. Où a-t-il pris, entre autres choses, que la Morale n’a jamais été développée avec plus de vérité & plus de charmes que de nos jours ; que ce sont nos Ecrivains modernes qui ont réduit les Romans à être l’image de la Nature & l’Ecole de la Vertu ; que nos Tragédies▶ modernes ont plus de pathétique & d’utilité que celles de Corneille & de Racine ; que les maximes des Tragédiens de nos jours sont plus vraies, & inspirent plus d’humanité ?
M. de Méhégan n’avoit sans doute pas lu tous ces Ouvrages où la Morale est si fort défigurée sous le pinceau philosophique ; ces Romans où la vertu n’est rien moins que le but de ceux qui les ont composés ; ces ◀Tragédies où le sentiment a beaucoup plus d’appareil & de machinisme, que de naturel & de réalité ; ces tirades aussi déplacées qu’audacieuses, qui ne peuvent plaire qu’à des esprits gâtés, qui ne peuvent être pardonnées que par des ignorans qui ne sentent pas combien elles sont hors de propos.
Selon toute apparence, M. de Méhégan auroit réformé ses jugemens, s’il eût vécu davantage. Une plus longue carriere lui eût fourni les moyens d’étudier & de réfléchir plus qu’il n’a fait ; l’étude & la réflexion lui auroient donné de l’expérience, & l’expérience plus de circonspection pour ne pas décider d’une maniere si absurde & si tranchante.
De tout ce qu’il a publié, le Tableau de l’Histoire moderne, & la petite Histoire d’Euphranor, sont ce qui offre le moins à la critique. Ces deux Ouvrages sont écrits avec intérêt & avec chaleur ; mérite que ses Poésies n’ont en aucune façon.