(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 214-215
/ 3191
(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 214-215

Saint-Mars, [N.ABCD Chevalier de] né en 17.., Auteur qui a eu le courage de publier un Livre intitulé Tableau de l'Esprit & du Cœur, où il proscrit les conversations instructives & les Ouvrages agréables, en disant, avec un grand jugement, que l'utile est fait pour la plume, l'agréable pour la langue. L'amitié, selon lui, est un sentiment qui ne peut être durable. Voulez-vous brouiller deux hommes ? faites-les se voir souvent. A l'en croire, un sot est né pour bâiller, un homme d'esprit pour s'ennuyer. Il assure, avec un grand sang froid, qu'il n'y a qu'à ne rien désirer ici bas, & que tous les désirs seront remplis ; que l'aigreur de la prononciation annonce un esprit obscur & embarrassé ; que tous les gens brusques n'ont pas des idées nettes.

Pour joindre la fine Littérature à la saine Morale, il apprend au Public que les Auteurs anciens sont obscurs & la nuit même ; qu'Horace n'est qu'un homme de table & de plaisirs, qui ne cherche qu'à rire & à boire. Ses Odes * ne sont, au flambeau de sa critique, que des propos de Cabaret ; ses Epîtres, ses Satires, & son Art poétique, ne valent pas mieux ; le désordre y regne par-tout ; rien n'y est bien ; tout y est diffus, monstrueux. Après avoir ainsi traité Horace, il ne devoit pas ménager Cicéron : autres anathêmes. J'ai quelquefois admiré , dit-il, la patience des Romains ; il falloit qu'elle fût bien grande, d'être obligés d'écouter un Orateur aussi babillard ; leur esprit étoit d'une furieuse trempe, pour résister au torrent d'un babil qui ne veut rien dire . Ses foudres s'étendent jusque sur nos meilleurs Auteurs ; la réputation de Lafontaine lui a toujours paru mal fondée, &c.

Quand on sait faire ainsi le Tableau du Cœur & de l'Esprit, le cœur, ou tout au moins l'esprit de l'Auteur, & l'Auteur lui-même, ne doivent-ils pas se cacher bien loin derriere le Tableau ?