PELLEGRIN, [Simon-Joseph de] Abbé, né à Marseille en 1663, mort à Paris en 1745 ; Poëte dont le nom est devenu ridicule de nos jours, comme celui de l’Abbé Cotin, dans le Siecle de Louis XIV ; mais on doit reconnoître, à l’égard de l’un & de l’autre, plus de fatalité que de justice dans le mépris qu’ils ont éprouvé de la part de leurs Contemporains. Le blâme & la louange, dans tous les temps▶, n’ont pas été équitablement distribués ; & cette injustice est encore plus particuliere à notre Siecle.
L’Abbé Pellegrin n’étoit pas sans mérite. On a de lui la Tragédie de Pélopée, la Comédie du Nouveau Monde, l’Opéra de Jephté, qui feroient honneur aux petits Ecrivains qui prennent la liberté de rire à son sujet. Il faut cependant convenir qu’il abusoit de sa facilité à faire des Vers ; mais c’est à son peu de fortune qu’on doit attribuer la négligence de son style & les autres défauts qu’on lui reproche. Quand la nécessité inspire les talens, elle ne leur donne pas le ◀temps de se perfectionner. Le besoin exténue les Muses. Un Poëte qui travaille pour souper, n’a jamais des inspirations aussi vives & aussi fortes qu’Horace, qui, comme dit Despréaux, a bu tout son soûl quand il voit les Ménades. Ce cas est le seul où l’on puisse dire que la nécessité ne donne point d’esprit.