De l’expédition d’Afrique en 18308. Par M. E. d’Ault-Dumesnil, ex-officier d’ordonnance de M. de Bourmont.
Nos lecteurs9 ont accueilli avec empressement la relation si vive et si pittoresque, que M. Barchou-Penhoën a donnée de la campagne d’Alger ; on s’est plu à le suivre dans les spectacles divers qu’il nous a fortement représentés, les colorant de son impression personnelle, les entremêlant de sa réflexion métaphysique. Voici maintenant un autre témoin de la campagne d’Afrique, un autre narrateur, que nous recommandons également. M. d’Ault-Dumesnil, attaché au général en chef par sa position et aussi par les sentiments de confraternité qui l’unissaient à ses fils, à celui qui mourut en Afrique en particulier, indépendant d’ailleurs d’esprit et de caractère, a été, dès le premier jour, à même d’observer l’expédition par le centre et du côté intérieur et dirigeant. Il avait dès lors la pensée de mettre à profit cette observation de chaque jour et de chaque heure, pour écrire une histoire complète de cette grande entreprise, dont les résultats, tout négligés qu’ils sont, ne doivent pas périr. Les événements qui survinrent au retour, le jour faux et l’obscurcissement injuste où fut rejetée cette expédition glorieuse, les préjugés, parfois calomnieux, qui la dénaturaient, engagèrent M. d’Ault à ne pas attendre ; et, tout en ajournant son premier projet plus vaste, il inséra dans l’Avenir une série d’articles remarquables, où, avec une bonne foi et une indépendance pleine de mesure, il chercha à replacer à leur vrai point de vue les faits et les hommes. C’est le recueil de ces articles composant une brochure assez volumineuse que nous annonçons. Nous eussions désiré peut-être que l’auteur s’y montrât parfois moins sobre de détails personnels et des particularités épisodiques dont sa mémoire abonde, et que ceux qui l’ont entendu trouvent avec un charme infini dans sa conversation ; mais son but dans ce récit a été plus grave, plus circonscrit aux points essentiels et aux questions qui peuvent concerner l’histoire. Aucun témoignage, en effet, ne nous semble mériter plus de poids que celui de M. d’Ault, et par la situation intime de laquelle il a vu, et par l’esprit éclairé autant qu’attentif qu’il y a porté, et enfin par la véracité de sa parole. Il n’était pas de ceux qui n’aimaient dans la conquête d’Afrique qu’une distraction périlleuse et brillante, une occasion d’avancement, ou la satisfaction détournée d’une idée politique à l’intérieur. Il a vu, dès l’abord, dans l’entreprise, une conquête de la civilisation chrétienne sur la barbarie. La colonisation lui apparaissait au-delà de la guerre, et tout en lui élargissait cette pensée. Rallié de cœur aux principes de cette philosophie catholique, dont MM. de La Mennais et Gerbet sont les principaux organes, M. d’Ault ne conçoit Alger tout à fait bien colonisé que lorsqu’il sera aussi un peu évangélisé. Ses idées là-dessus qui ajoutent un élément de plus, l’élément d’esprit et de vie aux pians d’ailleurs si judicieux du maréchal Clausel, méritent d’être méditées. C’est un rapprochement sur lequel nous ne pouvons nous empêcher de revenir à l’honneur du sérieux de notre temps, que celui de deux jeunes hommes, tels que MM. d’Ault et Barchou, sachant faire, tout au sortir des états-majors, un emploi aussi élevé de leurs loisirs. M. Barchou, puisque nous l’avons nommé, nous prépare en ce moment une série d’articles sur les systèmes métaphysiques de l’Allemagne, dont ceux qu’il a publiés déjà sur M. Ballanche et sur Fichte font suffisamment augurer. M. d’Ault, attaché aux travaux de l’Avenir jusqu’à sa cessation, et depuis aux études intérieures que poursuit cette école de philosophie religieuse, professait cet hiver, parallèlement à MM. Gerbet et de Coux, un cours où il s’occupait de la littérature espagnole, considérée comme littérature catholique.