(1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LV » pp. 213-214
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(1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LV » pp. 213-214

LV

opinion du national et d’armand marrast dans la question de l’enseignement universitaire. . —  discours de l’archevêque de paris. — le roi en conçoit de l’humeur. — discours de m. de montalivet, le fidus achates du roi. — cousin condamné a boire la ciguë.

Le National du 3 mai est très-opposé à la philosophie universitaire ; ce n’est pas que le National aime le moins du monde le clergé comme bien vous pouvez croire ; c’est que le rédacteur Armand Marrast est un disciple de Condillac et de Laromiguière, et dèslors un vieil adversaire de l’éclectisme. Il y a dans cette levée de boucliers contre la philosophie de Cousin autre chose encore que des opinions et des croyances religieuses et cléricales ; il y a des rancunes philosophiques de la part des dissidents, sensualistes, sceptiques, etc., que l’éclectisme a toujours mal menés et méprisés avec hauteur.

— Le discours de l’archevêque de Paris au roi, à l’occasion de la fête du 1er mai, a donné lieu à une réplique un peu sévère. Le roi s’est fâché de ce qui avait l’air d’une leçon. En lisant ce discours assez embrouillé de l’archevêque, on se demande si l’intention était manifeste. Quelques-uns disent qu’il y avait une phrase qu’on n’a pas imprimée : « Je viens apporter ici non plus des espérances, mais des regrets », quelque chose dans ce sens ; dans tous les cas, le roi l’a compris ainsi, et a eu un moment d’humeur.

Mais voilà que le lendemain à la Chambre des pairs (2 mai), M. de Montalivet est venu parler contre la philosophie et dans un sens qui pouvait sembler favorable au clergé. Or, M. de Montalivet est considéré dans tous ses actes et toutes ses paroles politiques comme le roi en personne dont il est le favori (fidus Achates). Les paroles de M. de Montalivet, sa démarche (étant venu là, tout malade de la goutte et en s’appuyant sur sa canne) ont été interprétées comme partant de plus haut et du Château (voir le Constitutionnel d’hier). Il est curieux de voir comme les Débats d’aujourd’hui (4 mai) ont baissé le ton sur cette question universitaire qu’ils épousaient avec tant de ferveur, et comme ils se mettent à ménager leur retraite depuis que M. de Montalivet n’est pas de leur premier avis.

— Quant à la Chambre des pairs, elle continue dans sa voie d’admonestation à la philosophie et de méfiance assez marquée contre les programmes de M. Cousin qui a l’air véritablement, depuis toute cette discussion, d’être condamné à la ciguë et qui, en veine inépuisable d’éloquence, varie l’Apologie de Socrate sur tous les tons. Au fait, quel que soit le vote, le coup moral est porté.