Chapitre XVI.
Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion.
Ignorer sa Religion, c’est méconnoître les véritables biens de l’homme. Il n’y a point d’étude plus importante & plus négligée. Il ne seroit pas pardonnable à un littérateur, qui veut former une Bibliothèque, de négliger les livres qui peuvent l’instruire de sa croyance & de ses devoirs. Ce n’est pas qu’on exige de lui des connoissances profondes. On ne veut pas qu’un laïque palisse sur les difficultés de l’Ecriture sainte, qu’il cherche les dogmes de l’Eglise dans la tradition ; qu’il étudie les casuistes & les scholastiques. Une telle étude est plus propre aux Théologiens qu’au commun des lecteurs, pour lesquels il ne faut que des livres dont la lecture ne coûte aucune fatigue.
Le fondement de la Bibliothèque d’un chrétien est la Bible. Nous en avons plusieurs traductions. Les meilleures sont celles de Saci & du Pere Carrieres de l’Oratoire, imprimées l’une & l’autre en plusieurs formats différens. La derniere mérite peut-être la préférence, parce que les petites notes qu’on a insérées dans le texte, dispensent du travail d’un commentaire. Si cependant on vouloit en avoir un, il faudroit donner la préférence à celui de D. Calmet en vingt-six vol. in-4°. On l’a abrégé en seize volumes in-4°., & cet abrégé se réimprime à Avignon chez Merande. Il est écrit avec plus de précision, que le grand ouvrage ; mais il y a moins d’érudition ; & l’on a omis plusieurs remarques, que les attaques continuelles des incrédules rendent nécessaires dans ce siécle.
Le Dictionnaire de la Bible, du même Bénédiction, en 4. vol. in-fol., est un livre aussi curieux qu’instructif. Il y a aussi un petit Dictionnaire de la Bible en deux vol. in-8°. ; mais l’auteur s’est plus attaché à abréger M. M. Duguet & Mezangui, qu’à dépouiller les savans articles de D. Calmet. Son ouvrage est pourtant utile dans son genre, & il paroît fait avec soin.
A côté de la Bible, il faut un bon Catéchisme. Je n’en connois pas de meilleur, de plus exact, de mieux fait, de plus sçavant que celui de Montpellier. Le Pere Pouget qui le composa par l’ordre de M. Colbert, Evêque de cette ville, étoit un homme du premier mérite. L’Exposition de la Doctrine Chrétienne, par M. Mezangui, ne doit pas être séparée du Catéchisme de Montpellier. Avec ces deux livres, on aura tout ce qu’il faut pour s’instruire solidement. Ils sont pleins de lumiere & de sagesse. Il faut choisir pour l’un & pour l’autre l’édition in-4°.
Les efforts des incrédules contre la Religion ayant redoublé depuis quelque tems, il faut se prémunir de bonne heure. Mais il ne faut pas trop entasser en ce genre, comme dans les autres. Il vaut mieux se borner à quelques bons livres, les lire & les relire.
Les Pensées de Pascal offrent le germe de tout ce qu’on peut dire pour ou contre la Religion. Ce petit recueil, dit M. l’Abbé Trublet, est un gros volume pour les lecteurs intelligens. Un Poëte moderne l’a attaqué sans succès.
Le Traité de la Religion Chrétienne par Abbadie, en trois vol. in-12., est l’ouvrage le plus fortement pensé & le plus solidement écrit que nous ayions sur cette matiere.
Il y a d’excellentes choses dans la Religion prouvée par les faits, de l’Abbé Houtteville, en trois vol. in-4°., & quatre vol. in-12. ; mais l’auteur a trop cherché l’esprit & les belles phrases.
Parmi les apologistes modernes de la Religion on distingue M. M. François & Bergier. Il seroit seulement à souhaiter que le premier fût moins diffus & le second plus approfondi. Son meilleur écrit est son Apologie de la Religion Chrétienne contre Boulanger, en deux vol. in-12. Ce livre ne mérite que très-rarement le reproche que nous lui faisons. Les écrits de Mr. François sont les Preuves de la Religion de J. C., en quatre vol. in-12. ; la Défense de la Religion en 4. vol. in-12. ; l’Examen des faits qui servent de fondement à la Religion Chrétienne, en 3. vol. in-12., & ses Observations sur le Dictionnaire philosophique & la Philosophie de l’histoire, en deux vol. in-8°.
L’auteur de ces productions impies a été attaqué dans plusieurs ouvrages solides. De ce nombre sont l’Oracle des nouveaux Philosophes, par l’Abbé Guion, les Erreurs de V.** par l’Abbé Nonotte. On ne peut douter de la bonté de ces deux livres, car ils ont fait vomir à l’auteur réfuté un torrent d’injures. Cet écrivain a été très-bien démasqué dans d’autres écrits, tels que le Supplement à la philosophie de l’histoire, in-8°., le Dictionnaire antiphilosophique, in-8°., ; les Lettres d’une mere à son fils sur la Religion Chrétienne, trois vol. in-12.
M. Rousseau de Genève occupe aussi une place dans ces réfutations, & ce n’est pas sans raison, quoiqu’il se montre moins acharné à détruire la Religion, & qu’il n’ait pas insulté, comme a fait M. de V.** tous ceux qui ont voulu la défendre.
Le Philosophe jugé au tribunal de la raison, par l’Abbé le Masson des Granges, est un livre plein de choses neuves & bien pensées.
Ce n’est pas assez de connoître les preuves de sa Religion ; il faut s’animer à en pratiquer les devoirs. Rien n’y contribue plus que la lecture des livres de piété. Nous en avons un grand nombre, & l’on se perd dans cette foule. Le premier de tous est l’Imitation de J. C., le plus bel ouvrage qui soit sorti de la main des hommes, dit Fontenelle, & certainement le plus propre à calmer les troubles du cœur & les inquiétudes de l’esprit.
Le dernier siécle a produit un très grand nombre d’écrivains ascétiques ; nous en avons eu aussi beaucoup dans celui-ci qui méritent d’être distingués.
Nicole est non-seulement propre aux Philosophes ; il est encore très-utile aux Chrétiens qui veulent faire des progrès dans la vertu. Son style est froid, mais ses raisonnemens sont profonds, & il tire d’un sujet toutes les réfléxions qu’il fournit.
Duguet est plus ingénieux que Nicole ; il est solide, il est touchant. On voudroit seulement que ses phrases fussent moins coupées, & que son esprit ne roulât pas sans cesse sur les mêmes réfléxions. Il a plus de tours que de pensées.
Les Œuvres spirituelles de Fénelon, sont le fruit d’une belle ame & d’un cœur sensible qui aime & qui fait aimer la vertu ; mais il y a une petite teinture de quiétisme, qui pourroit produire de mauvais effets sur les esprits foibles.
Quoique les ouvrages de spirituelité de M. Bossuet manquent d’onction, on les lit avec fruit, parce qu’ils sont pleins d’idées élevées, & que la Religion y est toujours peinte en grand.
Voilà, ce me semble, les auteurs qui doivent suffire à un laïque, à moins qu’il ne voulût avoir un cours de morale pour toute l’année, & alors il lui faudroit une Année Chrétienne. Quelques lecteurs donnent la préférence à celle de le Tourneux en 13. vol. in-12. ou à son Abrégé en six tomes. D’autres conseillent celle du P. Croiset, en 18. vol., qui n’a pas passé avec les Jésuites & une partie de leurs livres. Ils en ont produit d’excellens qui leur survivent.
Il est inutile de recommander la lecture de l’Histoire sacrée & ecclésiastique & celle de la vie des Saints ; ces livres ont des charmes mêmes pour ceux qui ne se consacrent pas à la piété. Nous avons indiqué les meilleurs dans les chapitres de l’histoire.