(1761) Salon de 1761 « Peinture —  Parrocel  » p. 156
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(1761) Salon de 1761 « Peinture —  Parrocel  » p. 156

Parrocel

Il est de 8 pieds, 9 pouces.

L’Adoration des rois de Parocel est si faible, si faible, et d’invention et de dessin et de couleur. Parocel est à Vien, comme Vien est à Le Sueur. Vien est la moyenne proportionnelle aux deux autres. Mais dites-moi, mon ami, quand on a la composition d’un sujet par Rubens présente à l’imagination, comment on peut avoir le courage de tenter le même sujet. Il me semble qu’un grand peintre qui a précédé est plus incommode pour ses successeurs qu’un grand littérateur pour nous. L’imagination me semble plus tenace que la mémoire. J’ai les tableaux de Raphael plus présents que les vers de Corneille, que les beaux morceaux de Racine. Il y a des figures qui ne me quittent point. Je les vois. Elles me suivent. Elles m’obsèdent. Par exemple, un certain Saint Barnabé qui déchire ses vêtements sur sa poitrine ; et tant d’autres. Comment ferais-je pour écarter ces spectres-là ? et comment les peintres font-ils ? il y a dans l’Adoration de Parocel un coussin qui me choque étrangement. Dites-moi, s’il vous plaît, comment un coussin de couleur a pu se trouver dans une étable, où la misère nous réfugie, et où l’haleine de deux animaux réchauffe un nouveau-né contre la rigueur de la saison. Les artistes sont tellement aux beautés techniques, qu’ils négligent toutes ces impertinences-là dans le jugement qu’ils portent d’une production. Faudra-t-il que nous les imitions ? et pourvu que les ombres et les lumières soient bien entendues, que le dessin soit pur, que la couleur soit vraie, que les caractères soient beaux, serons-nous satisfaits ?