Le Goffic, Charles (1863-1932)
[Bibliographie]
Amour breton (1889). — Traité de versification (1890). — Les Romanciers d’aujourd’hui (1890). — Chansons bretonnes (1891). — Le Crucifié de Kéraliès (1892). — Le Centenaire de Casimir Delavigne (1893). — Morceaux choisis des écrivains havrais (1894). — Passé l’Amour (1895). — Gens de mer (1897). — Morgane (1898). — La Payse (1898). — Le Bois dormant (1889-1899-1900).
OPINIONS.
Anatole France
Au sortir des études, Charles
Le Goffic fit des vers, et ils parlaient d’amour, et cet amour était
breton. Il était tout Breton, puisque celle qui l’inspirait avait grandi dans la
lande, et que celui qui l’éprouvait y mêlait du vague et le goût de la mort. Le
poète nous apprend que sa bien-aimée, paysanne comme la Marie de Brizeux, avait dix-huit ans et se
nommait Anne-Marie… Le poète semble bien croire que, si l’amour est bon, la mort
est meilleure. Il est sincère, mais il se ravise presque aussitôt pour nous dire
sur un ton leste, avec Jean Paul,
que « l’amour, comme les cailles, vient et s’en va aux temps
chauds »
. Au reste, je n’essayerai pas de chercher l’ordre et la suite
de ces petites pièces détachées qui composent l’Amour breton, ni
de rétablir le lien que le poète a volontairement rompu. C’est à
dessein qu’il a mêlé l’ironie à la tendresse, la brutalité à l’idéalisme. Il a
voulu qu’on devinât le joyeux garçon à côté du rêveur et le buveur auprès de
l’amant… Comme art, le poème de M. Le Goffic est rare, pur, achevé.
Ferdinand Brunetière
Ces vers donnent une impression unique de grâce triste et souffrante. Cela est à la fois très simple et très savant… Il n’y a que Gabriel Vicaire et lui à toucher certaines cordes de cet archet-là, celui d’un ménétrier de campagne qui serait un grand violoniste aussi.
Charles Maurras
Si Le Goffic a profité de la divine aventure, je ne veux pas laisser aux seuls amis d’amour breton la peine d’en décider, et ce n’est pas moi non plus qui irai l’assumer. Mais je voudrais dire la joie qui, le printemps dernier, envahit tous les épris de bons poèmes lorsque ces strophes sans reproches déroulèrent les vibrances et les ondulements de leur cantique. Le délicat psychologue des Aveux ne revenait pas d’étonnement ni d’émotion. Les vers de M. Le Goffic, disait Paul Bourget, « donnent une impression unique de grâce triste et souffrante. Cela est à la fois très simple et très savant… Il n’y a que Gabriel Vicaire et lui à toucher certaines cordes de cet archet-là, celui d’un ménétrier de campagne qui serait un grand violoniste aussi. » M. Bourget aurait pu ajouter que la note bretonne de Le Goffic est moins purement individuelle que la note bressane de Vicaire ; ses deuils s’agrandissent de tous les deuils de sa race, et c’est l’amour de tout un peuple qui soupire et gémit dans ses amours, un long chœur de Bretonnes et de Bretons accompagnant son sanglot des leurs, alentis à travers l’Océan immense :
Les Bretonnes au cœur tendrePleurent au bord de la mer,Les Bretons au cœur amerSont trop loin pour les entendre.
Et l’idiome de Le Goffic est d’une perfection égale à celui que parle Vicaire : rien de hâtif, rien de laissé au hasard, de banalement « inspiré », n’y traîne, bien que tout y soit le retentissement élargi d’une voix de l’âme.