(1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Note relative à l’article Villehardouin. » p. 527
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(1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — Note relative à l’article Villehardouin. » p. 527

Note relative à l’article Villehardouin.

J’ai dit, p. 382 : « Il y a pourtant plus de six cents ans qu’il a écrit dans le français qu’on jargonnait alors… » Ce mot de jargonnait me chiffonne ; il me donne après coup des scrupules, et je sens le besoin de faire jusqu’à un certain point réparation à Villehardouin et à nos bons aïeux de la seconde moitié du xiie  siècle. Je viens de lire le Mémoire sur la langue de Joinville, par M. Natalis de Wailly. Que n’a-t-il fait le même travail sur la langue de Villehardouin ! Sans doute l’orthographe, comme la prononciation, était extrêmement variable au Moyen Âge ; mais même à cette époque reculée n’y avait-il pas certaines règles de grammaire, certaines manières de dire et d’écrire, qui étaient réputées les bonnes et les préférables ? La question paraît aujourd’hui résolue pour ceux qui ont étudié de plus près les textes, et qui en sont arrivés à observer ou à induire un tel type de langue française romane offrant son genre de perfection à son moment et très reconnaissable sous la plume des bons clercs. En admettant même que cette perfection fût chose très fugitive et seulement approximative, que ce ne fût en quelque sorte qu’une velléité de perfection, il suffit qu’elle se rencontre ou se conçoive en cette période de Philippe Auguste à saint Louis pour que l’expression de jargonner ne soit plus à sa place et qu’il la faille retirer comme une injustice et une impertinence des époques modernes postérieures. Voilà, ce me semble, un mea culpa par lequel je romps avec l’école de la routine et des à-peu-près et je me mets en règle avec la jeune science philologique.