COUTEL, [Antoine] né à Paris en 1622, mort à Blois, où il avoit passé la plus grande partie de sa vie ; Poëte oublié, dont le Recueil de Poésies a pour titre : Promenades de Messire Antoine Coutel. Il y a apparence que Madame Deshoulieres les avoit parcourues, car son Idylle des Moutons est tirée presque mot à mot de ce Recueil. La seule différence qui se trouve entre l’Ouvrage de Coutel & le sien, est que l’un est en grands Vers, rangés par quatrains, & l’autre en Vers libres : à cela près, les pensées, les expressions, les tours, les rimes sont absolument les mêmes. On a voulu justifier Madame Deshoulieres sur ce larcin, en accusant l’Auteur des Promenades d’être le vrai Plagiaire ; mais on oublioit que l’Edition des Poésies de Coutel a précédé de plusieurs années l’impression des premiers Ouvrages de Madame Deshoulieres. D’ailleurs il suffit d’être un peu connoisseur, pour juger que l’Idylle de Coutel a un caractere original. La voici, afin qu’on puisse la comparer avec celle de Madame Deshoulieres, dont les Œuvres sont entre les mains de tout le monde.
Hélas ! petits moutons, que vous êtes heureux ;Vous paissez dans nos champs sans souci, sans alarmes ;Si-tôt qu’êtes aimés, vous êtes amoureux ;Vous ne savez que c’est de répandre des larmes,Vous ne formez jamais d’inutiles désirs ;Vous suivez doucement les loix de la Nature ;Vous avez, sans douleur, tous ses plus grands plaisirs,Exempts de passions qui causent la torture.Nous sommes malheureux, les ayant parmi nous ;Car, quoique nous ayons la raison en partage,Cette même raison que n’avez point chez vous,Nous réduit bien souvent dans un dur esclavage.N’en soyez point jaloux, innocens animaux ;Contre tant d’ennemis ce n’est point un remede ;Elle fait, ou plutôt elle agrandit nos maux,Lorsque, dans un besoin, nous implorons son aide.Elle promet beaucoup, & fait beaucoup de bruit ;Impuissante qu’elle est, elle est toujours sévere :Un peu de vin la trouble, un enfant la séduit,Et cependant par-tout on la craint & révere.Elle s’oppose à tout, & ne surmonte rien :Vous devez beaucoup moins redouter la colereDes loups, estans dessous l’abboy de votre chien,Que nous, nos sens gardés d’une telle chimere.Ne vaut-il donc pas mieux, dans votre liberté,Dans cette oisiveté, vivre comme vous faites ?Et sans tant d’embarras, avec tranquillité,Ne vaut-il pas bien mieux être comme vous êtes ?A quoi bon les honneurs ? à quoi bon de l’esprit ?Des biens de la Fortune & ceux de la naissance ?Ces prétendus trésors, qui sont tant en crédit,Ne valent pas le prix que vaut votre indolence.Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels ;Par eux, plus d’un remords nous afflige & nous ronge ;Nous voulons les garder & les rendre éternels,Sans penser qu’eux & nous passeront comme un songe.Il n’est rien d’assuré dans ce vaste Univers,Tout y est inconstant, & rien qui soit solide ;La Fortune, suivant ses caprices divers,Fait, défait ici-bas, & tout elle décide.Notre prudence est vaine au moindre de ses coups.Petits moutons, paissez sans regle & sans science :Vous êtes plus heureux & plus sages que nous,Quoi qu’en puisse jaser la trompeuse apparence.
Les Promenades de Coutel offrent encore plusieurs Pieces qui ne sont pas indignes de figurer à côté de celle-là, témoin ce morceau tiré d’une de ses Elégies.
Croyez-vous tout de bon que ce Dieu des batailles,Qui se fait des remparts de mille funérailles,Qui donne des combats & seme des lauriers,N’aime que le tonnerre & les travaux guerriers ?
COUTURE, [Jean-Baptiste] Professeur d’Eloquence au Collége Royal, de l’Académie des Inscriptions & Belles-Lettres, né dans le Diocese de Bayeux en 1651, mort en 1728.
Les Mémoires de l’Académie dont il étoit Membre, contiennent plusieurs de ses Dissertations sur divers sujets qui ont rapport à la vie privée des Romains. Elles sont pleines d’érudition & de raisonnemens très-solides. Une preuve certaine que nous dégénérons en tout, c’est qu’on remarque, en lisant les Mémoires de cette Académie, que plus on s’éloigne des temps▶ de sa fondation, plus les Dissertations deviennent foibles, maigres, stériles ; cependant, en matiere d’érudition, le progrès du ◀temps doit augmenter les richesses : tout dépend de savoir les recueillir, les digérer, & les mettre en œuvre.