DUCLOS, [Charles] Historiographe de France, Secrétaire perpétuel de l’Académie Françoise, Membre de celle des Inscriptions & Belles-Lettres, de la Société Royale de Londres, de l’Académie de Berlin, né à Dinant en Bretagne, mort à Paris en 1772.
Malgré tant d’honneurs littéraires & un grand nombre d’Ouvrages, nous doutons que cet Auteur, estimable à quelques égards, jouisse d’une longue vie dans la Postérité. Ce n’est pas assez d’avoir de l’esprit, de savoir bien sa langue, d’écrire d’un style sentencieux & imposant ; il faut des remparts plus solides pour se garantir des insultes du temps. Le génie seul, & le génie exercé sur de grands objets, ou sur des objets utiles, peut transmettre les Productions aux siecles à venir ; & ce rare présent n’est pas celui que la Nature a fait à M. Duclos.
L’Histoire de la Baronne de Lus, les Confessions du Comte de ***, sont réellement des Ouvrages bien écrits, pleins d’esprit & de sagacité ; le dernier principalement passera pour un Roman original ; mais ses Ouvrages ne seront, après tout, que des Romans qu’on ne relit pas deux fois. Les bons Livres utiles ont seuls le privilége de ranimer l’attention, sans la rassasier ni la fatiguer.
La Préface d’Acajou a bien pu en imposer d’abord par une morgue qui ne domine que les petits esprits : nos descendans n’y verront qu’une hardiesse de systême, & le reste de cette ingénieuse bagatelle, inférieure aux Confessions, sera réduit à sa juste valeur.
L’Histoire de Louis XI est-elle destinée à un meilleur sort ? Nous pensons encore qu’elle n’est point un de ces Ouvrages capables d’assurer une réputation. Le style qui y regne, annonce, nous en convenons, une plume exercée, le ton d’un Critique pénétrant, qui croit démêler le principe des actions & apprécier justement les hommes ; mais des Critiques plus pénétrans retrouvent trop souvent le Romancier dans l’Historien, le Bel-Esprit académique dans l’Ecrivain, l’homme à prétention dans le Moraliste. Quelque indulgence qu’on soit disposé à avoir pour cette Histoire, peut-on se dissimuler qu’elle n’ait une touche romanesque ? qu’elle ne soit semée de traits peu mesurés ? défigurée par des réflexions trop libres & trop fréquentes, par des pointes satiriques, par des digressions superflues ? que le style, en un mot, n’en soit brusque, tranchant, sans aucune liaison, & par-là, d’une aridité qui fatigue, & démontre combien l’affectation d’esprit & de philosophie desseche le cœur & les Lettres ?
Ce que M. Duclos a fait de plus estimable, ce sont, sans contredit, ses Considérations sur les mœurs de ce Siecle, & les Mémoires qui en sont la suite. Une connoissance profonde des hommes, des pensées neuves, des caracteres bien saisis, des peintures vraies, des réflexions justes, en font aimer la lecture à ceux qui ne sont pas révoltés par un certain pédantisme qui ne devroit pas se trouver au milieu des belles qualités que nous venons d’y reconnoître. Quoique l’élocution en soit souvent seche & décousue, & qu’il y ait bien loin de M. Duclos à la Bruyere, soit par la maniere, soit par le fond, il est cependant peu d’Ecrivains parmi nos Littérateurs, & sur-tout nos Littérateurs Philosophes, qui aient su racheter leurs défauts par autant de mérite. On trouve du moins à s’instruire dans ses Considérations * & dans ses Mémoires ; avantage qu’on chercheroit en vain chez la plupart de ceux qui ont voulu mettre la Philosophie en belles phrases.