(1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331
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(1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850)

M. Guizot a pris deux fois la parole, comme écrivain, depuis février 1848 : la première fois, en janvier 1849, par sa brochure, De la démocratie en France ; la seconde fois, ces jours derniers, par le Discours dont il s’agit, et qui est à double fin. Ce Discours, en effet, est destiné à servir d’introduction à une édition nouvelle de l’Histoire de la révolution d’Angleterre, qui paraît en ce moment ; mais aussi il a une intention non douteuse, et comme une réflexion directe sur la politique actuelle. En traitant expressément cette question : Pourquoi la révolution d’Angleterre a-t-elle réussi ? l’éminent historien provoque évidemment tout lecteur qui pense, à se faire lui-même cette autre question : « Pourquoi la Révolution de France a-t-elle échoué jusqu’ici ? Pourquoi, du moins, n’a-t-elle pas réussi dans le même sens que celle d’Angleterre, et en est-elle encore à chercher son établissement ? »

Si le Discours de M. Guizot était purement politique, je le laisserais passer sans le croire de mon ressort, fidèle à mon rôle et à mon goût, qui sont d’accord pour s’en tenir à la littérature ; mais ce Discours n’est politique que par le sens et par le but ; il est purement historique de forme et d’apparence, et, comme tel, je ne saurais le négliger sans paraître manquer à une occasion et presque à une opportunité. Il est impossible au critique journaliste, qui se met le plus souvent en quête pour se créer des sujets susceptibles d’intérêt, d’en éluder d’aussi importants quand ils se présentent de front. Si je venais à passer sous silence ce Discours pour parler d’un livre de poésie, d’un roman ancien ou nouveau, on aurait droit de penser que la critique littéraire se récuse, qu’elle se reconnaît jusqu’à un certain point frivole, qu’il est des sujets qu’elle s’interdit comme trop imposants ou trop épineux pour elle ; et ce n’est jamais ainsi que j’ai compris cette critique, légère sans doute et agréable tant qu’elle le peut, mais ferme et sérieuse quand il le faut, et autant qu’il le faut.

Pourtant (et je le confesserai tout d’abord avec franchise, pour en être ensuite d’autant plus à mon aise), j’ai éprouvé un moment d’embarras en me voyant en demeure d’exprimer un avis direct sur un travail dont la portée est si actuelle, et, par suite, sur un homme considérable dont il y a tant à dire, et à qui on ne saurait se prendre à demi. Les écrits de M. Guizot forment tout un enchaînement ; on ne peut toucher à un anneau sans remuer, sans ébranler tout le reste. Et puis, il s’agit bien ici d’un écrivain vraiment ! M. Guizot n’est pas de ces hommes qui se scindent, et desquels on puisse dire : Je parlerai de l’historien, du littérateur, sans toucher au politique. Non, il faut le reconnaître à son honneur, et ç’a été là une des causes de son importance personnelle, il est un ; la littérature, l’histoire elle-même, n’ont jamais été pour lui qu’un moyen, un instrument d’action, d’enseignement, d’influence. Il a adopté de bonne heure certaines idées, certains systèmes, et par toutes les voies, par la plume, par la parole, dans la chaire, à la tribune, au pouvoir et hors du pouvoir, il n’a rien négligé pour les faire prévaloir et pour les naturaliser dans notre pays. Et en ce moment que fait-il encore ? Tombé hier, il relève aujourd’hui son drapeau ; seulement, il le relève sous la forme historique. Il range encore une fois ses idées et ses raisons en bataille, comme s’il n’avait pas été atteint. Pour en finir donc avec ces précautions qui étaient d’ailleurs indispensables, je ne ferai pas semblant d’oublier que M. Guizot a compté pour beaucoup dans nos destinées, qu’il y a pesé d’un grand poids. L’accident de février, cette catastrophe immense dont nous faisons tous partie et dont nous sommes tous les naufragés, sera présent à ma mémoire. Je mentirais si je disais que cette dernière leçon d’histoire ne se joint pas pour moi à toutes les autres que nous devions à M. Guizot, pour les compléter, les corriger, et pour me confirmer dans certains jugements que j’essaierai ici d’exprimer en toute convenance.

M. Guizot est un des hommes de ce temps-ci qui, de bonne heure et en toute rencontre, ont le plus travaillé, le plus écrit, et sur toutes sortes de sujets, un de ceux dont l’instruction est le plus diverse et le plus vaste, qui savent le plus de langues anciennes et modernes, le plus de belles-lettres, et pourtant ce n’est pas un littérateur proprement dit, dans le sens exact où se définit pour moi ce mot. Napoléon écrivait à son frère Joseph, alors roi de Naples, qui aimait fort les gens de lettres : « Vous vivez trop avec des lettrés et des savants. Ce sont des coquettes avec lesquelles il faut entretenir un commerce de galanterie, et dont il ne faut jamais songer à faire ni sa femme ni son ministre. » Cela est vrai de bien des gens de lettres, de quelques-uns même de ceux que nous avons vus, de nos jours, ministres. Mais ce n’est vrai ni de M. Guizot ni de M. Thiers. Tous les deux sont des politiques qui ont commencé par être écrivains ; ils ont passé par la littérature, ils y reviennent au besoin, ils l’honorent par leurs œuvres ; mais ils n’appartiennent pas à la famille des littérateurs proprement dits, à cette race qui a ses qualités et ses défauts à part. M. Guizot, peut-être, y appartient moins que personne. Il n’est pas d’esprit à qui l’on puisse moins appliquer ce mot de coquette dont usait Napoléon ; c’est l’esprit qui, en tout, s’arrête le moins à la forme, à la façon. La littérature n’a jamais été son but, mais son moyen. Il n’a pas l’ambition littéraire, en ce que celle-ci a de curieux, de distrayant, de chatouilleux, d’aisément irrité, de facilement amusé et consolé. Il ne fait rien de futile, rien d’inutile. Il va en toute chose au fait, au but, au principal. S’il écrit, il ne se soucie pas d’une perfection chimérique ; il vise à bien dire ce qu’il veut, comme il le veut ; il ne recherche pas un mieux qui retarde et qui consume. Il n’est pas épris d’un idéal qu’il veuille réaliser. Esprit d’exécution, il rassemble avec vigueur, avec ardeur, ses forces, ses idées, et se met résolument à l’œuvre, peu soucieux de la forme, l’atteignant souvent par le nerf et la décision de sa pensée. Quand un ouvrage est fait, il n’y revient guère ; il ne le reprend pas pour le revoir à loisir, pour le retoucher et le caresser, pour y réparer les parties inexactes ou faibles, les imperfections d’une rédaction première ; il passe à un autre. Il pense au présent et au lendemain.

Tel il était à ses débuts, avant le pouvoir, tel dans les intervalles de sa vie politique. Dès l’avènement de la Restauration, il sentit que, sous un gouvernement non militaire, qui admettait le droit de discussion et la parole, il était de ceux que leur vocation naturelle et leur mérite appelaient à compter dans les affaires et dans les délibérations du pays. Tout en écrivant beaucoup, tant par goût que par une nécessite honorable, il se dit qu’il était de ceux qui deviennent ministres et qui gouvernent. Dès le premier jour, il marqua haut sa place du regard, et il s’y prépara avec énergie.

En attendant toutefois que vînt l’heure d’être orateur et ministre, il enseigna à la Sorbonne ; il fut le plus grand professeur d’histoire que nous ayons eu. Il a fondé une école ; cette école règne, elle règne en partie chez ceux mêmes qui croient la combattre. Dans ses Essais sur l’histoire de France, dans son Histoire de la civilisation en Europe et en France, M. Guizot a développé ses principes et ses points de vue. Plus précis que les Allemands, plus généralisateur que les Anglais, il est devenu européen par ses écrits avant de l’être par son rôle d’homme public. Dès le premier jour qu’il mit le pied dans l’histoire, M. Guizot y porta son instinct et ses habitudes d’esprit : il prétendit à la régler, à l’organiser. Son premier dessein, à travers ce vaste océan des choses passées, fut de saisir et de tracer une direction déterminée sans être pour cela étroit, et sans rien retrancher à la diversité de l’ensemble. Faire acte d’impartialité, admettre tous les éléments constitutifs de l’histoire, l’élément royal, aristocratique, communal, ecclésiastique, n’en exclure aucun désormais, à condition de les ranger tous et de les faire marcher sous une loi, voilà son ambition. Elle était vaste, et si l’on en jugeait par l’effet obtenu, M. Guizot a réussi. Il a été loué comme il le méritait. Il n’a pas été combattu comme il aurait pu l’être. Daunou seul lui fit quelques observations judicieuses, mais timides. Aucun esprit ferme, au nom de l’école de Hume et de Voltaire, au nom de celle de l’expérience et du bon sens, au nom de l’humilité humaine, n’est venu lui dérouler les objections qui n’auraient rien diminué de ses mérites vigoureux de penseur et d’ordonnateur, qui auraient laissé subsister bien des portions positives de son œuvre, mais qui auraient fait naître quelques doutes sur le fond de sa prétention exorbitante.

Je suis de ceux qui doutent, en effet, qu’il soit donné à l’homme d’embrasser avec cette ampleur, avec cette certitude, les causes et les sources de sa propre histoire dans le passé : il a tant à faire pour la comprendre bien imparfaitement dans le présent, et pour ne pas s’y tromper à toute heure ! Saint Augustin a fait cette comparaison très spirituelle. Supposez que, dans le poème de l’Iliade, une syllabe soit douée, un moment, d’âme et de vie : cette syllabe, placée comme elle l’est, pourrait-elle comprendre le sens et le plan général du poème ? C’est tout au plus si elle pourrait comprendre le sens du vers où elle est placée, et le sens des trois ou quatre vers précédents. Cette syllabe animée un moment, voilà l’homme ; et vous venez lui dire qu’il n’a qu’à le vouloir pour saisir l’ensemble des choses écoulées sur cette terre, dont la plupart se sont évanouies sans laisser de monuments ni de traces d’elles-mêmes, et dont les autres n’ont laissé que des monuments si incomplets et si tronqués !

Cette objection ne s’adresse pas à M. Guizot seul, mais à toute l’école doctrinaire dont il a été l’organe et le metteur en œuvre le plus actif, le plus influent. Elle s’adresse à bien d’autres écoles encore, qui se croient distinctes de celle-là et qui ont donné sur le même écueil. Le danger surtout est très réel pour quiconque veut passer de l’histoire à la politique. L’histoire, remarquez-le, ainsi vue à distance, subit une singulière métamorphose, et produit une illusion, la pire de toutes, celle qu’on la croie raisonnable. Dans cet arrangement plus ou moins philosophique qu’on lui prête, les déviations, les folies, les ambitions personnelles, les mille accidents bizarres qui la composent et dont ceux qui ont observé leur propre temps savent qu’elle est faite, tout cela disparaît, se néglige, et n’est jugé que peu digne d’entrer en ligne de compte. Le tout acquiert, après coup, un semblant de raison qui abuse. Le fait devient une vue de l’esprit. On ne juge plus que de haut. On se met insensiblement en lieu et place de la Providence. On trouve à tout accident particulier des enchaînements inévitables, des nécessités, comme on dit. Que si l’on passe ensuite de l’étude à la pratique, on est tenté d’oublier dans le présent qu’on a sans cesse à compter avec les passions et les sottises, avec l’inconséquence humaine. On veut dans ce présent, et dès le jour même, des produite nets comme on se figure qu’ils ont eu lieu dans le passé. On met le marché à la main à l’expérience. Dans cet âge de sophistes où nous sommes, c’est au nom de la philosophie de l’histoire que chaque école (car chaque école a la sienne) vient réclamer impérieusement l’innovation qui, à ses yeux, n’est plus qu’une conclusion rigoureuse et légitime. Il faut voir comme, au nom de cette prétendue expérience historique qui n’est plus que de la logique, chacun s’arroge avec présomption le présent et revendique comme sien l’avenir.

M. Guizot sait mieux que nous ces inconvénients, et il les combattrait au besoin avec sa supériorité. Mais il n’en a pas été exempt pour son compte, et il a autorisé ces manières générales de voir, par son ascendant. Sa philosophie de l’histoire, pour être plus spécieuse et plus à hauteur d’appui, n’en est pas moins beaucoup trop logique pour être vraie. Je n’y puis voir qu’une méthode artificielle et commode pour régler les comptes du passé. On supprime toutes les forces qui n’ont pas produit leur effet et qui auraient pu cependant le produire. On range dans le meilleur ordre, sous des noms complexes, toutes celles qu’on peut rassembler et ressaisir. Toutes les causes perdues, qui n’ont pas eu leur représentant ou qui ont été vaincues en définitive, sont déclarées impossibles, nées caduques, et de tout temps vouées à la défaite. Et souvent à combien peu il a tenu qu’elles ne triomphassenti ! Les faits très anciens sont ceux qui se prêtent le mieux à ce genre d’histoire systématique. Ils ne vivent plus, ils nous arrivent épars, morcelés ; ils se laissent régenter et discipliner à volonté, quand une main capable s’étend pour les dresser et les reconstruire. Mais l’histoire moderne offre plus de résistance. M. Guizot le sait bien. Dans son Histoire de la civilisation en Europe, quand il arrive au xvie  siècle, c’est alors seulement qu’il se fait quelques objections sur les inconvénients des généralisations précipitées : c’est qu’alors aussi ces objections s’élèvent d’elles-mêmes de toutes parts, et nous rentrons dans l’atmosphère orageuse et variable des temps modernes et présents. La généralisation qui semble de la profondeur pour les siècles déjà lointains, semblerait de la légèreté et de la témérité en deçà. Entendons-nous bien : j’admire cette force d’esprit étendue et ingénieuse qui refait, qui restaure du passé tout ce qui peut se refaire, qui y donne un sens, sinon le vrai, du moins un sens plausible et vraisemblable, qui maîtrise le désordre dans l’histoire, et qui procure à l’étude des points d’appui utiles et des directions. Mais ce que je relève comme danger, ce serait l’habitude de vouloir conclure d’un passé ainsi refait et reconstruit, d’un passé artificiellement simplifié, au présent mobile, divers et changeant. Pour moi, quand j’ai lu quelques-unes de ces hautes leçons si nettes et si tranchées sur l’Histoire de la civilisation, je rouvre bien vite un volume des Mémoires de Retz, pour rentrer dans le vrai de l’intrigue et de la mascarade humaine.

Nous touchons ici à l’une des raisons essentielles qui font que l’historien, même le grand historien, n’est pas nécessairement un grand politique ni un homme d’État. Ce sont là des talents qui se rapprochent, qui se ressemblent, et qu’on est tenté de confondre, mais qui diffèrent par des conditions intimes. L’historien est chargé de raconter et de décrite la maladie quand le malade est mort. L’homme d’État se charge de traiter le malade encore vivant. L’historien opère sur des faits accomplis et des résultats simples (au moins d’une simplicité relative) : le politique est en présence d’une certaine quantité de résultats, dont plus d’un a chance de sortir à tout moment.

Des faits récents ont mis cette dernière vérité en lumière. Je fais ici appel au bon sens de tout le monde, et je dis : En politique, il y a plusieurs manières différentes dont une chose qui est en train de se faire peut tourner. Quand la chose est faite, on ne voit plus que l’événement. Ce qui s’est passé sous nos yeux en février est un grand exemple. La chose pouvait tourner de bien des manières différentes. Dans cinquante ans on soutiendra peut-être (selon la méthode des doctrinaires) que c’était une nécessité. En un mot, il y a bien des défilés possibles dans la marche des choses humaines. Le philosophe absolu a beau vous dire : « En histoire, j’aime les grandes routes, je ne crois qu’aux grandes routes. » Le bon sens répond : « Ces grandes routes, c’est l’historien le plus souvent qui les fait. On fait la grande route en élargissant le défilé où l’on a passé, et aux dépens des autres défilés où l’on aurait pu passer. »

Esprit positif, et qui savait combiner le but pratique et la vue abstraite, M. Guizot n’avait garde de s’embarrasser trop longtemps dans ces formules historiques où serait à jamais demeuré un professeur allemand. Lui, il les posait, mais il ne s’y enfermait pas. En 1826, il sut choisir comme matière d’histoire un sujet qui était alors le plus heureux par les analogies avec notre situation politique, et qui s’appropriait, de plus, à son talent par toutes les sortes de convenances : il entreprit l’Histoire de la révolution d’Angleterre. Deux volumes seulement de cette Histoire ont paru jusqu’ici, et le récit ne va que jusqu’à la mort de Charles Ier. M. Guizot, après une longue interruption, s’y remet aujourd’hui, et il signale cette rentrée par le remarquable Discours qu’on peut lire. À travers les interruptions et les intervalles, il y a ceci de commun entre le début de 1826 et la reprise de 1850, qu’il publiait alors cette Histoire comme une leçon donnée au temps présent, et que c’est encore à titre de leçon donnée à notre temps qu’il y revient aujourd’hui. En 1826, la leçon s’adressait à la royauté qui voulait être absolue, et aux ultra. En 1850, elle s’adresse à la démocratie. Mais pourquoi donc une leçon toujours ? L’histoire ainsi offerte ne court-elle pas risque de se détourner, de se composer un peu ?

Quoi qu’il en soit, les deux volumes publiés de cette Histoire de la révolution anglaise sont d’un sérieux intérêt et présentent un récit mâle et grave, une suite d’un tissu ferme et dense, avec de grandes et hautes parties. Les scènes de la mort de Strafford et du procès de Charles Ier sont traitées simplement, et d’un grand effet dramatique. Ce qui était plus difficile et ce que M. Guizot excelle à exposer, ce sont les débats, les discussions, les tiraillements des partis, le côté parlementaire de l’histoire, la situation des idées dans les divers groupes à un moment donné : il entend supérieurement cette manœuvre des idées. Sorti de race calviniste, il en a conservé un certain tour austère, l’affinité pour comprendre et rendre ces naturels tenaces, ces inspirations énergiques et sombres. Les habitudes de race et d’éducation première se marquent encore dans le talent et se retrouvent dans la parole, même lorsqu’elles ont disparu des habitudes de notre vie : on en garde la fibre et le ton. Les hommes, les caractères sont exprimés, à la rencontre, par des traits vigoureux ; mais le tout manque d’un certain éclat, ou plutôt d’une certaine animation intime et continue. Les personnages ne vivent pas d’une vie à eux ; l’historien les prend, les saisit, il en détache le profil en cuivre. Son dessin accuse une main d’une grande fermeté, d’une grande assurance. Il sait ce qu’il veut dire et où il veut aller : il n’hésite jamais. Le côté ridicule et ironique des choses, le côté sceptique dont d’autres historiens ont abusé, n’a chez lui aucune place. Il fait très bien sentir une sorte de gravité morale subsistante chez les mêmes hommes au milieu des manœuvres et des intrigues ; mais il ne met pas la contradiction assez à jour. Il a, chemin faisant, mainte maxime d’État, mais aucune de ces réflexions morales qui éclairent et réjouissent, qui détendent, qui remettent à sa place l’humanité même, et comme il en échappe sans cesse à Voltaire. Son style, à lui, est triste et ne rit jamais. Je me suis donné le plaisir de lire en même temps des pages correspondantes de Hume : on ne croirait pas qu’il s’agisse de la même histoire, tant le ton est différent ! Ce que je remarque surtout, c’est qu’il m’est possible, en lisant Hume, de le contrôler, de le contredire quelquefois : il m’en procure le moyen par les détails mêmes qu’il donne, par la balance qu’il établit. En lisant M. Guizot, c’est presque impossible, tant le tissu est serré et tant le tout s’enchaîne. Il vous tient et vous mène jusqu’au bout, combinant avec force le fait, la réflexion et le but.

Jusqu’à quel point, même après ces deux volumes, et à le considérer dans son ensemble, M. Guizot est-il peintre en histoire ? Jusqu’à quel point et dans quelle mesure est-il proprement narrateur ? Ce seraient des questions très intéressantes à discuter littérairement, sans complaisance, sans prévention : et même dans ce qu’on refuserait à M. Guizot, il entrerait toute une reconnaissance et une définition d’une originalité de manière à part et qui n’est qu’à lui. Même lorsqu’il raconte, comme dans sa Vie de Washington, c’est d’une certaine beauté abstraite qu’il donne l’idée, non d’une beauté extérieure et faite pour le plaisir des yeux. Il a l’expression forte, ingénieuse ; il ne l’a pas naturellement pittoresque. Il a parfois du burin, jamais de pinceau. Son style, aux beaux endroits, a des reflets de cuivre et comme d’acier, mais des reflets sous un ciel gris, jamais au soleil. On a dit du bon Joinville, le naïf chroniqueur, que son style sent encore son enfance, et que « les choses du monde sont nées pour lui seulement du jour où il les voit ». À l’autre extrémité de la chaîne historique, c’est tout le contraire pour M. Guizot. Sa pensée, son récit même, revêtent volontiers quelque chose d’abstrait, de demi philosophique. Il communique à tout ce qu’il touche comme une teinte d’une réflexion antérieure. Il ne s’étonne de rien, il explique ce qui s’offre, il en donne le pourquoi. Une personne qui le connaissait bien disait de lui : « Ce qu’il sait de ce matin, il a l’air de le savoir de toute éternité. » En effet, l’idée, en entrant dans ce haut esprit, laisse sa fraîcheur ; elle est à l’instant fanée et devient comme ancienne. Elle contracte de la préméditation, de la fermeté, du poids, de la trempe, et parfois un éclat sombre.

Tout cela dit, est juste de reconnaître que dans le second volume surtout de l’Histoire de la révolution d’Angleterre, il y a des parties irréprochables d’un récit continu. C’est quand M. Guizot se livre à sa manière favorite, comme dans le Discours récent, que tout alors se tourne naturellement chez lui en considérations. La description elle-même du fait est déjà un résultat.

Mais on ne jugerait pas bien l’écrivain chez M. Guizot, si l’on ne parlait de l’orateur. L’un tient étroitement à l’autre, et a réagi sur l’autre. Le plus habituellement, c’est l’écrivain (Cicéron l’a remarqué) qui contribue à former l’orateur. Chez M. Guizot, c’est plutôt l’orateur qui a contribué à perfectionner l’écrivain, et quelqu’un a pu dire que c’est sur le marbre de la tribune qu’il a achevé de polir son style. M. Guizot, à ses premiers débuts, n’a pas toujours bien écrit, il écrivait du moins très inégalement. Dès que sa passion pourtant était en jeu, dans ses articles de polémique, dans ses brochures, il avait bien du trait et de l’acéré. Longtemps j’ai entendu dire que M. Guizot n’écrivait pas bien. Il faut y regarder à deux fois avant de lui refuser une qualité ; car, avec cette volonté tenace et ardente qui est en lui, il peut bien ne pas tarder à conquérir cette qualité qu’on lui refuse et à dire : La voilà ! Comme professeur, M. Guizot parlait bien, mais sans rien d’extraordinaire ; il avait de la netteté, une lucidité parfaite d’exposition, mais des répétitions de termes abstraits, assez peu d’élégance, peu de chaleur. On a toujours la chaleur de son ambition. L’ambition de M. Guizot ne devait se sentir à l’aise et comme chez elle que sur la scène parlementaire, au cœur des luttes politiques : c’est là qu’il devint tout entier lui-même et qu’il grandit. Il lui fallut quelque apprentissage encore ; mais, à partir de 1837, il déploya tout son talent. Il n’eut pas seulement ce que j’appelle la chaleur de son ambition, il en eut par instants la flamme dans sa parole. Pourtant cette flamme éclatait plutôt encore dans son regard, dans son geste, dans son action. Sa parole, à l’isoler en elle-même, a plutôt de la force et du nerf. Je m’arrête en le louant. On ne saurait ici, quand on a un sentiment de citoyen, s’en tenir au simple point de vue littéraire ; car, est-il donc possible de l’oublier ? cette parole s’est traduite en actes, elle a eu des effets trop réels. Cette faculté merveilleuse d’autorité et de sérénité (pour prendre un mot qu’il affectionne), cet art souverain de conférer aux choses une apparente simplicité, une évidence décevante, et qui n’était que dans l’idée, a été l’une des principales causes de l’illusion qui a perdu le dernier régime. L’éloquence, à ce degré, est une grande puissance ; mais n’est-ce pas aussi une de ces puissances trompeuses dont a parlé Pascal ? Il existait, dans les dernières années du précédent régime, deux atmosphères très distinctes, celle de l’intérieur de la Chambre et celle du dehors. Quand l’éloquence de M. Guizot avait régné à l’intérieur, quand elle avait rempli et refait cette atmosphère artificielle, on croyait avoir conjuré les orages. Mais l’atmosphère du dehors en était d’autant plus chargée et sans équilibre avec l’air du dedans. De là finalement l’explosion.

Le style de M. Guizot est sorti de ces épreuves de tribune plus ferme et mieux trempé qu’auparavant ; sa pensée en est sortie non modifiée. Le présent Discours, qu’il vient de publier, l’atteste. Ce Discours est écrit de main de maître, mais aussi d’un ton de maître. Il y envisage la révolution d’Angleterre dans tout son ensemble, depuis l’origine des troubles sous Charles Ier jusqu’après Guillaume III, et jusqu’à l’entière consolidation de l’établissement de 1688. À voir l’intention directe qui ressort du tableau et qui se traduit formellement dans les conclusions, il est clair qu’aux yeux de l’éminent historien, toutes les leçons que peut nous fournir cette révolution d’Angleterre, déjà si fertile en analogies réelles ou fausses, ne sont pas épuisées. Cette préoccupation du régime anglais et du remède anglais appliqué à notre maladie, pour être une erreur plus spécieuse et plus prochaine de nous, ne m’en semble pas moins une erreur grave et qui nous a déjà été assez funeste. Par exemple, on a beaucoup parlé, sous le précédent régime constitutionnel, du pays légal : « Le pays légal est pour nous, nous avons le pays légal. » Où cela a-t-il mené ? En Angleterre, un tel mot est significatif ; car on y a, avant tout, le respect de la loi. En France, c’est à d’autres instincts encore qu’il faut s’adresser, c’est à d’autres fibres qu’il faut se prendre pour tenir même le pays légal. Ce peuple gaulois est rapide, tumultueux, inflammable. Est-il besoin de rappeler à l’éminent historien, qui a connu et manié les deux pays, ces différences essentielles de génie et de caractère ? Et c’est avec le caractère plutôt qu’avec les idées qu’on se gouverne. Un étranger, homme d’esprit, a coutume de partager la nature humaine en deux, la nature humaine en général et la nature française, voulant dire que celle-ci résume et combine tellement en elle les inconstances, les contradictions et les mobilités de l’autre, qu’elle fait une variété et comme une espèce distincte. M. de La Rochefoucauld, qui avait vu la Fronde et toutes ses versatilités, disait un jour au cardinal Mazarin : « Tout arrive en France ! » C’est le même moraliste, contemporain de Cromwell, qui a dit cet autre mot si vrai et qu’oublient trop les historiens systématiques : « La fortune et l’humeur gouvernent le monde. » Entendez par humeur le tempérament et le caractère des hommes, l’entêtement des princes, la complaisance et la présomption des ministres, l’irritation et le dépit des chefs de parti, la disposition turbulente des populations, et dites, vous qui avez passé par les affaires, et qui ne parlez plus sur le devant de la scène, si ce n’est pas là en très grande partie la vérité.

Ce n’est donc qu’avec une discrétion extrême qu’on devrait, ce me semble, proposer les remèdes généraux dans lesquels il n’entre que des idées. M. Guizot, après avoir embrassé avec sa supériorité de vues la révolution d’Angleterre et celle d’Amérique, y reconnaît trois grands hommes, Cromwell, Guillaume III et Washington, qui restent dans l’histoire comme les chefs et les représentants de ces crises souveraines qui ont fait le sort de deux puissantes nations. Il les caractérise, l’un après l’autre, à grands traits. Tous les trois ont réussi, les deux derniers plus complètement, Cromwell moins : il n’a réussi qu’à se maintenir et n’a rien fondé. M. Guizot attribue cette différence à ce que Guillaume III et Washington, « même au milieu d’une révolution, n’ont jamais accepté ni pratiqué la politique révolutionnaire ». Il croit que le malheur de Cromwell fut d’avoir eu d’abord, par la nécessité de sa position, à embrasser et à pratiquer cette politique dont l’alliage rendit son pouvoir toujours précaire. M. Guizot en conclut que, sous toutes les formes de gouvernement,

qu’il s’agisse d’une monarchie ou d’une république, d’une société aristocratique ou démocratique, la même lumière brille dans les faits ; le succès définitif ne s’obtient, dit-il, qu’au nom des mêmes principes et par les mêmes voies. L’esprit révolutionnaire est fatal aux grandeurs qu’il élève comme à celles qu’il renverse.

M. Guizot me permettra ici de trouver que cette conclusion, en la tenant pour vraie dans sa généralité, est parfaitement vague et stérile. Dire en général aux gouvernants qu’il ne faut être à aucun degré révolutionnaire, ce n’est nullement leur indiquer les voies et moyens, les inventions nécessaires pour conserver ; car c’est dans le détail de chaque situation que gît la difficulté et qu’il y a lieu à l’art. Si vous venez dire à un général d’armée : « N’adoptez que la méthode défensive, jamais l’offensive », en sera-t-il beaucoup plus avancé pour gagner une bataille ? Comme s’il n’y avait pas des moments d’ailleurs où, pour défendre Rome, il faut aller attaquer Carthage !

En ce qui est des hommes en particulier, la conclusion de M. Guizot me paraît beaucoup trop absolue. Cromwell, dites-vous, n’a réussi qu’à moitié parce qu’il avait été révolutionnaire. J’ajouterai que Robespierre depuis a échoué par la même cause et par d’autres raisons encore. Mais Auguste avait réussi dans les deux rôles. Il a été tour à tour Octave et Auguste ; il a proscrit et il a fondé. Et comme ce même Auguste nous le dit si éloquemment par la bouche du grand Corneille :

Mais l’exemple souvent n’est qu’un miroir trompeur ;
Et l’ordre du Destin, qui gêne nos pensées,
N’est pas toujours écrit dans les choses passées.
Quelquefois l’un se brise où l’autre s’est sauvé,
Et par où l’un périt un autre est conservé.

Voilà la seule philosophie pratique de l’histoire : rien d’absolu, une expérience toujours remise en question, et l’imprévu se cachant dans les ressemblances.

Bossuet a l’habitude, dans ses vues, d’introduire la Providence, ou plutôt il ne l’introduit pas : elle règne chez lui d’une manière continue et souveraine. J’admire cette inspiration religieuse chez le grand évêque ; mais, en pratique, elle l’a mené au droit divin et à la politique sacrée. Chez les historiens modernes, qui se sont élevés à des considérations générales et toutes raisonnées, la Providence intervient seulement par endroits et, si l’on peut dire, dans les grands moments. Plus cette intervention, sous leur plume, est discrète et rare, plus elle atteste de véritable respect. Car, dans bien des cas, lorsqu’on la prodigue, elle peut sembler un instrument du discours, un effet oratoire et social, bien plutôt encore qu’une élévation intime et toute sincère. Ce n’est point le cas pour M. Guizot. Il a gardé de ses origines le sentiment religieux, le tour d’esprit et comme le geste habituel vers la Providence. Pour un homme toutefois qui en a, à ce degré, le respect et la religion, il se sert trop fréquemment selon moi, trop familièrement, de cette intervention mystérieuse :

On a attribué, dit-il, la chute de Clarendon aux défauts de son caractère, et à quelques fautes ou à quelques échecs de sa politique, au-dedans et au-dehors. C’est méconnaître la grandeur des causes qui décident du sort des hommes éminents. La Providence, qui leur impose une tâche si rude, ne les traite pas avec tant de rigueur qu’elle ne leur passe point de faiblesses, et qu’elle les renier ne légèrement, pour quelques torts ou quelques échecs particuliers. D’autres grands ministres, Richelieu, Mazarin, Walpole, ont eu des défauts, et commis des fautes, et essuyé des échecs aussi graves que ceux de Clarendon. Mais ils comprenaient leur temps ; les vues et les efforts de leur politique étaient en harmonie avec ses besoins, avec l’état et le mouvement général des esprits. Clarendon se trompa sur son époque ; il méconnut le sens des grands événements auxquels il avait assisté…

Ainsi, vous paraissez croire que la Providence s’y prend avec plus de façons quand il s’agit de ces hommes éminents qu’on appelle Mazarin ou Walpole, que quand il s’agit des simples honnêtes gens privés ! Vous laissez à ceux-ci les petites causes et les chétifs accidents qui décident de leur destinée. Quant aux autres, aux hommes d’État véritables, aux ambitieux de haute volée, vous croyez qu’ils ne succombent jamais que pour des motifs dignes d’eux, dignes du sacrifice pénible qu’ils s’imposent en nous gouvernant. En un mot, vous croyez que la Providence y regarde à deux fois avant de les faire choir. Pour moi, je crois que, du moment qu’elle y regarde, il lui suffit d’un seul regard et d’une seule mesure pour tous. Mais cette mesure nous est profondément inconnue.

Je pourrais choisir encore quelques autres assertions aussi absolues, aussi gratuites, et qui me font douter de la raison intérieure de cette philosophie imposante. Que si l’on examine le Discours par rapport au sujet même qui y est traité, c’est-à-dire à la révolution d’Angleterre, il y a beaucoup à louer. Quand je conteste la possibilité pour l’homme d’atteindre aux mille causes lointaines et diverses, je suis loin de nier cet ordre de considérations et de conjectures par lesquelles, dans un cadre déterminé, on essaie de rattacher les effets aux causes. C’est la noble science de Machiavel et de Montesquieu, quand ils ont traité, tous les deux, des Romains. La révolution d’Angleterre, considérée dans ses propres éléments et dans ses limites, cette révolution qui s’offre comme enfermée en champ clos, se prête mieux qu’aucune autre peut-être à une telle étude, et M. Guizot, plus que personne, est fait pour en traiter pertinemment, sans y mêler de ces conclusions disputées que chacun tire à soi. On relèverait dans son Discours des portraits tracés avec vigueur et relief, notamment celui de Monk, celui de Cromwell. Le talent, enfin, qui nous montre tout cela, est supérieur, est-il besoin de le dire ? Mais, même en ne considérant que les jugements relatifs à la révolution anglaise, l’enchaînement des causes et des effets y paraîtra trop tendu. L’auteur, à chaque crise décisive, ne se contente pas de l’expliquer, il déclare qu’elle n’aurait pu se passer autrement. Il lui est habituel de dire : « Il était trop tôt… il était trop tard… Dieu commençait seulement à exercer ses justices et à donner ses leçons (p. 31). » Qu’en savez vous ?

Restons hommes dans l’histoire. Montaigne, qui en aimait avant tout la lecture, nous a donné les raisons de sa prédilection, et ce sont les nôtres. Il n’aimait, nous dit-il, que les historiens tout simples et naïfs, qui racontent les faits sans choix et sans triage, à la bonne foi ; ou, parmi les autres plus savants et plus relevés, il n’aimait que les excellents, ceux qui savent choisir et dire ce qui est digne d’être su.

Mais ceux d’entre-deux (comme il les appelle) nous gâtent tout ; ils veulent nous mâcher les morceaux : ils se donnent loi de juger, et par conséquent d’incliner l’histoire à leur fantaisie ; car depuis que le jugement pend d’un côté, on ne se peut garder de contourner et tordre la narration à ce biais.

Voilà l’écueil, et un talent, même du premier ordre, n’en garantit pas. Du moins une expérience tout à fait consommée devrait en garantir, ce semble. Les hommes supérieurs qui ont passé par les affaires, et qui en sont sortis, ont un grand rôle encore à remplir, mais à condition que ce rôle soit tout différent du premier et que même ce ne soit plus un rôle. Initiés comme ils l’ont été au secret des choses, à la vanité des bons conseils, à l’illusion des meilleurs esprits, à la corruption humaine, qu’ils nous en disent quelquefois quelque chose ; qu’ils ne dédaignent pas de nous faire toucher du doigt les petits ressorts qui ont souvent joué dans les grands moments. Qu’ils ne guindent pas toujours l’humanité. La leçon qui sort de l’histoire ne doit pas être directe et roide ; elle ne doit pas se tirer à bout portant, pour ainsi dire, mais s’exhaler doucement et s’insinuer. Elle doit être savoureuse, comme nous le disions dernièrement à propos de Commynes ; c’est une leçon toute morale. Ne craignez pas de montrer ces misères à travers vos grands tableaux ; l’élévation ensuite s’y retrouvera. Le néant de l’homme, la petitesse de sa raison la plus haute, l’inanité de ce qui avait semblé sage, tout ce qu’il faut de travail, d’étude, de talent, de mérite et de méditation, pour composer même une erreur, tout cela ramène aussi à une pensée plus sévère, à la pensée d’une force suprême ; mais alors, au lieu de parler au nom de cette force qui nous déjoue, on s’incline, et l’histoire a tout son fruit.