(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 428-429
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 428-429

Calprenede, [Gautier de Costel, sieur de la] né dans le Périgord, mort au grand Andely en 1663.

Le seul nom de Cléopatre, de Cassandre, de Pharamond, suffisent aujourd’hui pour faire peur à nos Lecteurs delicats, & pour mettre en jeu les plaisanteries des petits Auteurs. Il s’en faut cependant beaucoup que ces trois Romans soient sans mérite ; on peut dire même qu’ils sont très-supérieurs à la plupart de ceux qu’on accueille à présent. On pourroit ajouter encore, que nos Romanciers, en les décriant, les ont souvent mis à contribution. Les Anglois les regardent comme des sources abondantes, capables de féconder la sécheresse naturelle de leur imagination ; & leurs Auteurs, dit-on, ne manquent jamais de les lire, quand ils veulent travailler dans le même genre. Malgré tout le mépris qu’on affecte pour la Calprenede, on ne peut se dissimuler qu’il n’ait été, parmi nous, comme le restaurateur du genre romanesque. Avant lui nos Romans n’étoient qu’un amas d’événemens bizarres, de prodiges incroyables, en un mot, des Archives de féeries. Il les a rendus raisonnables, intéressans, les a soumis aux regles de l’intrigue, de l’unité ; s’il ne les eût pas faits si longs, le commun des Lecteurs pourroit s’en accommoder encore, à l’exemple de quelques Poëtes qui y ont puisé tant de fois les situations, les sujets même de leurs Opéra & de leurs Tragédies.

Il est étonnant que l’Auteur qui a fourni matiere à tant d’Ouvrages dramatiques, ait fait des Pieces si détestables. Le Cardinal de Richelieu, quoiqu’admirateur indulgent, ne put s’êmpêcher de dire d’une des Tragédies de la Calprenede, que le moindre de ses défauts étoit d’écrire en vers lâches. Comment lâches ! répondit l’Auteur ; Cadédis, il n’y a rien de lâche dans la famille de la Calprenede.

Ce trait seul suffit pour faire connoître le caractere de ce Romancier, à qui l’on reproche avec raison d’avoir communiqué son gasconisme à la plupart de ses Héros.

Tout a l’humeur gasconne en un Auteur Gascon,
Calprenede & Juba parlent du même ton.
Bl.