Bourdaloue, [Louis] Jésuite, né à Bourges en 1632, mort en 1704 ; le Fondateur de l’Eloquence Chrétienne parmi nous, & le plus parfait modele de cette Eloquence forte, convaincante & rapide, qui entraîne l’esprit & triomphe de la résistance.
La maniere du P. Bourdaloue a cela de particulier, que, dans ses Discours, les preuves se succedent les unes aux autres, avec un ordre & un développement qui ajoutent un nouveau degré de lumiere aux premieres idées qu’il met en avant. Il ne se borne pas, comme la plupart des Orateurs, dont le seul talent est de savoir raisonner, à des discussions seches & purement méthodiques ; il joint la chaleur à la netteté des pensées, & la véhémence à la justesse des raisonnemens. Il sent tout ce qu’il conçoit ; ce qui donne à sa Dialectique une ame & une vie qui en communiquent toute l’activité, soit à l’Auditeur, soit au Lecteur. Son style est aussi simple que noble, aussi clair que profond, aussi nombreux qu’énergique. La Lecture des Saints Peres avoit enrichi son esprit de cette abondance de preuves qu’il développe avec supériorité, & auxquelles son génie ajoute une nouvelle force, qui les met dans un jour nouveau, & plus frappant que dans leur source même.
Il s’en faut bien que ses Successeurs actuels dans le Ministere Evangélique suivent une semblable route : aussi sont-ils bien éloignés de rendre les mêmes services à la Religion, & de pouvoir prétendre à la même gloire. Quand on a lu un Discours de Bourdaloue, & qu’on va les entendre ensuite, il semble que l’éloquence de la Chaire ait changé d’objet. Ce n’est plus cette élocution mâle & vigoureuse, ce zele convaincant & animé, ce ton de Christianisme & de persuasion, que respirent à chaque page les Sermons de cet Orateur ; c’est le plus souvent une affectation d’esprit, une afféterie de langage, une coquetterie d’expression, une hypocrisie de sentiment, qui dégraderoient les matieres qu’ils traitent, si les grands Maîtres ne les avoient mises à l’abri du tort qu’ils pourroient leur faire.
Parce que nous sommes dans un siecle où tout se corrompt, où tout se
dégrade, la dignité de la parole de Dieu doit-elle participer à cette
contagion ? Est-ce au suffrage de quelques esprits frivoles, que
doit se borner l’homme apostolique ? Est-ce par des antitheses
pénibles, des phrases sententieuses, des détails apprêtés, des tableaux
enluminés, des apostrophes de commande, qu’on fera rougir le vice, aimer
la vertu, & respecter les vérités de la Religion ? Est-ce en
s’accommodant au ton du monde & de la société, qui n’est
que l’image des travers qui nous déshonorent, qu’on
pourra frapper les esprits & changer les cœurs corrompus ? Le
Christianisme ne doit donc reconnoître ses Défenseurs que dans ces
Orateurs qui savent employer des armes convenables à sa gloire & à
son appui. La pureté des mœurs & la conduite exemplaire du P. Bourdaloue le firent estimer de Louis XIV, & donnoient une nouvelle force à ses
prédications. Ce Prince lui dit un jour : « Mon Pere, vous
devez être bien content de moi, Madame de Montespan est à Clagny. Oui, Sire, répondit Bourdaloue ; mais Dieu seroit plus satisfait si
Clagny étoit à 70 lieues de Versailles »
. Madame de Maintenon voulut le choisir pour Directeur ; il
n’y consentit qu’à condition qu’il ne lui donneroit qu’un jour par an.
C’est ainsi, ajoute un homme d’esprit qui rapporte cette anecdote, qu’il
traitoit en grand homme une fonction dont tant d’autres ne font qu’un
métier.
Bourette, [Charlotte Renyer] ci-devant Madame Curé, plus connue sous le nom de Muse Limonadiere, née à Paris en 1714. Ce seul titre exige de l’indulgence.
Si l’on ne recherche dans les Poésies que le grand, le beau, les graces, la délicatesse, on ne fera pas grand cas des siennes ; mais si quelques traits d’esprit, de naturel, d’ingénuité sont capables, comme nous le croyons, de trouver grace aux yeux du Lecteur le plus difficile, la Muse Limonadiere pourra être regardée comme la dixieme, en laissant toutefois un très-grand intervalle entre elle & ses nobles Sœurs.