(1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — La Grenée » p. 97
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(1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — La Grenée » p. 97

La Grenée

Il y a d’un La Grenée une Assomption ; Venus aux forges de Lemnos demandant à Vulcain des armes pour son fils ; un Enlèvement de Cephale par l’Aurore, un Jugement de Paris, un Satyre qui s’amuse du sifflet de Pan et quelques petits tableaux, car les précédents sont grands.

Si j’avais eu à peindre la descente de Venus dans les forges de Lemnos, on aurait vu les forges en feu sous des masses de roches ; Vulcain debout, devant son enclume, les mains appuyées sur son marteau ; la déesse toute nue lui passant la main sous le menton ; ici le travail des Ciclopes suspendu ; quelques-uns regardant leur maître que sa femme séduit, et souriant ironiquement ; d’autres cependant auraient fait étinceler le fer embrasé. Les étincelles dispersées sous les coups auraient écarté les Amours ; dans un coin ces enfants turbulents auraient mis en désordre l’atelier du forgeron ; et qui aurait empêché qu’un des Ciclopes n’en eût saisi un par les ailes pour le baiser ? Le sujet était de poésie et d’imagination, et j’aurais tâché d’en montrer. Au lieu de cela, c’est une grande toile nue, où quelques figures oisives et muettes se perdent. On ne regarde ni Vulcain, ni la déesse. Je ne sais s’il y a des Ciclopes. La seule figure qu’on remarque, c’est un homme placé sur le devant qui soulève une poutre ferrée par le bout.

Et ce Jugement de Paris ? Que vous en dirai-je ? Il semble que le lieu de la scène devait être un paysage écarté, silencieux, désert, mais riche ; que la beauté des déesses devait tenir le spectateur et le juge incertains ; qu’on ne pouvait rencontrer le vrai caractère de Paris que par un coup de génie. M. de La Grenée n’y a pas vu tant de difficulté. Il était bien loin de soupçonner l’effet sublime du lieu de la scène. Son Jeune Satyre qui s’amuse du sifflet de Pan a plus de gorge qu’une jeune fille. Le reste, c’est de la couleur, de la toile et du temps perdus.