Quillard, Pierre (1864-1912)
[Bibliographie]
La Fille aux mains coupées (1886). — Étude phonétique et morphologique sur la langue de Théocrite dans les « Syracusaines », avec M. Collière (1888). — La Gloire du Verbe (1890). — L’Antre des nymphes, de Porphyre, trad. (1893). — Le Livre des mystères, de Jamblique, trad. (1895). — Lettres rustiques de Claudius Ælianus, trad. (1895). — Philoktétès de Sophocle (1896). — La Lyre héroïque et dolente, poème (1897). — L’Assassinat du Père Salvatore (1897). — Monument Henry (1899). — Les Mimes d’Hérondas, trad. (1900).
OPINIONS.
A.-Ferdinand Hérold
Pierre Quillard n’avait publié que peu de vers, lorsque, avec Éphraïm Mikhaël et quelques autres, il fonda une intéressante revue littéraire : La Pléiade. C’est là que parut La Fille aux mains coupées, un mystère où, à des vers lyriques, sonores et doux, variés de rythmes et riches d’images, étaient mêlées des proses descriptives, savantes et harmonieuses. Depuis lors, Pierre Quillard a donné La Gloire du Verbe, un recueil de beaux poèmes qui symbolisent la suite des idées et des visions d’un homme qui rêve et qui pense.
Remy de Gourmont
M. Pierre Quillard a réuni ses premières poésies sous un titre qui serait, pour plus d’un, présomptueux : La Gloire du Verbe. Oser cela, c’est être sûr de soi, c’est avoir la conscience d’une maîtrise, c’est affirmer tout au moins que, venant après Leconte de Lisle et après M. de Heredia, on ne faiblira pas en un métier qui demande, avec la splendeur de l’imagination, une certaine sûreté de main.
Gaston Deschamps
La Lyre héroïque et dolente est martelée d’un plectre sûr par M. Pierre Quillard, dont les rimes quelquefois semblent forgées sur l’enclume cyclopéenne de Leconte de Lisle.
Gustave Kahn
M. Pierre Quillard réunit sous ce titre : La Lyre héroïque et dolente, ses courts lieder et ses évocations longues autour de deux poèmes dramatiques, l’Errante et la Fille aux mains coupées, déjà depuis longtemps connus et même représentes. M. Pierre Quillard est le plus caractéristique des poètes qui, tout en restant, pour la forme et le rythme, absolument fidèles à la technique parnassienne, se retrempent, pour le fond, dans les nouveaux courants poétiques. Tout en souhaitant que M. Pierre Quillard s’évade de ce musée aux blanches figures antiques dont il étudie et retrace sans cesse les immobilités, il faut convenir qu’il a le don du vers condensé et de l’image évocatrice, mais évocatrice du passé. Qualités et défauts de cet art se trouvent pour le mieux synthétisés, pour son point de départ, d’un vers trop martelé, aux timbres uniformes, dans l’Aventurier, et pour son point d’arrivée, au Jardin de Cassiopée, vers plus libres, plus larges, mieux disposés. Il serait injuste aussi de ne point signaler comme une page élevée et robuste les derniers vers de l’Errante. Tout le livre de M. Pierre Quillard porte d’ailleurs la marque d’une haute et noble ambition d’art.
Henri de Régnier
M. Pierre Quillard est fortement nourri des belles-lettres antiques, aussi a-t-il droit plus que tout autre d’intituler ainsi son livre ; mais il aime et connaît l’antiquité assez pour ne pas la réduire à des pastiches, à la façon littérale de cette bonne École Romane. Il a pris à la fréquentation les Muses helléniques et latines une gravité harmonieuse et hautaine, un reflet lumineux et calme. Lisez ses belles élégies héroïques : le Dieu mort, Ruines, les Vaines Images, qui sont Psyché, Hymnis et Chrysarion, le Jardin de Cassiopée, la Chambre d’amour, et goutez-en la beauté amère et sereine, l’âcre et doux parfum, la cadence sonore. Elles disent l’Amour, la Mort et le Temps, elles exhalent une mélancolie stoïque et païenne ; elles sentent la rose et le cyprès ; il y rôde une odeur de Bois sacré.
M. Pierre Quillard en a célébré les « farouches clairières » dans un de ses plus beaux poèmes légendaires. M. Quillard a écrit quelques grandes fresques mouvementées, d’un dessin hardi, d’une couleur sobre. On connaît l’Aventurier, le Prince d’Avalon, les Voix impérissables et d’autres encore, d’une imagination puissante, d’une fougue concise et d’une précieuse matière verbale. Ce sont les vers d’un poète très conscient et très réfléchi, et oui forment, si l’on peut dire, les colonnes du livre de M. Quillard. C’est un beau fronton, et les figures qui y sont sculptées valent par l’ampleur du geste et la robuste musculature. Des fleurs poussent aussi aux marches du temple. J’en ai respiré d’exquises.
Paul Léautaud
En 1891, M. Pierre Quillard commença sa collaboration au Mercure de Franco, reparu depuis un an, et où il devait donner tour à tour des poèmes, des pages de prose, et ces études de littérature et de critique qui vont de Stéphane Mallarmé à Georges Clemenceau, en passant par Laurent Tailhade, Bernard Lazare, Henri de Régnier, Anatole France, Paul Adam, José-Maria de Heredia, Remy de Gourmont, Théodor de Wyzewa, Albert Samain, Rachilde, Leconte de Lisle, André Fontainas, , Émile Zola et Gustave Geffroy, et qu’il n’a point encore réunies en volume. En 1898, M. Pierre Quillard partit pour Constantinople, où il fut, jusqu’en 1896, professeur au collège arménien catholique Saint-Grégoire l’Illuminateur et à l’École centrale de Galata. C’est pendant ce séjour en Orient, où il devait retourner, en 1897, suivre, pour le compte du journal l’Illustration, les opérations de la guerre gréco-turque, qu’il écrivit l’Errante, poème dialogué et qui fut représenté au Théâtre de l’Œuvre, en mai 1896, et la plupart de ces pièces sous le titre général : Les Vaines Images, si pures, si harmonieuses, d’une beauté tout ensemble orgueilleuse et désabusée.