Regnier, [Mathurin] né à Chartres en 1573, mort à Rouen en 1613.
Si l'on fait attention que de son temps les premiers principes du goût étoient ignorés & la langue encore informe, on aura plus d'indulgence pour les incorrections, les rudesses, les mauvaises plaisanteries qu'on trouve dans ses Satires, & on lui saura gré de la vigueur qu'il a mise dans ses tableaux, des saillies agréables qui ont échappé à sa plume, de l'heureuse naïveté avec laquelle il a attaqué le vice & poursuivi les vicieux : plusieurs de ses Vers peuvent encore passer pour originaux, & il a plusieurs traits qui n'ont point vieilli. On ne doit pas être aussi facile à pardonner les licences cyniques qu'il s'est permises : aucunes raisons ne sont capables de les justifier. Ce ne sera jamais par des peintures lascives, par des expressions libertines, par des injures grossieres, par le langage crapuleux de la débauche, qu'on pourra se promettre de réformer les hommes & de venger les mœurs. Regnier a été beaucoup trop loin à cet égard, & Boileau a eu raison d'ajouter, après avoir donné à ses talens les éloges qu'ils méritent,
Heureux ! si ses discours, craints du chaste Lecteur,Ne se sentoient des lieux que fréquentoit l'Auteur,Et si, du son hardi de ses rimes cyniques,Il n'allarmoit souvent les oreilles pudiques.