Tellier, Jules (1863-1889)
[Bibliographie]
Nos poètes (1888). — Reliques de Jules Tellier (1892).
OPINIONS.
Anatole France
Il laisse des vers, dont quelques-uns seront placés dans les anthologies, à côté de ceux de Frédéric Plessis, qu’il admirait. Et Jules Tellier sera accueilli parmi les petits poètes qui ont des qualités que les grands n’ont point. Si les minores de l’antiquité étaient perdus, la couronne de la Muse hellénique serait dépouillée de ses fleurs les plus fines. Les grands poètes sont pour tout le monde, les petits poètes jouissent d’un sort bien enviable encore : ils sont destinés au plaisir des délicats. Il ne me convient pas d’être tranchant en manière de goût. Mais il me semble que la Prière de Jules Tellier à la mort est un poème que nos anthologistes pourraient dès aujourd’hui recueillir.
Maurice Barrès
En juin 1889 est mort un jeune homme de vingt-six ans, M. Jules Tellier, surpris par une maladie au cours d’un voyage d’agrément. Sa vie trop brève et les circonstances ne lui ont pas permis de se faire connaître du public, mais cet inconnu doit être considéré comme un des logiciens du sentiment les plus extraordinaires que compte notre littérature… Il a sombré, ne laissant dans l’histoire littéraire, pour indiquer la place qu’il méritait, que cinq ou six cents lignes ! Quelques gouttes d’huile ballottées sur la mer. Les meilleurs ayant lu cela célébreront M. Jules Tellier dans leur mémoire et diront : ce jeune homme a pris en soi une conscience nette de ces mêmes ardeurs que nous ressentons, et il les a congelées dans des paroles harmonieuses.
Paul Guigou
Malgré deux ou trois morceaux de premier ordre, des morceaux tels qu’ils sacrent un poète, malgré de rares qualités d’expression et un instinct délicat du rythme, je dis sans hésitation que Tellier a été moins poète dans ses vers que dans sa prose. Je trouve que la poésie de Tellier a parfois quelque chose de trop net, de trop visible et d’un peu sec. L’idée, toujours fine et poétique, y est exprimée avec exactitude, avec beaucoup de propriété, mais sans mystère. Les mots disent littéralement ce qu’ils disent, et rien de plus. Il manque autour d’eux ce je ne sais quoi qui les baigne comme d’un fluide pénétrant et fait qu’ils se prolongent en notre esprit et le mènent de rêve en rêve. Évidemment, l’écrivain en vers était gêné par l’extrême délicatesse du critique.