Richepin, Jean (1849-1926)
[Bibliographie]
Les Étapes d’un réfractaire (1872). — Madame André, roman (1874). — La Chanson des gueux (1876). — Les Caresses (1877). — Les Morts bizarres (1877). — Césarine (1880). — La Glu, roman (1881). — Nana-Sahib, drame en cinq actes, en vers (1882). — La Glu, drame en cinq actes (1883). — Miarka, la fille à l’ourse (1883). — Macbeth, drame de Shakespeare en 9 tableaux et en prose (1884). — Sophie Monnier (1884). — Les Blasphèmes (1884). — La Mer (1885). — Monsieur Scapin, drame en 3 actes, en vers (1886). — Braves gens (1888). — Le Flibustier, drame en 3 actes, en vers (1888). — Le Cadet, roman (1890). — Truandailles (1898). — Le Mage, drame lyrique avec musique de Massenet (1891). — Par le glaive, en 5 actes et en vers (1892). — La Miseloque (1892). — L’Aimé, roman (1893). — La Mer, poésie (1894). — Mes Paradis, poésie (1894). — Vers la Joie, conte en 5 actes (1894). — Flamboche, roman (1895). — Les Grandes Amoureuses (1896). — Théâtre chimérique (1896). — Le Chemineau, 5 actes (1897). — Le Chien de garde, 5 actes (1898). — Contes de la décadence romaine (1898). — La Martyre, 5 actes (1898). — Les Truands (1899). — La Gitane (1899).
OPINIONS.
Jules Lemaître
Il y a deux hommes en M. Richepin. Peut-être les deux hommes n’en font-ils qu’un au fond,
mais je n’ai pas le loisir de le chercher aujourd’hui et je m’en tiens aux
superficies. M. Richepin est
d’abord un très grand rhétoricien, un surprenant écrivain en vers, tout nourri de
la moelle des classiques, qui sait suivre et développer une idée, et qui sait
écrire, quand il le veut, dans la langue de Villon, de Régnier et de Regnard, et dans d’autres
langues encore. Mais en même temps, M. Richepin est un révolté, un insurgé, un contempteur des bourgeois
et même des Aryas en général, un homme qui « a les os fins, un torse
d’écuyer et le mépris des lois »
, bref, un Touranien. Or, il me semble,
sauf erreur, que c’est l’habile rhétoricien, d’une netteté d’esprit toute aryenne,
qui a écrit presque entièrement les deux premiers actes, et que le Touranien a mis
la main au dernier plus qu’il n’aurait fallu…
On voit ici en plein ce qu’il y a d’un peu puéril parmi le beau génie naturel de M. Jean Richepin… C’est égal, un large coup de ciseau dans Monsieur Scapin et quelques raccords, nous aurions un joli pendant au Beau Léandre de Banville, ce chef-d’œuvre.
Tancrède Martel
Ceux qui, comme le grand et vigoureux poète de la Chanson des gueux , ont voué leur existence entière aux flammes d’un art élevé, savent seuls ce qu’il y a de bonheur dans l’enfantement laborieux d’une œuvre préférée. Enfin, nous l’avons, ce livre sur la Mer, ce beau livre autour duquel il se mène grand tapage, un peu grâce à la personnalité puissante de son auteur. Mérite-t-il tous les éloges que les rares délicats critiques lui ont adressés ? Nous apporte-t-il des émotions nouvelles et saines ? Pour nous, nous n’hésitons pas à le déclarer : cette série de poèmes sur la Mer nous apparaît comme une des plus saisissantes, des plus personnelles conceptions lyriques de ces dernières années, et nous rangeons le volume, dans nos préférences, tout à côté de la Chanson des gueux, — ce qui n’est pas peu dire.
Dans la Mer, la sincérité éclate, mêlée à nous ne savons quelle explosion d’extase pour les choses qui représentent le mieux la Beauté. La Beauté, c’est-à-dire cette fougue, cette insolence, cette majesté si particulières à l’Océan. Car le flot a ses amoureux et toujours aura ses poètes. La mer, la mer impénétrable, depuis qu’elle arrache tant de cris de délire et d’enthousiasme à l’homme, la mer garde toujours pour ses fervents comme une réserve de nouveaux et mystérieux attraits. Il y avait donc quelque orgueil à prendre cette belle et adorée maîtresse à la crinière de ses algues ; il y avait un magnifique courage à chanter les harmonies si diverses, si nuancées, partant si rebelles à l’expression, de l’Océan. Cet orgueil, Jean Richepin l’a eu ; ce courage, il l’a senti vibrer en lui. Après Michelet, après Victor Hugo, la Mer nous donne ce que nous exigeons des poètes : une interprétation personnelle, nouvelle, variée, de la nature. Que les esprits chagrins ou superficiels pâlissent de cet aveu, peu nous importe ! Jean Richepin a vécu son œuvre et, en maints endroits, elle vous prend assez aux entrailles pour qu’on ne puisse mettre en doute le noble sentiment artistique qui l’a inspirée.
Jules Lemaître
À propos du Flibustier. Et pourquoi M. Jean Richepin ne serait-il pas vertueux ? pourquoi ne serait-il pas idyllique, honnête et doux ? pourquoi refuserait-on à ce Touranien apaisé le droit de nous conter une berquinade touchante, cordiale et mélancolique ? Et si cette berquinade est, par là-dessus, pittoresque et savoureuse, si elle est tout imprégnée de sel marin, toute pénétrée d’une odeur d’algues, toute traversée par les grands souffles salubres qui viennent du large, irons-nous chicaner sur notre plaisir ! Irons-nous dire : « Oui, les vers sont beaux ; oui, tout l’accessoire est d’excellente qualité ; mais qui donc eut attendu de l’auteur de la Chanson des gueux un drame aussi innocent ? Cela me désoriente et me scandalise que le poète des Blasphèmes ait eu le front de nous montrer de si braves gens, des âmes si vraiment religieuses et si entièrement soumises à la loi du devoir. Ce poète nous a trompés. Il n’est plus révolté du tout ; ses flibustiers sont des moutons, c’est nous qu’il flibuste, si j’ose m’exprimer ainsi. Horreur ! Il y a dans son drame des passages qui font songer à Michel et Christine de M. Scribe, le moins Touranien des hommes. Cela est-il supportable ? »
Pour moi, je l’avoue, je n’en suis pas allé chercher si long. J’ai pris la comédie de M. Jean Richepin pour ce qu’elle est, et j’en ai joui comme d’une jolie histoire sentimentale, vraie à demi et merveilleusement encadrée. Et j’ai songé : « Admirons les effets de la grâce divine, ou simplement peut-être de cette douceur, de cet assagissement, de cette résignation, de cette sérénité qu’apporte l’expérience aux âmes bien nées ! Juste au moment où Maurice Bouchor fait sa prière à tous les dieux, voilà que l’homme aux yeux d’or et à la peau cuivrée, qui a si savamment rugi les Blasphèmes, s’attendrit à son tour, et qu’il se penche avec respect sur de bonnes âmes, aryennes jusqu’à la plus scrupuleuse vertu… Je vais maintenant guetter le Courrier français. Un de ces jours, nous aurons la joie de constater l’éveil du sentiment religieux chez Raoul Ponchon.
Émile Faguet
Loin de moi la pensée de protester contre le beau succès que le public n’a point marchandé à M. Richepin. Dans l’applaudissement chaleureux dont il a été salué, il faut voir le goût passionné de la poésie et de l’éloquence, et une sorte de reconnaissance exprimée par des lettres à un homme qui peut se tromper sur l’agencement d’un drame, mais qui a le feu sacré, l’enthousiasme entêté pour les belles sonorités et les beaux rythmes, et qui manie la langue poétique comme personne, à ma connaissance, ne sait faire en ce moment. Je voudrais y voir aussi une petite amende honorable au public qui n’a pas fait aux beaux poèmes de la Mer, très mêlés, je sais bien, mais où l’on trouve des choses exquises, de véritables petits chefs-d’œuvre, un accueil aussi empressé qu’ils le méritaient. M. Richepin, très jeune encore, a tout un beau passé poétique, et il est une magnifique espérance. Parbleu, ce n’est pas une affaire : il a ce qui ne s’acquiert pas ; il liera mieux sa charpente dramatique une autre fois.
Jules Barbey d’Aurevilly
On peut être trompé, surtout en fait d’âmes, dans ce monde épais et sans transparence, mais, jusqu’à nouvel ordre, il me fait l’effet d’en avoir une, ce monsieur Richepin. Il méfait, lui le Villonesque et le Rabelaisien, l’effet d’avoir ce que n’avaient ni Villon, ce polisson auquel ce diable de Louis XI, si bon diable, épargna la corde, ni Rabelais, cet impitoyable génie du rire à outrance, qui aurait eu tout s’il avait eu du cœur ! Le poète de la Chanson des gueux ne les peint pas que de par dehors, pour le seul plaisir île faire du pittoresque. Malgré l’osé, le cru, et même le cynique, à quelques endroits, de sa peinture, ce n’est nullement un réaliste de nos jours. Il est mieux que cela. Il a l’âme ouverte à tous les sentiments de la vie, et il les mêle — et fougueusement — à ses peintures. Il sait s’incarner dans les gueux qu’il peint Mais il n’a pas, malheureusement, il faut bien le dire, le seul sentiment qui l’aurait mis au-dessus de ses peintures, le sentiment qui lui aurait fait rencontrer cette originalité que Villon, Rabelais et Régnier ne pouvaient pas lui donner. Il n’a pas le sentiment chrétien. — Je veux pourtant vous dire ce qu’il est, ce talent qui aurait dû monter jusqu’au génie pour être digne du sujet qu’il n’a pas craint d’aborder. Incontestablement, ce talent est très grand. L’homme qui chante ainsi est un poète. Il a la passion, l’expression, la palpitation du poète…
Quand, après la Chanson des gueux, M. Jean Richepin publia son volume
des Blasphèmes, on put voir clairement pourquoi il avait oublié
le Christianisme et son influence sur les pauvres dont il écrivait l’histoire.
C’est que M. Jean Richepin,
bien loin d’être un chrétien, était un athée et un athée qui s’en vantait avec
emphase. On aurait pu dire de son livre ce qu’on dit un jour de l’affreux Richard
Cœur-de-Lion : « Prenez garde à vous, le diable est
déchaîné »
… Le livre des Blasphèmes est la conséquence très simple de l’état général des esprits.
D’invention, il n’a pas la moindre originalité, et, socialement, il ne suppose
aucun courage. Si son siècle n’était pas ce qu’il est, M. Richepin n’aurait pensé ni publié
son livre ; mais il est de son siècle, il le connaît… et il l’a chanté.
Marcel Fouquier
La Chanson des gueux fut un succès. Ce n’est pas que bien des pièces du livre, surtout celles écrites en argot, ne soient d’assez faciles exercices de rhétoricien qui s’encanaille en l’honneur de Villon ou qui n’est point mécontent de dépasser l’auteur des Réfractaires sur le chemin frayé par lui. Mais je ne veux en rien rabaisser le mérite ni l’originalité du poète. Il a peint avec verve, parfois avec vérité, les gueux des champs et les gueux des faubourgs. Il a aussi gravé des eaux-fortes d’une attaque franche de curieuses vues de Paris, terrains vagues blancs de gravats et rôtis de soleil, va-et-vient pressé de la foule au travers des rues, où tremblotent des clartés vagues dans la brume, à la pointe de l’hiver.
Lucien Muhlfeld
M. Jean Richepin continue les drames de Victor Hugo ; ce n’est pas une raison pour aller voir Par le glaive. — C’est ennuyeux, mais il y a de beaux vers. — Pardon, c’est ennuyeux, mais les vers ne valent rien. Démonétisés depuis cinquante ans.
Philippe Gille
Le livre de M. Jean Richepin : Mes paradis, se divise en trois parties : Viatiques, Dans les remous, les Îles d’or. Les deux premières se composent de pièces dans lesquelles on retrouvera toute l’énergie, la liberté d’allure des Blasphèmes, bien que les tendances en soient diamétralement opposées ; c’est la tolérance qui, cette fois, est la note dominante du livre. Quant aux Îles d’or, il est nécessaire, pour naviguer dans leur archipel, d’être muni d’un pilote. Disons tout d’abord que la conclusion de l’œuvre est qu’il y a, dans chaque individu, des milliers de « moi » et qu’il est fou d’espérer pouvoir les réduire à un seul, absolu, unique ; il ne faut, par conséquent, pas chercher un paradis, mais des paradis sans nombre ; le poète nous les montre dans les Îles d’or, qui ne sont autre chose que les bonheurs épars qu’il est permis à chacun de conquérir ou de rêver… On retrouve, dans ce volume, écrit avec une prodigieuse facilité, toutes les brillantes qualités du grand producteur qu’est M. Richepin ; un critique lui souhaitait dernièrement plus de méditation, plus d’hésitation avant de lancer un ouvrage : pièce, roman ou poème ; moi je conseillerai à M. Richepin de prendre acte de ce conseil bienveillant, mais de n’en point profiter. Il a l’abondance, il a le jet, c’est le don exceptionnel, important en art.
Gustave Kahn
Le Théâtre chimérique de M. Jean Richepin n’est pas seulement chimérique, ce n’est pas du théâtre du tout. D’ailleurs, M. Richepin a dû, ce jour-là, prendre le mot théâtre dans une de ses vieilles acceptions, — théâtre de l’Europe…, théâtre des curiosités de… Cette réserve faite (elle est sans importance), toutes ces saynètes, qui se jouent elles-mêmes dans un cerveau de littérateur, cette indignation contre le bourgeois non artiste qui soulevait déjà le poète de la Chanson des gueux … C’est cette haine qui inspire les saynètes où Polichinelle triomphe de Pierrot, dans cette gamme de la concurrence vitale qui s’appelle la peinture des portraits, en démontrant la supériorité du miroir où l’on se voit, de ses yeux prévenus, sur la tenace recherche technique et le souci de pittoresque et de caractère qu’un peintre peut posséder. C’est une ironie de philosophe qui inspire Pied, valet de Faust, enseignant au savant docteur les sciences de l’ignorance et de la nature. Le Pilori est une parade vivement enlevée, et il y a une belle allure dans l’intermède philosophique intitulé : Propriété littéraire. C’en est assez pour faire lire avec plaisir ce livre tourmenté. Car M. Jean Richepin est un des esprits les plus tourmentés de l’heure présente. Malgré l’apparence calme d’une philosophie nihiliste dont Pierrot, dans la conférence même qui termine ce volume, nous donne la formule familière et abrégée, M. Richepin est un inquiet. Cela se sent à ses articles, à ses livres ; et son besoin de se renouveler s’affirme par tout un travail pour la présentation de l’idée ; que ce travail soit d’apparence clownesque comme ici, sérieux comme entre d’autres choses de lui, il n’en existe pas moins, précieux à constater. C’est intéressant et surtout méritoire ; ce n’est pas un chef-d’œuvre, ce Théâtre chimérique, tant s’en faut ; mais c’est un livre vigoureux ; et puisque nous parlons ici de M. Richepin, je voudrais réveiller le souvenir d’un roman de lui, très ferme, très curieux en son originalité réussie, le Cadet, un roman de la terre et de la propriété, qui n’est peut-être pas considéré par tous à sa vraie valeur.
Romain Coolus
Si, pour mon humble part, je n’aime guère le Chemineau dont le romantisme conventionnel, le touranisme d’imagerie et les paradoxes ruraux me déconcertent, je ne puis m’empêcher d’être joyeux du succès qu’il a obtenu, parce que les pires erreurs de Richepin sont encore des erreurs de poète, d’emballé, d’homme capable de se passionner pour un tas de choses indifférentes à un tas de gens ; et cela est extrêmement sympathique. On a l’impression d’écouter les confidences d’un tout jeune homme qui déborde d’enthousiasme, et il n’est pas d’enthousiasme si ingénu dont on ne finisse par subir la contagion — un peu. Ce jeune homme, naïf et délicieux, croit encore comme le Callot de M. Cain aux Bohémiens, comme Richepin aux Chemineaux. Un homme qui va sur la grand route et qui n’a rien, rien que le mystérieux trésor de l’aventure, c’est toute l’indépendance, toute la Chimère, la Vie libre et la Joie, en un mot la Poésie totale. Illusion attendrissante, qu’il serait cruel peut-être de faire évanouir ! Laissons le poète des Gueux croire et les foules avec lui à ces chemineaux vertueux qui proclament leurs devoirs paternels et se souviennent vingt ans après des filles qu’ils engrossèrent. Respectons les joies simples des simples et ne médisons pas des albums d’Épinal en qui leurs âmes trouvent, malgré tout, des motifs de rêve et de désintéressement.
Et puis, quoi que l’on puisse dire contre la rhétorique verbeuse de Richepin et le fâcheux lyrisme de ses paysans hétéroclites, il faut encore lui avoir quelque reconnaissance de retenir des spectateurs aux œuvres dramatiques en vers. Non que je croie à la renaissance possible du grand drame à la Hugo, tel que l’ont pratiqué, les derniers, Coppée et Richepin, de pâles Borniers et d’effacés Parodis. Mais Banville aura des successeurs, et le théâtre verra fleurir des œuvres lyriques fantaisistes, tendres et farces simultanément, qui peut-être n’auraient plus de public si des entreprises comme le Chemineau ne maintenaient en appétit de rythmes et d’images les attentions contemporaines.
Francisque Sarcey
(Le Chemineau.) L’Odéon nous a donné le Chemineau, drame en vers, de M. Jean Richepin. C’est une œuvre considérable…
Le Chemineau a obtenu le premier jour un succès étourdissant… J’ai rarement vu une salle plus emballée. Peut-être les publics qui viendront après nous voir le Chemineau auront-ils l’admiration plus calme. Mais je serais bien étonné s’ils ne trouvaient pas de quoi s’y plaire…
Il est délicieux, il est exquis, ce premier acte ; tout parfumé de l’odeur des blés qu’on coupe, tout égayé des chansons qui voltigent dans l’air, tout illuminé de poésie. Enfin ! la voilà donc, cette charmante, cette idéale langue du vers appliquée de nouveau aux détails de la vie rustique, et appliquée avec un art merveilleux par un incomparable virtuose. Comme ce vers est simple tout ensemble et savoureux ! comme il relève par l’image ou par le rythme la familiarité voulue de l’expression ! C’est un enchantement que ce style, qui reste franc et aisé, tout en étant très composite.
Vous ne sauriez croire quel en a été l’effet sur le public de l’Odéon. Nous étions tous charmés. Voilà bien longtemps que je dis qu’au théâtre, le Français n’aime au fond que le drame en vers et le vaudeville ! Jamais cette vérité n’a été mieux prouvée que l’autre jour.
Henry Fouquier
… J’ai même entendu qualifier le Chemineau de livret d’Opéra-Comique et d’exercice de rhétorique. Je veux bien. Seulement, c’est une bonne rhétorique, et j’aime mieux une bonne déclamation de rhétorique qu’une œuvre de génie manquée. Et le public a été de cet avis.
… Ceci forme un petit drame simple, exquis par sa simplicité même. Ce ne sont que des tableaux de la vie champêtre, un peu arrangés par un Florian romantique, mais délicieux, une fois qu’on est entré dans une convention qui n’est même pas plus de la convention que celles du théâtre « rosse ». J’aime moins les derniers actes.
… Le Chemineau n’en reste pas moins une œuvre intéressante, d’un joli travail, qui sera écoutée avec plaisir par ceux à qui les pures lettres suffisent pour l’intérêt d’une soirée.
Robert de Souza
M. Jean Richepin sut, en se servant des éléments traditionnels, donner à certaines de ses poésies la verdeur et le mouvement qui conviennent. C’est par ce côté surtout qu’il marquera comme poète original. Il nous le découvre moins dans sa Chanson des gueux, si heureusement renouvelée ces temps-ci par les Soliloques du pauvre, de M. Jehan Rictus, que dans certaines pages des Blasphèmes et de Mer. Mais il ne rend que le mouvement extérieur avec des développements trop suivis et trop longs, des strophes tout en gestes, pour ainsi dire, où sont loin de paraître les jolies sentimentalités et les traits mystérieux du lyrisme rustique.