(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 115-117
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 115-117

DAQUIN de Chateau-Lyon , Docteur en Médecine, fils du célebre Organiste, né à Paris en 17..

Auteur de plusieurs petites Brochures, pleines d’hérésies, en matiere de goût & de jugement. Il s’y tue à louer M. de Fontenelle, qui ne dut pas être fort sensible à la tournure & au style de ses éloges. Les Lettres du Chevalier d’H*** y sont trouvées admirables. Qu’on juge, après cela, du cas qu’on doit faire d’une Epître sur la corruption du goût, composée par ce même Auteur. Son style est si plat, si niais, si dégoûtant, qu’il n’est comparable qu’à celui de Jeannot dans la Piece intitulée les Battus payent l’amende. On diroit qu’il a fait son cours de Rhétorique sous les Charniers. Voici une de ses anecdotes sur M. de Fontenelle ; elle donnera une idée de sa maniere de narrer. « Un Etranger entrant dans Paris, demande à la Barriere la demeure de M. de Fontenelle. Curieux au dernier point de voir cet homme illustre, les Commis, fort embarrassés, & ne pouvant résoudre la difficulté, lui disent nettement qu’ils n’en savent rien. Comment, reprit avec colere l’Etranger, vous n’en savez rien ! Vous voulez donc vous moquer de moi ! Non, Monsieur, disent humblement les Commis. Ah ! c’est affreux, s’écrie-t-il plus en colere que jamais, il ne sera pas dit que vous me célerez plus long-temps la demeure de ce grand homme. Déja il s’apprêtoit à battre ces pauvres gens, il ne se pouvoit plus retenir ; on vient au secours, & l’affaire n’alla pas plus loin. L’Etranger furieux continue son chemin, en ne cessant de répéter : Quoi donc, aux Barrieres ne pas savoir la demeure de M. de Fontenelle ! Quelle ignorance ! C’est un homme connu par-tout l’Univers. »

M. Daquin a fait aussi des Contes en Vers, qu’il a publiés sous le nom d’un Petit Cousin de Rabelais. Nous ignorons s’il est vraiment un des parens de cet Auteur ingénieux & ordurier ; mais nous pouvons assurer qu’il n’a rien de commun avec lui que la licence scandaleuse de ses Vers, plus pitoyables encore que sa Prose ; ce qui a fait dire à bien des gens, qu’il eût mieux valu, pour sa gloire, qu’il se fût uniquement attaché à la Médecine, où il auroit pu cacher plus facilement ses fautes. Nous ajouterons, encore que cette gloire exigeoit qu’il se garantît de la démangeaison de faire des Epigrammes. En voici une, de plusieurs qu’il a composées contre nous & débitées dans les Sociétés. Nous la citons précisément, parce que c’est la moins mauvaise de toutes.

L’autre jour chez Pigal, en contemplant Voltaire,
Je disois : Qu’a donc mis ce fameux Statuaire
Sous les pieds du fils d’Apollon ?
Et pourquoi lui fait-il écraser du talon
Masque hideux, dont la bouche effroyable
Semble ouverte pour aboyer ?
Est-ce l’Envie ? est-ce le Diable ?
Alors quelqu’un cria dans l’attelier :
Oh ! ce n’est rien, c’est l’Abbé Sabatier.

Que peut-on répondre à cela ? Sinon d’exhorter M. Daquin à tâcher de les faire meilleures, afin de trouver des Auditeurs sensés qui s’en amusent, & de piquer davantage ceux qui en sont l’objet.