(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 570-571
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(1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 570-571

QUILLET, [Claude] né à Chinon en Touraine en 1602, mort à Paris en 1661.

D’abord Médecin, ensuite Abbé, puis Littérateur ; il dut à cette derniere qualité une place de Secrétaire d’Ambassade à Rome, sous le Maréchal d’Estrées. De retour d’Italie, il composa un Poëme Latin, dont le titre seul paroîtra singulier, autant que les préceptes en sont chimériques & peu sûrs. Il est intitulé Callipœdia, c’est-à-dire, l’Art de faire de beaux Garçons. On sera moins étonné du titre de l’Ouvrage, que d’apprendre que le Cardinal Mazarin qui y étoit maltraité, fit appeler l’Auteur, lui reprocha avec douceur les traits qu’il s’étoit permis contre lui, & lui donna une Abbaye de quatre mille livres. Quillet eut la bassesse d’accepter ce bienfait de la part d’un homme qu’il n’aimoit ni n’estimoit, & dont il avoit dit du mal ; & le Cardinal, la foiblesse d’accepter la dédicace de la seconde édition d’un Ouvrage si peu analogue à la gravité de son état & de celui de l’Auteur. Quillet retrancha les traits satiriques contre le Ministre, & ne rougit point de les remplacer par des éloges.

Pour revenir à cette étrange Callipédie, on peut dire que ce sujet bizarre est traité d’une maniere très-agréable. Le plan en est très-bien distribué, la fable y est employée d’une façon heureuse, les épisodes y sont variés & amenés avec art ; la versification en est brillante & facile. Tout ce qu’on peut blâmer dans ce Poëme, ce sont des Peintures trop libres que le sujet amenoit de lui-même, une crédulité absurde sur l’influence des Astres, & quelques incorrections de style que la gêne du metre semble avoir occasionnées. A ces défauts près, qui ne sont pas excusables, on reconnoît dans ce Poëme quelques empreintes du goût de Virgile, & de la maniere de Lucrece. Le début est à peu près semblable à celui des Géorgiques ; l’imitation de ce début est même trop servile. Il est permis, sans doute, de se nourrir du génie des Anciens ; mais il faut faire en sorte de pouvoir dire avec Lafontaine,

Mon imitation n’est point un esclavage.